Quincaillerie Richelieu prévoit de la croissance malgré des soubresauts
Simon Lord|Édition de la mi‑juin 2024Richard Lord, président de Quincaillerie Richelieu (Photo: courtoisie)
L’appétit des ménages pour la rénovation s’est amenuisé en début d’année, minant les résultats de Quincaillerie Richelieu (RCH, 39,93$). Avec des taux d’intérêt qui pourraient baisser bientôt et les besoins en logements qui sont criants un peu partout en Amérique du Nord, le fabricant et distributeur de quincaillerie spécialisée anticipe toutefois un marché en effervescence dans les années à venir.
Présentés en avril, les résultats de Quincaillerie Richelieu pour le premier trimestre de 2024 ont déçu les marchés boursiers, entraînant la chute du titre. D’environ 48$ en début d’année, celui-ci est passé sous la barre des 40,00$ au cours du printemps.
Richard Lord, président et chef de la direction de l’entreprise, n’est toutefois pas inquiet. «Richelieu n’a pas de dette et génère encore beaucoup de profits, soutient-il. Oui, l’année 2024 sera un peu plus difficile que la précédente, mais si on remet les choses en perspective, les affaires vont être bonnes malgré tout: on va faire peut-être 200 millions de dollars (M$) de bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA).»
Il garantit que son entreprise est assise sur des fondations solides et il voit sa croissance revenir dans un avenir proche. Celle-ci, anticipe-t-il, sera portée par deux importants facteurs. Le premier sera le besoin en matière de logement.
«Le Canada a besoin de cinq millions de nouveaux logements d’ici 2030, note Richard Lord. Pour le moment, plaide le PDG, un ensemble de facteurs freinent la construction de nouveaux logis, comme les taux d’intérêt élevés et des restrictions toujours nombreuses dans plusieurs municipalités.»
Mais avec les taux qui pourraient baisser et avec les gouvernements qui déploient des efforts importants pour encourager les nouvelles constructions, Richard Lord estime que l’industrie devrait mieux se porter à moyen terme, ce qui soutiendra la croissance de Richelieu.
Quincaillerie Richelieu en bref Fondation: 1968 Inscription à la Bourse de Toronto: 1993 Employés: 3000 Ventes (2023): 1,8 G$ BAIIA (2023): 230 M$ Marge BAIIA (2023): 12,9 % Clients: 110 000 Centres de distribution: 50 au Canada et 59 aux États-Unis |
Des préférences changeantes
Le deuxième important facteur qui soutiendra la croissance de Richelieu, estime son président, est l’évolution des préférences des consommateurs.
«Il y a 30 ans, on ne vendait pas une cuisine, on vendait des boîtes [les armoires]. Aujourd’hui, il y a de 25 000$ à 50 000$ de quincaillerie dans une cuisine. C’est devenu très sophistiqué. Les garde-robes? Même chose : ça s’équipe et ça s’éclaire. Idem pour les salles de bain.»
Richard Lord note que les technologies évoluent pour mieux répondre aux désirs des consommateurs d’avoir des habitations plus ergonomiques, plus compactes et plus luxueuses.
Dans les cuisines, par exemple, la demande a beaucoup évolué au fil des ans, de sorte que les comptoirs en surface solide, comme ceux en quartz, représentent maintenant 50% du marché, fait valoir le dirigeant. Les armoires de cuisine, elles, doivent se fermer doucement, silencieusement. Sans oublier qu’avec les plafonds des nouvelles habitations qui font désormais souvent neuf ou dix pieds de haut, alors que la norme était auparavant de huit pieds, nombre de solutions technologiques sont apparues pour rendre les armoires du haut plus accessibles.
«Il y a maintenant des portes électriques dans les cuisines qui s’ouvrent et se ferment au toucher d’un bouton, dit Richard Lord. La quincaillerie est devenue beaucoup plus raffinée. Ce sont autant de nouveaux besoins qui font progresser Richelieu.»
Mission acquisitions
Au fil des ans, Quincaillerie Richelieu a tiré ses nouveaux revenus en proportions égales de la croissance organique et des acquisitions. Son plan de match pour l’avenir reste le même.
