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Jean-Philippe Legault

Entre les lignes

Jean-Philippe Legault

Expert(e) invité(e)

L’effet Lindy… ou l’attrait d’une marque de commerce

Jean-Philippe Legault|Mis à jour il y a 1 minute

L’effet Lindy… ou l’attrait d’une marque de commerce

Un des éléments difficile à évaluer est l’attrait à long terme pour la marque de commerce d'une entreprise. (Photo: 123RF)

L’effet Lindy a été développé par Albert Harry Goldmann dans les années 1960 et repris par Nassim Taleb dans son livre Antifragile. Cette théorie stipule que l’espérance de vie de certaines choses non périssables, telles qu’une technologie ou une idée, est proportionnelle à leur âge. Autrement dit, plus une chose existe depuis longtemps, plus elle a de chance de perdurer dans le temps.

Bien qu’il soit impossible de généraliser, cette théorie semble bien s’appliquer aux marques de commerce. Prenons l’exemple de la marque Coca-Cola qui existe depuis plus de 130 ans. Puisqu’elle a traversé une multitude de contextes économiques et politiques, sa longue existence augmente son potentiel de survie. D’autres exemples sont des marques comme Colgate (1806), Hershey (1894) et Rolex (1905).

L’effet Lindy m’est venu à l’esprit lorsque j’ai réexaminé le titre de Lululemon (LULU) après la chute récente de son titre en Bourse. Dans mon analyse, un des éléments que je trouve difficile à évaluer est l’attrait à long terme pour sa marque de commerce. Aujourd’hui, les consommateurs aiment beaucoup les produits Lululemon, mais est-ce que cette marque sera toujours autant appréciée dans le futur? Les sociétés qui évoluent dans le domaine des vêtements et de la mode sont généralement contraintes à des cycles de popularité.

En tenant compte de l’effet Lindy et des cycles de popularité, il devient difficile d’évaluer la marque Lululemon. La société a été fondée en 1998, ce qui en fait une marque de commerce plutôt jeune. Selon cette théorie, la marque de la société Nike (NKE), fondée en 1964, aurait plus de chance de survivre à long terme que celle de Lululemon.

Prenons l’exemple de la jeune marque Under Armour (UA), fondée en 1996. Cette dernière a connu une popularité grandissante entre 2005 et 2016. Toutefois, depuis 2017 la croissance des ventes a ralenti sensiblement. Est-ce à cause d’une mauvaise exécution de la part de l’équipe de direction ou d’une perte d’intérêt des consommateurs envers la marque? Déterminer la cause précise n’est pas toujours évident.

Il est normal que certaines sociétés connaissent des périodes creuses. Satya Nadella, le PDG de Microsoft, affirme dans son livre Hit Refresh que toutes les sociétés devront, un jour ou l’autre, se réorganiser ou se réinventer. Les marques de commerce qui existent depuis longtemps devront aussi faire cet exercice.

Prenons l’exemple de Nike qui avait connu beaucoup de difficultés à la fin des années 1990, surtout en raison des conditions de travail controversées de ses employés à l’étranger. Pendant ce temps, Adidas et Under Amour devenaient de plus en plus compétitives. En 2006, Nike a effectué un virage piloté par Mark Parker où l’innovation et de meilleures pratiques sociales ont permis à sa marque de commerce de revenir en force.

L’exemple de Nike vient en quelque sorte confirmer l’effet Lindy. Ayant survécu aux périodes creuses et aux multiples contextes économiques et politiques, ses probabilités de survie augmentent avec les années qui passent.

Attention, le simple fait d’exister depuis longtemps ne fait pas nécessairement d’une marque de commerce un bon investissement boursier. L’exécution, la croissance, la rentabilité et le prix payé doivent être au rendez-vous. Toutefois, le fait d’exister depuis longtemps réduit le risque de voir cette marque disparaître.

Est-ce que la marque Lululemon sera encore aussi populaire dans quelques années? Si vous croyez que oui, le cours boursier semble intéressant à près de 19 fois les bénéfices prévus. De mon côté, j’y réfléchis, mais je n’ai pas encore réussi à découvrir les éléments qui me permettront d’être confiant en ma réponse. Entre-temps, chaque jour qui passe améliore ses chances de survie.

Jean-Philippe Legault, CFA
Gestionnaire de portefeuille chez COTE 100