Comme avec le mal de dents, plus tôt on va consulter le spécialiste, moins on en souffre. (photo: 123RF)
COMPTABILITÉ. Les comptables professionnels agréés (CPA) peuvent aider une entreprise qui voit poindre des ennuis financiers bien avant qu’elle ne doive entreprendre des démarches juridiques pour se protéger de ses créanciers. Comme avec le mal de dents, plus tôt on va consulter le spécialiste, moins on en souffre.
« Lorsque des entreprises qui connaissent des difficultés financières viennent nous rencontrer, la première étape consiste souvent à les stabiliser et à leur donner de l’oxygène pour un certain temps, afin de pouvoir ensuite trouver des solutions », explique Jasmin Bilodeau, associé à la Division des services-conseils chez Demers Beaulne.
Le CPA regarde d’abord combien de temps dureront les liquidités dont dispose encore l’entreprise. Si elle est menacée d’en manquer rapidement, on cherche des solutions. Certains prêteurs peuvent par exemple accepter un congé ou un moratoire de remboursement du capital pour quelques mois. L’entreprise peut aussi vendre certains actifs. Bref, on trouve des moyens de se donner de l’air pour quelques mois.
Une fois le patient stabilisé, on procède au diagnostic, une étape cruciale pour la suite. « L’entrepreneur doit pouvoir comprendre ce qui s’est passé et comment il en est arrivé à cette situation, avant de pouvoir penser à redresser la barque », poursuit Jasmin Bilodeau. Les sources du problème peuvent être très variées.
Parmi celles qu’il voit régulièrement, il y a certaines erreurs stratégiques, comme le fait d’avoir étendu sa gamme de produits trop rapidement, de conserver une offre de produits qui n’est pas rentable ou encore de vivre des excédents de coûts dans un gros projet qui tarde à démarrer ou à se terminer. Des impondérables peuvent aussi s’être produits, tels que la perte d’un client important ou une progression moins vite que prévu du chiffre d’affaires.
La structure du financement peut également très souvent poser un problème. Par exemple, une entreprise peut détenir une marge de crédit qui ne suit pas sa croissance et que le prêteur refuse d’augmenter. Cela peut nuire à la capacité de l’entreprise de payer ses fournisseurs. « Parfois, mieux vaut changer de partenaire financier ou choisir une autre forme de financement », souligne Jasmin Bilodeau. L’entrepreneur peut par exemple troquer sa marge de crédit pour un financement garanti sur des actifs, qui lui offrira une meilleure marge de manœuvre.
Aller chercher du capital
Mario Bédard, président du cabinet Mallette, constate lui aussi que la structure du financement des entreprises qui ont des ennuis financiers est souvent déficiente. « On peut travailler sur plusieurs aspects, comme diminuer les intérêts à payer en modifiant la période de remboursement, changer le type de prêt, en refinançant certains actifs qui étaient payés ou en regardant les niveaux payés en intérêt sur de l’équipement en location, etc. », explique-t-il.
L’entreprise peut aussi trouver une injection de capitaux ou des réductions d’impôt en utilisant des subventions ou des programmes d’aide. Très pris dans le quotidien, les entrepreneurs n’ont pas toujours le temps d’effectuer les recherches pour dénicher les programmes qui pourraient les aider.
Parfois, certains actifs peuvent servir à obtenir des liquidités. Mario Bédard donne l’exemple d’une entreprise qui avait toujours eu une flotte de camions pour livrer ses produits. « En y regardant de plus près, nous avons constaté que la garder lui coûtait plus cher que de vendre ses camions et de faire affaire avec des transporteurs », raconte-t-il.
L’entrepreneur gagne aussi à examiner le coût de revient de ses produits. Si quatre d’entre eux sont très rentables et que quatre d’entre eux lui font perdre de l’argent, c’est probablement une bonne idée de réduire la gamme de produits pour conserver les plus rentables. Même sans abandonner de produits, cet exercice amène parfois les entrepreneurs à modifier leurs prix en fonction de leurs coûts de revient réels.
Le risque de trop attendre
Ce diagnostic du financement, des opérations et de la gestion de l’entreprise permet ensuite de dresser un plan pour redresser la situation financière et assurer sa pérennité. « Mais il faut aussi avoir les bons gestionnaires en place pour réussir à réaliser ce plan, ajoute Jasmin Bilodeau. En cas de doute sur ce sujet, un entrepreneur ne devrait pas hésiter à aller chercher de l’aide en externe pour l’accompagner dans ses démarches. »
De son côté, Mario Bédard admet que de manière générale, les dirigeants d’entreprise viennent voir les CPA un peu trop tard lorsqu’ils ont des problèmes financiers. « C’est souvent à la dernière minute, mais même dans ces cas-là, on regarde comment on peut les aider, précise-t-il. Les banques et les gouvernements sont aussi très collaboratifs, car personne n’a intérêt à voir une entreprise fermer. Donc si des solutions existent, nous les trouverons. »