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La tolérance relative des clients fortunés

Jean Décary|Édition de la mi‑septembre 2024

La tolérance relative des clients fortunés

Les stratégies de fusion-acquisition, les infrastructures, les terres agricoles, les vignobles, les parcs éoliens sont des gammes d'investissements qui nécessitent des connaissances plus approfondies.

CLIENTS FORTUNÉS. Les clients fortunés doivent-ils apprendre à gérer une plus grande tolérance au risque et considérer l’option des investissements alternatifs?

« La tolérance au risque, ça dépend davantage du profil de l’investisseur que de la grosseur du portefeuille », observe Sylvain De Champlain, président de De Champlain groupe financier. « Mais c’est certain que plus ta fortune est importante, plus la variation de celle-ci est relative. »

Un ancien cadre d’une grande banque canadienne rappelle qu’un client très riche peut aussi avoir une très grande aversion à encaisser des pertes. « Il peut s’agir d’anciens hommes d’affaires qui ont trimé dur et pris des risques toute leur vie. À présent, ils sont passés à la caisse et veulent préserver leurs acquis. »

Il y a une certaine constante, remarque-t-il, c’est que bon nombre de ces investisseurs veulent les gros rendements tout en évitant les pertes. « Les riches, c’est une clientèle qui se fréquente et qui se « challenge ». Le défi pour les gestionnaires de portefeuille est de prouver que les services offerts dans l’industrie valent la peine pour eux. »

La réalité, selon Vincent Fournier, gestionnaire de portefeuille à Claret, c’est qu’une personne fortunée a besoin d’une politique de placement qui est faite sur mesure et qui va établir la marche à suivre.

« Des gens me demandent par exemple s’ils devraient investir dans l’or. Si tu as 50 millions de dollars (M$), je dirais oui, car tu te trouves à couvrir un risque précis, celui d’une insécurité sociale (une guerre par exemple). Mais si tu as 1 M$, sur l’échelle des risques, c’est sans doute moins un besoin, car plus difficile à gérer et plus cher (tu dois garder l’or physique quelque part, tu dois l’assurer et tu vas éventuellement devoir le revendre). »

Pour Cimon Plante, gestionnaire de portefeuille et conseiller principal en gestion de patrimoine, Groupe Plante, à la Financière Banque Nationale, la tolérance au risque dépend surtout du tempérament de l’investisseur et de la qualité de ses investissements. « Ça varie d’une personne à l’autre. Il y a des gens qui ont des stratégies très conservatrices et ne veulent pas voir le capital bouger. Ils vont vivre des intérêts et considèrent qu’ils en ont assez. »

D’autres, selon lui, vont vouloir bonifier leur portefeuille et ont le tempérament pour négocier la volatilité des marchés boursiers. « Ils vont vivre de revenus de dividendes et vont être actionnaires, comme Warren Buffett, de sociétés stables qui possèdent des avantages concurrentiels. » Il mentionne aussi une troisième catégorie d’investisseurs, un peu plus sophistiquée, qui va garnir son portefeuille de différents placements alternatifs.

Les produits alternatifs

L’investisseur qui choisit de s’aventurer hors des sentiers battus, c’est-à-dire à l’extérieur du périmètre défini par les placements dits traditionnels (actions et obligations), va rencontrer sur son chemin les produits dits alternatifs.

Ce sont des produits qui, traditionnellement, ont été réservés davantage aux particuliers plus fortunés et aux caisses de retraite. « La Caisse de dépôt et placement du Québec utilise des stratégies alternatives, environ de 30 % à 40 % de son actif se retrouve dans ce genre de produits », explique Sylvain De Champlain, qui fait toutefois remarquer que ce type de stratégie s’est démocratisé ces dernières années.

La catégorie des investissements alternatifs comprend plusieurs catégories d’actifs différents : le capital-investissement, les actifs réels, les produits alternatifs liquides, l’immobilier et les matières premières, par exemple, peut-on lire sur site de courtage de la Banque Nationale.

« L’idée derrière ces produits (excluant le capital de risque), c’était de trouver un type de placement qui serait décorrélé des marchés boursiers, une sorte de volet de protection dans le portefeuille », explique Cimon Plante. Quand les marchés boursiers sont à la hausse, les produits alternatifs vont sous-performer et vice-versa. « En termes absolus, la personne qui investit dans l’alternatif peut s’attendre à aller chercher des rendements annuels qui se situent entre 3 % et 6 %. »

« C’est une gamme d’investissements plus sophistiqués qui requiert plus de connaissances et de compétences », souligne Sylvain De Champlain. Il mentionne les stratégies de fusion-acquisition, les infrastructures (la Caisse, par exemple, est actionnaire de l’aéroport Heathrow, à Londres, et du Réseau express métropolitain), les terres agricoles, les vignobles, les parcs éoliens, etc. « Il y a toutes sortes d’options qui entrent dans la gamme de produits alternatifs. »

« Nous, on est d’avis qu’il est préférable de se concentrer sur des investissements publics, lesquels, historiquement, ont démontré leur avantage à long terme », souligne pour sa part Vincent Fournier, de Claret.