Pour faciliter l’adoption des technologies au sein d’une équipe, il peut être utile de miser sur des employés plus jeunes qui peuvent apaiser les craintes et aider leurs collègues. (Photo: 123RF)
AUTOMATISATION. La crainte des employés face aux robots semble s’être estompée au cours des dernières années, mais l’arrivée de machines fait malgré tout surgir des préoccupations auxquelles les dirigeants d’entreprises doivent réfléchir et répondre, soulignent des experts du domaine.
Les histoires de robots qui vont dominer le monde et remplacer tous les emplois, la professeure de l’Université de Sherbrooke Elaine Mosconi les entend de moins en moins. « Ce qu’on voit dans les films crée de la peur et de la résistance chez certaines personnes », dit-elle, mais souligne que « les craintes sont moins présentes qu’avant ».
« Je pense qu’il est plus facile ces jours-ci de démontrer que les robots ne vont pas remplacer les humains et qu’ils vont plutôt faciliter leur travail », ajoute cette spécialiste des incidences des nouvelles technologies dans les organisations.
« Je pense que les gens sont souvent heureux de voir arriver les robots parce qu’ils se disent que des tâches exigeantes physiquement ou répétitives vont enfin pouvoir être automatisées », constate également Éric Côté, PDG de Tecking Automatisation, entreprise spécialisée dans la conception d’équipements industriels et l’automatisation de procédés.
Le pouvoir des rumeurs
Le fait que les robots soient mieux accueillis qu’avant ne signifie pas que leur arrivée se fait toujours en douceur. Elaine Mosconi a par exemple étudié le cas d’une entreprise de Beauce (qu’elle préfère ne pas nommer) qui a acheté trois robots.
Avant leur installation, les rumeurs ont commencé à circuler parmi les travailleurs : les dirigeants vont-ils tout robotiser ? Des emplois seront-ils abolis ? À un point tel qu’un employé a décidé de quitter l’entreprise, de peur d’être mis à pied.
Cette crainte n’était cependant pas fondée : personne n’a été renvoyé et les employés se sont même dit heureux d’avoir des horaires de travail allégés, grâce aux machines. Il y a eu une « déconnexion » au sein de l’entreprise, entre les responsables des ressources humaines et les employés, affirme Elaine Mosconi.
La résistance au changement de la part des employés, peu importe sa forme, est d’ailleurs l’une des principales raisons qui dissuadent les entreprises québécoises d’adopter de nouvelles technologies robotisées, indique une étude de Statistique Canada publiée en août dernier.
Miser sur les jeunes
L’ampleur et la nature des résistances peuvent bien sûr varier d’une industrie et d’une entreprise à une autre, mais aussi selon l’âge des employés concernés par l’arrivée d’une nouvelle technologie.
Les employés de 40 ans et plus qui ont effectué la même tâche répétitive depuis des années seront peut-être plus réticents que de jeunes travailleurs qui sont plus familiers avec les technologies, explique Éric Côté, de Tecking Automatisation. « Les plus âgés sont quand même au courant qu’ils sont parmi les derniers à effectuer les tâches plus répétitives. Quand les projets de robotisation arrivent, je pense qu’ils sont contents malgré tout. Ils se laissent convaincre facilement », précise-t-il.
Pour faciliter l’adoption des technologies au sein d’une équipe, il peut être utile de miser sur des employés plus jeunes qui peuvent apaiser les craintes et aider leurs collègues, fait remarquer Alexandre Paré, cofondateur de Revtech Systèmes, une entreprise de la région de la Beauce qui élabore des projets d’automatisation sur mesure. « Quand il y a de bons jeunes travailleurs sur une ligne de production, ils peuvent avoir un impact positif sur les autres membres de l’équipe », dit-il.
Des questions à se poser
Mises à part les craintes liées aux emplois, les enjeux éthiques soulevés par l’arrivée de nouvelles machines sont nombreux, estime Elaine Mosconi. Des employés peuvent par exemple se demander si leur production sera comparée à celle des robots, afin d’évaluer leur utilité au sein de l’entreprise. Ou encore si la programmation des machines sera faite d’une manière qui sera adéquate : pas trop rapide, assez sécuritaire, etc.
« Les contextes sont différents selon les entreprises et ils ne requièrent pas le même niveau d’intervention, souligne la professeure. Les dirigeants peuvent demander aux employés de nommer leurs craintes et y répondre une à la fois. »
Le dirigeant a aussi des « choix déterminants » à faire lorsque vient le temps d’implanter une nouvelle technologie, ajoute Kevin J. Johnson, professeur au Département de management de HEC Montréal. Il doit se demander pourquoi il veut implanter des robots et à quel coût (à la fois sur les plans financier et humain), dit-il, mais aussi se poser des questions plus délicates. Par exemple : pourquoi garder tel ou tel employé, une fois que les machines seront installées dans l’usine ?
« Est-ce qu’on garde les employés parce qu’on a peur de se casser les dents dans notre transformation ? Est-ce qu’on veut les garder pendant les turbulences pour être certain d’avoir un plan B ? Ou veut-on les garder parce qu’on est prêt à investir dans leur requalification, dans leur développement, dans leur évolution ? », soulève-t-il.