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Le lancement d’un portail pour les droits de douane donne des maux de tête aux importateurs

La Presse Canadienne|Publié le 20 octobre 2024

Le lancement d’un portail pour les droits de douane donne des maux de tête aux importateurs

(Photo: Christinne Muschi La Presse Canadienne)

Les importateurs affirment qu’un nouveau portail en ligne pour la collecte des taxes sur les marchandises expédiées au Canada crée des maux de tête avant son lancement cette semaine, avec des implications potentielles pour les consommateurs. 

Lundi, la plateforme numérique du gouvernement fédéral pour le paiement des droits de douane devrait être mise en ligne dans le but de simplifier l’ancien processus papier sur lequel les douaniers s’appuyaient depuis des décennies.

La nouvelle plateforme est connue sous le nom de projet de Gestion des cotisations et des recettes de l’Agence des services frontaliers du Canada, ou GCRA.

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) affirme que le portail facilitera le transport transfrontalier en offrant à des dizaines de milliers d’expéditeurs un accès direct à leurs informations et une plateforme conviviale pour soumettre des documents tout en renforçant l’application de la loi. Mais les premiers retours suggèrent que la transition ne se déroule pas sans heurts pour tous.

De nombreuses plaintes concernent l’enregistrement, tandis que d’autres concernent la navigation sur la plateforme elle-même, qui sera utilisée pour collecter quelque 40 milliards de dollars (G$) de recettes annuelles. 

Lisa McEwan, copropriétaire de la société de courtage en douane Hemisphere Freight, dit qu’elle a dû embaucher du nouveau personnel pour gérer le processus d’«intégration» et aider les clients à naviguer dans les explications pour effectuer des paiements. 

La confusion tourne autour de problèmes allant des numéros d’entreprise aux cautions douanières en passant par les cycles de facturation décalés. Si les informations soumises pour créer un compte ou traiter une transaction ne correspondent pas parfaitement aux informations détenues par l’Agence du revenu du Canada (ARC), l’utilisateur ne peut pas s’inscrire ou procéder à l’expédition, a-t-elle expliqué.

«Parfois, l’ARC a même une adresse différente: elle aura l’unité 68, mais en réalité vous êtes l’unité 69, et cela ne vous permet pas d’intégrer le portail», a Lisa McEwan, dont les clients transportent des produits allant des tapis aux ustensiles de cuisine.

«Ensuite, vous devez appeler la ligne d’assistance du GCRA. À un moment donné, vous receviez une contravention et il fallait environ quatre semaines avant qu’ils ne vous contactent.»

Les employés fédéraux semblent «dépassés», a-t-elle ajouté.

Un processus simplifié, mais des obstacles

«Le GCRA remplace plusieurs systèmes vieillissants actuellement utilisés à l’ASFC afin d’améliorer la conformité aux règles commerciales, de réduire les pertes de revenus et de simplifier le processus d’importation», a soutenu Guillaume Bérubé, porte-parole de  l’agence, dans un communiqué envoyé par courriel. 

«Cette étape importante fait suite à une vaste consultation avec les intervenants et à des tests approfondis du système pour assurer une transition en douceur des systèmes obsolètes aux systèmes modernes», ajoute-t-il.

Néanmoins, les obstacles du nouveau système de déclaration directe peuvent entraîner des retards à court terme. 

«Il y aura des retards. Et chaque fois qu’il y a des retards dans les échanges commerciaux, il y a généralement des coûts associés. Et ces coûts sont répercutés sur le consommateur», a fait remarquer Dave Pentland, vice-président de Carson International, un courtier en douane agréé basé à Vancouver. 

D’autres affirment que certains importateurs pourraient abandonner complètement les expéditions canadiennes. 

«J’ai eu des clients qui sont aux États-Unis et qui disent: « Vous savez quoi, je n’ai pas le temps »», a raconté Lisa McEwan. «Il pourrait donc y avoir moins de produits disponibles en raison de toutes ces démarches à accomplir.»

Au 14 octobre, quelque 99 300 expéditeurs étaient inscrits pour utiliser le portail, selon l’ASFC. Cependant, le nombre d’entreprises d’importation canadiennes s’élevait à 163 881 l’année dernière, selon Statistique Canada, ce qui suggère que des dizaines de milliers d’importateurs nationaux ne se sont pas encore inscrits, sans parler des entreprises basées à l’étranger.

Les inscriptions font suite à un lancement en douceur il y a un an, destiné à permettre à certains importateurs de tester leurs systèmes internes et de résoudre les problèmes de logiciel, a indiqué le gouvernement.

De nombreux expéditeurs soutiennent la refonte pour son objectif d’efficacité et d’accès, en particulier les plus gros acteurs qui ont les ressources nécessaires pour surmonter les obstacles bureaucratiques.

«Moins vous utilisez de papier, mieux c’est. C’est l’un de ces domaines où les petits vont se rebeller, les grands vont se joindre à nous», a noté John Corey, président de l’Association canadienne de gestion du fret, dont les membres comprennent des fabricants ainsi que des détaillants tels que Canadian Tire et Home Depot.

Un cheminement cahoteux

La route vers le lancement a été longue et cahoteuse. Entre 2018 et 2022, l’ASFC a dit avoir mené 35 séances de consultation, plus de 60 séances de groupes de travail techniques et environ 170 événements de mobilisation avec des importateurs, des courtiers, des banques et des exploitants d’entrepôts. 

L’agence a déjà repoussé la date de lancement de six mois. 

Mais les avantages d’un système qui détecte les erreurs de classification pourraient être fructueux. Après avoir analysé 31 mois de transactions à compter de 2022, l’ASFC prévoit que le portail pourrait empêcher les importateurs de réclamer par erreur jusqu’à 216M$ par an en exonérations fiscales. 

Si tel est le cas, le coût de la nouvelle plateforme de Deloitte, à qui le projet a été confié, pourrait valoir les 182M$ que le gouvernement a versés jusqu’à présent à la société de conseil.

«Il y a des dizaines de millions de dollars d’avantages et il y a aussi une réduction du fardeau pour les entreprises canadiennes», a assuré le vice-président de l’ASFC, Ted Gallivan, lors d’une audience du comité du commerce de la Chambre des communes le 19 mars.

En 2017, le vérificateur général a recommandé à l’agence d’intensifier l’application de la loi et de revoir son régime de permis pour les courtiers en douane après avoir découvert que les expéditeurs classaient mal les marchandises importées plus de 20% du temps, privant Ottawa de recettes douanières.

«J’ai vu la répercussion positive de ce que cela apportera», a soutenu Lisa McEwan à propos du nouveau portail. «Mais le défi consiste à y parvenir.»