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Daniel Lafrenière

De kessé l'expérience client

Daniel Lafrenière

Expert(e) invité(e)

L’expérience client au Québec serait bonne, mais…

Daniel Lafrenière|Mis à jour le 19 juin 2024

L’expérience client au Québec serait bonne, mais…

«L’attitude et la compétence des employés sont évaluées par les clients et les citoyens lors de chaque interaction, et cela teinte leur perception des organisations.» (Photo: 123RF)

EXPERT INVITÉ. Le diable se trouve dans les détails, et c’est ce qu’a démontré la plus récente étude que j’ai menée en partenariat avec SOM. Ainsi, derrière certains chiffres encourageants sur l’état de l’expérience client au Québec se cachent des constats plutôt préoccupants.

En effet, les adultes québécois sondés semblent apprécier l’expérience client qu’ils vivent en général. Lorsqu’on gratte un peu, on constate cependant qu’elle se dégrade lorsqu’ils interagissent avec le personnel du gouvernement du Québec, des municipalités et des commerces de détail.

Aussi, malgré le fait que 95% des répondants à l’étude sont très ou assez satisfaits de l’attitude du personnel de leur institution financière, 55% sont très satisfaits ; c’est donc dire que 40% n’ont pas été charmés par leur expérience. C’est similaire en ce qui concerne la compétence des employés: le taux de satisfaction global est de 94%, mais 50% ne sont que «très satisfaits». 

Cet écart est révélateur. Alors qu’un client très satisfait est un promoteur d’une marque, un ambassadeur, celui assez satisfait est plutôt neutre, passif. Il vous aime bien, mais sans plus.

Du côté gouvernemental, malgré le fait que 88% des répondants à l’étude sont assez ou très satisfaits de l’attitude du personnel du gouvernement du Québec, seuls 39% sont très satisfaits. C’est similaire en ce qui concerne la compétence des employés de l’État: 85% de satisfaction globale, mais 41% sont très satisfaits.

Je sais, le gouvernement n’est pas un commerce faisant face à des concurrents. Cela dit, ces constats se répercutent directement sur le volume d’appels (à la hausse), la durée du traitement (à la hausse) et la satisfaction globale (à la baisse). Je ne parle même pas de l’image de l’État qui s’en trouve malheureusement ternie.

Le savoir-être

C’est dans les municipalités (31 %), les commerces de détail (33 %) et les compagnies de télécommunications (34 %) qu’on observe les plus faibles taux de Québécois s’étant dits très satisfaits quant au savoir-être du personnel (accueil, sourire, politesse, écoute). Suivent de près les épiceries (37 %) et le gouvernement du Québec (39 %).

La nonchalance, le désintérêt de certains employés dans les commerces ne passe pas inaperçu. «Les employés sont trop absorbés par leur téléphone et pas trop intéressés à aider les clients», a dit un répondant.

Malgré le fait que dans l’ensemble 55 % des personnes sondées estiment que leur dernière interaction avec le personnel de leur institution financière était très positive, seuls 40 % des 18-34 ans l’ont jugée comme étant très satisfaisante contre 63 % pour les 55 et plus. Cet écart est significatif, d’autant plus qu’il pourrait être prédicteur de fidélité.

Le même phénomène s’observe lorsqu’on demande aux répondants d’évaluer le savoir-être du personnel lors d’un spectacle. 52% des 18-34 ans ont évalué leur expérience comme très satisfaisante contre 74% pour les 55 ans et plus.

Le savoir-faire

C’est dans les municipalités (28 %), les commerces de détail (31 %) et les compagnies de télécommunications (32 %) qu’on observe les plus faibles taux de répondants s’étant dits très satisfaits quant au savoir-faire (compétence, connaissances, expérience) des employés. Suivent de près les épiceries (34 %).

La pénurie de main-d’œuvre et le (haut) taux de roulement du personnel expliqueraient notamment cette perception de manque de connaissances. «Beaucoup de nouveaux employés ne sont pas encore formés», «ils ne savent rien de plus que ce qui est écrit sur le site Internet», ont mentionné des répondants à l’étude.

L’évolution de l’expérience client depuis la dernière année

Les secteurs d’activités où l’expérience client (non numérique) se serait le plus dégradée depuis la dernière année sont le gouvernement du Québec, les municipalités, le commerce de détail, l’épicerie et les compagnies de télécommunication.

Ainsi, 29% des répondants ont indiqué que la situation s’est détériorée au gouvernement provincial, contre 7% affirmant l’inverse (variation nette de -22 points). Il s’agit de la plus grande variation observée dans le sondage. Fait intéressant, ce sont les adultes 35-54 ans qui ont le plus exprimé ce changement — à la baisse — dans la prestation de services.

Qu’est-ce qui explique cette situation? Selon les commentaires, l’attente téléphonique, la difficulté de parler à un employé de l’État pour un besoin spécifique et le manque de connaissances du personnel posent un problème.

Cette citation d’un participant résume bien la situation: «L’entièreté du gouvernement du Québec est en crise. La lourdeur bureaucratique combinée au manque de personnel fait en sorte qu’il est difficile d’avoir un service de qualité. Les employés font de leur mieux, mais ils n’ont pas assez de formation et trop de travail. L’organisation du travail est à revoir.»

Que doit-on retenir?

Premièrement, il faut analyser en profondeur les données recueillies dans les études et éviter de se contenter d’un premier résultat qui peut sembler encourageant. Deuxièmement, la formation sur le savoir-être et le savoir-faire est cruciale. Ce n’est pas la première fois que j’en parle. L’attitude et la compétence des employés sont évaluées par les clients et les citoyens lors de chaque interaction, et cela teinte leur perception des organisations. Finalement, malgré les efforts de certains organismes publics pour améliorer l’expérience citoyen, ces derniers ont encore du pain sur la planche. Ce n’est pas le moment d’abandonner.

Sur ce, je vous souhaite un très bel été!

Ce sondage en ligne a été réalisé du 24 au 30 mai 2024 auprès de 695 adultes québécois francophones. L’échantillon a été tiré du panel «Or» de SOM, lequel est constitué essentiellement d’individus recrutés de façon aléatoire par téléphone (fixe et cellulaire). Il s’agit donc d’un échantillon probabiliste. Les données ont été pondérées pour refléter au mieux les caractéristiques de la population selon l’âge, le genre, la taille du ménage, la scolarité, la proportion d’adultes propriétaires et la région. La marge d’erreur maximale, pour l’ensemble des répondants, est de +/– 4,2%, 19 fois sur 20.

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