Plus précisément, l’entreprise souhaite faire entre deux et cinq acquisitions en 2024, comme chaque année. En ayant réalisé trois depuis janvier, elle est donc déjà dans sa fourchette cible.
En effet, Richelieu a acquis l’ontarienne Olympic Forest Products, de même que Rapid Start, en Ohio, et Allegheny Plywood, en Pennsylvanie. «On parle de 60M$ de nouveaux revenus, calcule le dirigeant. Cela dit, on pourrait faire une ou deux autres acquisitions d’ici 2025. »
L’entreprise compte toujours une centaine de cibles sur sa liste d’acquisitions potentielles et s’intéresse à toute entreprise qui vend des produits similaires ou complémentaires aux 130 000 qu’elle offre déjà.
«Notre marché est très fragmenté. On maintient donc des relations régulières avec beaucoup d’entreprises de partout en Amérique du Nord», dit le président. Sa démarche, maintient-il, est basée sur le respect et la pérennité des acquisitions.
« On ne veut pas acheter pour fermer. On veut faire prospérer nos acquisitions. On veut que les gens locaux restent à la barre parce qu’ils connaissent bien le marché. Au Texas, on veut que ce soit un Texan qui dirige. Ailleurs, c’est pareil », illustre-t-il.
Cette façon de faire rassure naturellement beaucoup de dirigeants, soutient Richard Lord, de sorte que lorsqu’ils décident de vendre, ceux-ci vont souvent cogner à la porte de Richelieu en premier.
Que recherche le quincailler pour ses prochaines acquisitions?
Richard Lord explique que l’entreprise est très ouverte, autant sur le plan géographique que des produits. Elle gardera toutefois un œil attentif aux entreprises qui se spécialisent dans des produits nichés, comme la quincaillerie pour le verre.
Elle veut également augmenter sa pénétration du marché américain, où ses centres de distribution lui permettent actuellement d’atteindre 80 % de la population du pays.
Tabler sur l’innovation
Quincaillerie Richelieu dit fonder sa solidité sur ce qu’elle appelle, dans son rapport annuel, un « double levier de croissance ». Les acquisitions sont le premier composant de cette source de création de valeur, mais le second est l’innovation dans l’offre de produits.
Sur ce plan, à quoi s’attendre de l’entreprise dans l’année qui vient?
« Notre plan de match consistera à continuer de nous assurer d’offrir tout ce qu’il y a de nouveau, dit Richard Lord. Que ce soit pour la cuisine, la salle de bain, la garde-robe, ou encore pour les hôtels, restaurants, projets commerciaux ou détaillants comme Rona, on se fait une mission d’améliorer notre offre. »
L’entreprise compte particulièrement rester à l’affût des tendances en Allemagne, en Autriche et en Italie, où les produits pour la cuisine sont particulièrement innovateurs, estime le président. Avec la popularité des plus petits appartements, ceux de 500 pieds carrés et moins, le mobilier escamotable est une tendance que l’entreprise suivra également de près.
Pour ne rien manquer, Richelieu compte sur son équipe de directeurs de produits qui sont chacun responsables de certaines lignes, pour faire une veille des nouvelles technologies à travers la planète, de l’Europe à l’Asie en passant par l’Amérique latine.
« Nos fournisseurs nous disent que l’on est une des entreprises les plus dynamiques au monde, dit Richard Lord. Ils viennent d’ailleurs nous voir avec leurs nouveautés. Ils savent que s’ils ont quelque chose d’intéressant, Richelieu est le meilleur véhicule pour le mettre en marché en Amérique du Nord. »
Avec un tel plan de match, le président est convaincu d’avoir la bonne recette pour poursuivre sa croissance au cours des années qui viennent.
« Juste cette année, les choses vont s’améliorer, dit-il. Le premier trimestre est toujours notre plus faible, alors le reste de l’année devrait être plus solide. Mais au-delà de 2024, sur un horizon de cinq ans, je pense que Richelieu poursuivra allégrement sa croissance vers un chiffre d’affaires annuel de 3 G$. »