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«Notre nouveau boss est démotivé et démotivant!»

Olivier Schmouker|11 juillet 2024

«Notre nouveau boss est démotivé et démotivant!»

Les deux tiers des gestionnaires ne se sentent ni impliqués ni enthousiastes de faire ce qu’ils ont à faire. (Photo: 123RF)

MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudisVous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca

Q. – «Je ne sais pas ce qui se passe, mais notre nouveau boss ne semble pas motivé! Il traîne à prendre des décisions, il ne retourne pas les appels, etc. Ça a des répercussions dévastatrices sur l’équipe : plusieurs ne font presque plus rien, je les soupçonne même d’être en train de chercher une job ailleurs…» – Jayden

R. — Cher Jayden, sans en avoir visiblement conscience, vous venez de mettre le doigt sur l’un des grands fléaux insoupçonnés du début du XXIe siècle, à savoir l’épidémie de désengagement qui sévit dans les milieux de travail en ce début de XXIe siècle. J’en veux pour preuve le rapport «State of Global Workplace 2024» du cabinet-conseil en management Gallup, qui a mis au jour une donnée effarante à ce sujet :

– À l’échelle planétaire, seulement 30% des gestionnaires se sentent engagés envers leur travail, c’est-à-dire se sentent à la fois impliqués et enthousiastes dans leur quotidien au travail. En Amérique du Nord, ce pourcentage est de 33%, et c’est le plus élevé du monde!

Autrement dit, les deux tiers des gestionnaires ne se sentent ni impliqués ni enthousiastes de faire ce qu’ils ont à faire. (À l’image de votre propre boss, Jayden, qui semble se ficher de montrer aux autres qu’il subit son travail.) Oui, vous avez bien lu, 2 gestionnaires sur 3 sont aujourd’hui désengagés envers leur travail!

Comment expliquer ce phénomène? En grande partie par le fait que les gestionnaires ressentent plus vivement que les autres les impacts négatifs inhérents à nos façons de travailler actuelles, comme l’indique l’étude Gallup :

– Stress. 41% des gestionnaires souffrent du stress au quotidien; c’est le cas pour 40% des employés.

– Inquiétude. 39% des gestionnaires sont en proie à l’inquiétude au travail; c’est le cas pour 36% des employés.

– Colère. 24% des gestionnaires ressentent quotidiennement des bouffées de colère au travail; c’est le cas pour 19% des employés.

– Tristesse. 24% des gestionnaires ressentent quotidiennement des vagues de tristesse au travail; c’est le cas pour 21% des employés.

Le hic, c’est que ces souffrances ressenties par les gestionnaires ont des répercussions aussi directes que foudroyantes sur les employés dont ils ont la responsabilité. Gallup a en effet découvert que «70% de la variation de l’engagement d’une équipe est attribuable au seul gestionnaire»!

Résultat? De manière générale, les employés sont encore moins engagés envers leur travail que les gestionnaires : seulement 18% d’entre eux se sentent impliqués et enthousiastes dans leur quotidien au travail. Même pas 1 sur 5. Pas étonnant, par conséquent, Jayden, que plusieurs de vos collègues se mettent à regarder ailleurs dans l’espoir que l’herbe y est plus verte…

Selon les experts de Gallup, le remède à cette pandémie largement insoupçonnée est, somme toute, assez simple : «Chers employeurs, faites triper vos gestionnaires dans leur quotidien au travail, cela contribuera à faire triper les employés à leur tour, par simple effet d’entraînement.» Car, soulignent-ils, «un gestionnaire engagé motive inconsciemment les membres de son équipe à donner le meilleur d’eux-mêmes, les faisant passer d’indifférents à inspirés».

Pour qu’un gestionnaire se sente impliqué et enthousiaste, il lui faut adopter un style managérial moderne, à savoir en phase avec les valeurs du début du XXIe siècle. Comme l’indique l’étude de Gallup, «le bon gestionnaire est celui qui donne des objectifs clairs, nets et réalistes, qui donne un feedback régulier et constructif et qui responsabilise chacun de telle sorte que les uns et les autres puissent exprimer leur plein potentiel».

«Des décennies de recherche de Gallup sur le management révèlent qu’un bon gestionnaire noue une relation forte avec chaque membre de son équipe, fondée sur le respect, la positivité et la compréhension des dons uniques de chacun, est-il noté dans l’étude. Il aide les employés à trouver un sens à leur travail et à en dégager des récompenses. En conséquence, il s’intéresse profondément à ce que chacun fait et veut faire, ce qui entraîne une productivité et une satisfaction décuplées.»

Maintenant, Jayden, que pouvez-vous faire pour remettre votre boss sur la bonne voie? J’ai une petite suggestion à vous faire : faites circuler cette chronique au sein de votre organisation, par exemple en l’imprimant et en l’affichant sur le babillard qui doit se trouver à proximité de la distributrice de café du bureau. Je suis convaincu que des membres de la haute direction, voire votre boss lui-même, finiront par y jeter un œil, puis par réaliser qu’ils sont frappés de plein fouet par l’actuelle pandémie de désengagement. Cela ne devrait pas manquer de les faire réagir, et donc de les inciter à changer. Sans quoi, réaliseront-ils, leur organisation risque fort de bientôt frapper un mur.

En passant, l’écrivain français David Foenkinos a dit lors d’une entrevue accordée au quotidien Le Figaro : «Il faut se motiver pour s’armer contre la terreur du défaitisme, contre l’hégémonie des cyniques. C’est un combat à mener.»

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