Tristan Oertli, directeur transformation humaine et pratiques ESG de Talsom (Photo: courtoisie)
CLOUD. Les effets environnementaux de l’infonuagique augmentent très rapidement en raison de la grande popularité de cette approche TI. Les entreprises peuvent toutefois poser certains gestes pour réduire leurs effets négatifs.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), les centres de données et les réseaux de transmission de données consommaient 2 % de l’électricité mondiale en 2022. La montée de l’intelligence artificielle et du minage de cryptoactifs pourrait hausser cette consommation au-delà de 1000 TWh d’ici 2026. Les centres de données et les réseaux de transmission génèrent environ 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) liées à l’énergie, toujours d’après l’IEA.
« Cette consommation sert surtout à alimenter la puissance de calcul et le refroidissement, souligne Tristan Oertli, directeur transformation humaine et pratiques ESG de Talsom. La plus grosse partie de l’impact environnemental de l’infonuagique provient toutefois de la fabrication des équipements (serveurs, connecteurs, etc.). »
En ce sens, l’infonuagique ressemble à l’ensemble du monde numérique. « Dans les endroits qui produisent une électricité peu carbonée, comme le Québec, plus de 70 % des émissions de GES de l’infonuagique proviennent de la fabrication et de l’alimentation des appareils des usagers, alors que le reste provient de la fabrication et de l’alimentation des centres de données », indique Daria Marchenko, fondatrice de l’Ecoist Club.
S’ajoute à cela l’impact environnemental et social de l’extraction des minéraux critiques nécessaires à la construction des appareils qui font fonctionner l’infonuagique. Sans oublier que les centres de données sont aussi de grands consommateurs d’eau, notamment pour le refroidissement.
Des engagements contradictoires
Le portrait n’est pas tout noir pour autant. « À données égales et pour un même service, passer par l’infonuagique d’un grand fournisseur comme Azur, AWS ou Google est généralement plus sobre énergétiquement que d’employer des serveurs sur site », indique Tristan Oertli.
Les gros joueurs ont pris des engagements importants ces dernières années. Microsoft Azur souhaite devenir carbonégatif en 2030, alors que Google vise la carboneutralité dans le même délai. AWS compte n’utiliser que des énergies renouvelables d’ici 2025. Daria Marchenko y voit une certaine contradiction. « D’un côté, on tente de réduire l’impact environnemental des centres de données, mais de l’autre on incite les particuliers et les entreprises à consommer de plus en plus de matériel numérique, ce qui augmente l’empreinte carbone et l’impact environnemental de l’usage des réseaux », souligne-t-elle.
Les entreprises peuvent agir
Les entreprises peuvent contribuer à briser cette dynamique. À ce titre, le choix du fournisseur d’infonuagique compte beaucoup. Tristan Oertli admet que l’on doit se méfier des informations rendues publiques par ces fournisseurs, puisque les divulgations restent volontaires et peu normées. « Certains indicateurs offrent tout de même des renseignements intéressants », affirme-t-il.
Il cite l’indicateur d’efficacité énergétique (PUE), qui exprime le ratio entre l’énergie totale consommée par un centre d’exploitation et la partie qui est utilisée directement par les systèmes informatiques du centre. Plus on se rapproche de 1, mieux c’est. L’indicateur d’efficacité de l’eau (WUE) divise quant à lui la quantité d’eau consacrée au refroidissement par la quantité d’énergie utilisée par les serveurs. Plus la quantité de litres d’eau du WUE est faible, mieux c’est.
On peut aussi analyser le facteur d’énergie renouvelable (REF) de chaque centre de données, qui mesure la part d’énergie renouvelable consommée par un tel centre, et qui est régie depuis 2016 par la norme ISO/IEC 31134-3. « La localisation des serveurs qui hébergent nos données est cruciale, ajoute Tristan Oertli. Un centre de données situé au Québec, où la température moyenne est plus froide et où l’énergie est peu carbonée, c’est très différent d’un autre au Texas, où le mix énergétique est moins vertueux et la température bien plus élevée. »
Les petits gestes s’accumulent
Il ajoute que les PME qui sous-traitent la gestion de leur infonuagique ont intérêt à faire affaire avec des consultants qui ne sont pas liés à un fournisseur particulier. Cela permet de choisir celui qui présente le meilleur bilan environnemental.
Les entreprises doivent en outre analyser leur usage du nuage. Utiliser des logiciels écoconçus réduit grandement l’impact environnemental. La quantité de données que l’on conserve doit aussi correspondre à nos besoins réels. C’est facile d’accumuler trop de données lorsque le prix du stockage demeure très bas. Daria Marchenko précise par ailleurs que les réseaux mobiles sont plus énergivores que les réseaux filaires.
De son côté, Tristan Oertli indique que même si nos gestes peuvent sembler minimes, c’est l’accumulation de petits gestes qui fera une différence. « Tout le monde utilise le numérique et de plus en plus de gens emploient l’infonuagique, rappelle-t-il. En modifiant tous nos comportements, nous pouvons vraiment changer l’impact environnemental de cette technologie. »