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Traduire les prévisions financières en perspectives d’affaires

Jean-François Venne|Édition de la mi‑mars 2023

Traduire les prévisions financières en perspectives d’affaires

Christine Pouliot, associée au groupe Transactions, de PwC Canada, à Montréal (Photo: courtoisie)

COMPTABILITÉ. Le contexte économique et géopolitique se complexifie pour les entreprises qui tentent d’établir leurs prévisions financières. Plusieurs d’entre elles se tournent vers les cabinets comptables pour les aider à y voir plus clair. 

Christine Pouliot, associée au groupe Transactions, de PwC Canada, à Montréal, l’admet sans détour : les prévisions financières sont plus ardues à effectuer dans la période troublée que nous vivons actuellement. « Elles exigent plus de discussions ainsi que la contribution d’un plus grand nombre d’intervenants de différents horizons, explique-t-elle. Cet exercice devient de plus en plus stratégique. » 

Il faut dire que les facteurs de risque se multiplient depuis quelques années. Christine Pouliot les classe en trois catégories. Elle nomme d’abord les éléments macroéconomiques. On y retrouve toutes les tendances et tous les événements mondiaux qui peuvent avoir un effet direct ou indirect sur l’entreprise. On peut penser à l’inflation ou encore à la géopolitique (guerre en Ukraine, tensions entre les États-Unis et la Chine, sanctions sur un pays, etc.). « Les entreprises ont très peu de contrôle sur ces événements, mais elles doivent bien les connaître et surtout comprendre comment ils peuvent les affecter », souligne Christine Pouliot. 

Viennent ensuite les risques microéconomiques, c’est-à-dire ceux qui se trouvent dans l’environnement direct de l’entreprise, comme la disponibilité et le coût de la main-d’œuvre, les prix de l’énergie et du transport, les nouvelles réglementations, etc. PwC compte sur une équipe d’analyse économique en interne pour évaluer les facteurs macroéconomiques et microéconomiques et leurs répercussions sur les organisations. 

Enfin, une troisième catégorie de risques est liée aux stratégies et aux décisions passées des gestionnaires eux-mêmes. Par exemple, si on a contracté une dette il y a quelques années et qu’elle doit être renouvelée cette année, elle le sera à un taux d’intérêt plus élevé.

 

S’appuyer sur des données 

L’associée directrice pour l’est du Canada d’EY, Anne-Marie Hubert, constate, elle aussi, que les scénarios prévisionnels bougent plus qu’avant. « Heureusement, nous avons accès à beaucoup de données et à de bons systèmes d’analytique avancée et d’intelligence artificielle, ajoute-t-elle. La capacité de bien combiner les données et les compétences analytiques permettent de bien voir les tendances du marché. » Les CPA d’EY peuvent tous utiliser les informations inscrites dans la base de données mondiale du cabinet, ce qui leur fournit beaucoup d’informations sur différents pays et secteurs de l’économie. 

Les organisations sont toutes affectées, actuellement, à des degrés divers, par certaines tendances appelées à rester, comme celle du virage vers la carboneutralité et l’arrivée de nouvelles réglementations sur la protection de la biodiversité et sur l’équité, la diversité et l’inclusion. « Cela demeure un défi majeur de traduire les données non financières sur ces sujets en langage financier, pour bien les incorporer dans les scénarios prévisionnels », poursuit Anne-Marie Hubert.

Un obstacle semblable se pose depuis longtemps aussi quand vient le moment d’établir la valeur d’un projet ou d’un changement important. « Le rendement de l’investissement n’est pas toujours clair au début, alors que les coûts, eux, sont plus faciles à calculer, explique l’associée directrice. Nous devons bien évaluer et savoir mettre en lumière la création de valeur qui résultera d’un changement de processus ou d’une décision, comme le remplacement d’une flotte de véhicules. »

 

Voir les bonnes occasions 

Bien sûr, les prévisions financières ne servent pas qu’à déterminer ou à mesurer des risques. Elles visent aussi à cerner des occasions à moyen et à long terme. « Il y a beaucoup d’incertitudes dans le monde actuel, mais les réflexions sur ces risques peuvent faire surgir plusieurs opportunités », reconnaît Christine Pouliot. 

Certaines entreprises qui regardent leurs coûts de plus près en raison de l’inflation peuvent, par exemple, envisager de sous-traiter une partie de leurs services TI à l’étranger. Cela leur permettra de payer moins cher et d’optimiser le temps de leurs ressources au pays, qui se consacreront à des tâches plus stratégiques. Le manque de main-d’œuvre peut aussi représenter une bonne occasion de se lancer dans l’automatisation de certaines opérations. « Ce ne sont pas des changements qui se font du jour au lendemain, souligne Christine Pouliot. En les intégrant aux prévisions financières, les dirigeants peuvent se donner des objectifs réalistes sur quelques années. »

Elle ajoute que le contexte actuel peut placer certaines entreprises en difficulté, créant ainsi des occasions de fusions ou d’acquisitions. « Peu importe la voie sur laquelle on s’engage, avance-t-elle, il faut de solides prévisions financières pour s’assurer que l’on prend de bonnes décisions stratégiques. »