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Surmonter le pic de l’inflation

Jean-François Venne|Édition de la mi‑mars 2023

Surmonter le pic de l’inflation

Geneviève Provost, associée directrice de Deloitte pour le Québec et la région de la Capitale-Nationale (Photo: courtoisie)

COMPTABILITÉ. Le retour de l’inflation donne des maux de tête à plusieurs gestionnaires d’entreprise, dont un grand nombre n’avait jamais eu à s’en préoccuper auparavant. Après tout, l’inflation moyenne n’avait pas dépassé 3 % depuis plus de 30 ans. Le défi est donc de taille et occupe de nombreux comptables professionnels agréés (CPA). 

Geneviève Provost, associée directrice de Deloitte pour le Québec et la région de la Capitale-Nationale, admet qu’elle a senti l’effet de l’inflation sur les réflexions et l’état d’esprit des clients de sa firme. « On constate plus de prudence dans les entreprises, confie-t-elle. La pression à la hausse s’exerce sur les salaires, sur les intrants, sur les transports, etc., et tout cela peut déstabiliser la structure de coûts. » 

Elle signale qu’on constate déjà certaines réactions, notamment à cause des mises à pied qui atteignent souvent 10 % de l’effectif dans le secteur des technologies chez des géants comme Alphabet, Microsoft, Amazon, Tesla et Shopify. Elle ajoute que certaines entreprises mettent aussi des projets sur la glace en attendant que l’inflation redescende. « Dans un tel contexte, la fonction finance dans une entreprise devient encore plus stratégique, croit-elle. D’ailleurs, certaines entreprises automatisent des tâches répétitives autrefois dévolues aux gens en finance pour les libérer afin qu’ils se concentrent sur leurs fonctions plus stratégiques. »

Par ailleurs, l’inflation joue un rôle très différent selon le secteur et la structure de l’entreprise. Les profits records des grandes chaînes d’alimentation canadiennes et de plusieurs pétrolières en 2022 le montrent clairement. « La première étape consiste toujours à procéder à un diagnostic afin de bien comprendre le contexte de l’entreprise et les manières dont l’inflation l’affecte », explique Geneviève Provost.

 

Savoir où chercher 

Pour procéder à une telle analyse, on doit d’abord aller chercher les bonnes données dans l’entreprise. « Nous jetons notamment un regard attentif aux structures de coûts », indique Nancy Jalbert, associée en conseil en transformation des affaires chez Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT).

Par exemple, y a-t-il des manières de réduire l’effet de l’inflation sur les coûts fixes ? Des entreprises pourraient avoir avantage à lancer des appels d’offres afin de placer des fournisseurs en compétition ou encore à se joindre à un regroupement d’achats ou à créer des partenariats pour bénéficier de rabais liés au volume. Parfois, des matériaux peuvent être remplacés par d’autres, moins coûteux. 

Ensuite, on peut examiner l’efficacité des opérations et des processus d’affaires pour repérer les gaspillages. Peut-on envisager l’automatisation de certains procédés afin de réduire les coûts à long terme ? Les prix doivent aussi être analysés. « Si j’ai un bon coût de revient, je peux travailler mes prix de vente, souligne Nancy Jalbert. Le gestionnaire doit toutefois bien évaluer la sensibilité de ses clients à ces changements. » 

Elle constate souvent que les entreprises ne connaissent pas très finement leur rentabilité. « C’est important de segmenter l’analyse du coût de revient afin de bien déterminer les produits et les clients qui génèrent des profits ou encore les endroits où il y a de l’espace pour augmenter les prix et, à l’inverse, les clients et les produits qui n’engendrent pas de profits ou qui créent des pertes », explique-t-elle. C’est en fonction de ces données que les gestionnaires pourront prendre de bonnes décisions.

 

Des choix stratégiques 

Benoit Lacoste Bienvenue, associé responsable pour le Québec de KPMG, soutient qu’il existe une multitude de pistes de solution pour affronter l’inflation. « Nous travaillons beaucoup les chaînes d’approvisionnement de nos clients, car c’est souvent l’un des endroits où l’inflation se fait le plus sentir, raconte-t-il. Ce service a connu une forte croissance chez nous depuis deux ans. »

KPMG reçoit aussi beaucoup de demandes de service du côté de l’automatisation de processus et de l’analyse de rentabilité des projets. « Dans un contexte où le capital coûte plus cher en raison de la hausse des taux d’intérêt, les entreprises doivent évaluer précisément la création de valeur d’un projet par rapport à un autre, car elles devront bien choisir », explique-t-il. 

Le cabinet de Benoit Lacoste Bienvenu les aide également à déterminer les crédits d’impôt et les programmes gouvernementaux qui peuvent soutenir financièrement leurs efforts de transformation numérique, de recherche et développement (R-D) ou d’automatisation. En période inflationniste, on ne crache pas sur des possibilités d’entrées de fond. 

De son côté, Nancy Jalbert invite les dirigeants d’entreprise à travailler en équipe pour trouver des solutions aux défis que pose l’inflation. « Il faut travailler avec les gens des ventes, des opérations, de la R-D, de l’innovation, etc., qui ont souvent de bonnes idées, dit-elle, pour alléger la structure de coûts ou augmenter la rentabilité de certains produits. »