Nathalie Bachand, actuaire, planificatrice financière et cofondatrice de Bachand Lafleur, groupe conseil (Photo: courtoisie)
COMPTABLE ET LITTÉRATIE FINANCIÈRE. Toutes les décisions incluent des préjugés ou des raccourcis mentaux basés sur nos expériences de vie et sur les connaissances accumulées », affirme Craig Basinger, chef de la stratégie de marché à Purpose Investments, dans un billet diffusé en janvier dernier par l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.
Il ajoute que « la plupart du temps, ces préjugés nous permettent d’arriver rapidement à la “meilleure” décision sans trop d’effort mental, mais ils peuvent parfois nous amener à faire des choix moins optimaux. Lorsqu’il s’agit d’investir, ces préjugés peuvent nous nuire beaucoup plus que nous aider ».
La question liée à l’à-propos de reporter après 60 ans, ou même 65 ans, le moment de commencer à recevoir ses prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ) et de la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV), illustre bien l’impact de certains biais comportementaux sur le processus de prise de décision, estime Nathalie Bachand, actuaire, planificatrice financière et cofondatrice de Bachand Lafleur, groupe conseil.
« C’est une question que les clients posent presque toujours, et bien que dans la majorité des cas, un report serait indiqué, il y a malheureusement encore une grande proportion de la population qui demande systématiquement à recevoir ces prestations aussitôt qu’elle y a droit », déplore-t-elle.
À son avis, il est « relativement aisé » d’illustrer l’aspect logique de cette décision lorsque l’on construit un plan financier. Toutefois, « lorsque vient le temps de l’appliquer, il y a d’autres forces qui viennent contrecarrer cette logique, rappelle-t-elle. Dont des gens qui se disent : “Pourquoi je laisse aller l’argent que le gouvernement pourrait me donner ?” ».
Une expérience concluante
Les bénéfices pour les investisseurs de consulter un professionnel est un autre aspect influencé par la finance comportementale.
Évoquant le rapport « Perspective sur le risque comportemental », produit cette année par Gestion de patrimoine TD et le centre de recherche de l’Université de Toronto dans cette discipline, le Behavioural Economics in Action at Rotman (BEAR), la CPA et auteure financière Robin Taub signale pour sa part qu’« élaborer un plan financier axé sur des objectifs avec un conseiller professionnel peut aider à réduire les décisions risquées en période de repli des marchés ».
Elle ajoute que, toujours selon les résultats de cette étude, les investisseurs « qui avaient établi un plan avec leur conseiller étaient deux fois moins susceptibles d’être tentés de s’écarter de leur stratégie de placement que ceux qui n’en avaient pas du tout ».
« Alors, pourquoi moins de la moitié de tous les investisseurs canadiens recherchent-ils des conseils financiers professionnels ? », questionne Gestion de placements Manuvie dans son « Étude sur la valeur 2021 des conseils financiers éclairés par le comportement ».
Dans le cadre de cette dernière, menée par la société d’experts-conseils ontarienne BEworks Research Institute pour Manuvie, une simulation de prise de décision de placement à laquelle ont participé 2 991 personnes visait à trouver des moyens d’atténuer ou d’éliminer certains biais comportementaux. Un groupe témoin a permis d’évaluer l’écart en matière de résultats d’investissement.
Tous les participants, divisés en groupes, ont reçu la somme virtuelle de 250 000 $ à investir sur une période de cinq ans, ainsi que les mêmes conseils concernant l’allocation d’actifs. Toutefois, « le langage utilisé pour fournir les conseils à chaque groupe de participants a été modifié » pour inclure certains biais comportementaux. Cela a permis d’étudier les effets de différents styles de conseils sur le comportement des investisseurs.
L’expérience a montré que les « clients sont plus susceptibles de suivre des conseils financiers axés sur le comportement », résume Gestion de placements Manuvie. Les investisseurs du groupe de contrôle se sont ainsi écartés des conseils reçus de 13 % à 36 % plus souvent que ceux qui ont reçu les conseils adaptés aux biais comportementaux.
Les participants qui ont reçu des conseils adaptés ont aussi construit des portefeuilles de fonds plus diversifiés et optimisés, et ont davantage réparti leur risque que les investisseurs qui ont bénéficié de conseils génériques, précise l’Étude.
Les portefeuilles du groupe aux conseils adaptés ont ainsi montré des ratios risque/rendement nettement meilleurs, ce qui leur a valu des ratios de Sharpe — une mesure du rendement d’un investissement par rapport à son risque — plus élevés, soit entre 0,63 et 0,61, en comparaison de 0,57 pour le groupe témoin. Habituellement, plus le ratio de Sharpe est élevé, meilleur est le rendement en fonction du risque encouru.
En fin de compte, l’expérience du BEworks Research Institute a démontré l’importance de la manière dont l’information est fournie. Elle a en outre « révélé que la perception des participants à l’égard des professionnels de la finance s’améliorait chez les participants ayant reçu des conseils adaptés », y indique-t-on. Ce qui, estiment les auteurs de l’étude, est susceptible de « créer de meilleurs résultats pour ces investisseurs ».