Janique Lambert, commissaire au développement durable auprès du du Vérificateur général du Québec (Photo: courtoisie)
COMPTABLE ET LITTÉRATIE FINANCIÈRE. Après une carrière de plus de 25 ans auprès du Vérificateur général du Québec (VGQ), Janique Lambert a été nommée commissaire au développement durable de ce chien de garde de l’administration publique québécoise en septembre dernier. Les Affaires s’est entretenu avec cette comptable de formation.
Les Affaires : Racontez-nous le parcours qui vous a mené à devenir la première femme, et la première CPA, à occuper le poste de commissaire au développement durable du VGQ.
Janique Lambert : J’ai amorcé ma carrière à la fin des années 1980 chez EY, où je faisais surtout de la vérification financière, puis j’ai intégré le service du VGQ dès 1996. J’y ai d’abord effectué de l’audit financier auprès d’une grande variété d’organisations, comme les filiales de la Caisse de dépôt et placement du Québec. J’ai aussi vérifié pendant plusieurs années les états financiers du gouvernement du Québec. Cela m’a permis de bien comprendre la structure comptable du gouvernement et les impacts financiers des décisions prises dans toutes ses branches, incluant les sociétés d’État.
Ensuite, je me suis réorienté vers l’audit de performance, car cela rejoint mes valeurs. Il s’agit de s’assurer d’une saine gestion des fonds publics en analysant la qualité de la gestion des programmes, des projets, des systèmes et des activités du gouvernement.
À partir de 2006, le développement durable est venu s’ajouter à ces audits de performance, dans la foulée de l’adoption de la Loi sur le développement durable. Je me suis jointe à une équipe spécialisée en environnement au sein du VGQ, qui a développé une stratégie d’intervention sur ce plan. Nous avons réalisé un grand nombre de mandats, concernant par exemple le secteur minier, la gouvernance de l’eau, la mise en application de la Loi sur la qualité de l’environnement ou la production agricole.
Enfin, à la suite du départ de Paul Lanoie, qui occupait le poste depuis 2016, j’ai été nommé commissaire au développement durable.
L.A. : En quoi consiste votre mandat?
J.L. : Nous avons deux mandats de base. Avec mon équipe, je dois m’assurer que la Loi sur le développement durable est bien appliquée dans les ministères et les organismes relevant du gouvernement du Québec. En novembre 2020 s’est ajoutée la responsabilité de suivre la gestion du Fonds d’électrification et de changements climatiques, qui a remplacé l’ancien Fonds vert. Cela passe principalement par des audits de performance et la formulation de recommandations. Nous devons déposer un rapport sur ces deux aspects chaque année, incluant nos constats et nos propositions.
Je peux également m’exprimer au sujet des moyens employés par l’administration publique en matière de développement durable, notamment pour atteindre les objectifs des stratégies de développement durable, et émettre des observations dans le cadre des audits du Vérificateur général. C’est donc une mission très large.
Nous avons d’ailleurs adopté un plan d’action à l’interne en 2020, afin de guider nos choix d’intervention. Nous voulons entre autres cibler les grands donneurs d’ouvrage du gouvernement, comme le ministère des Transports, qui ont un gros impact sur l’environnement.
L.A. : Depuis l’adoption de la Loi sur le développement durable, en 2006, quelles ont été les interventions les plus remarquées du commissaire au développement durable?
J.L. : En 2008-2009, le Rapport du VGQ comportait tout un chapitre sur les interventions gouvernementales dans le secteur minier, qui découlait d’un audit du ministère des Ressources naturelles et de la Faune. À l’époque, l’exploration minière augmentait au Québec et ce rapport a eu beaucoup de répercussions. Nous avons effectué deux présentations devant les parlementaires. Par la suite, le régime des droits miniers a été revu et la Loi sur les mines a été modifiée, notamment pour réviser la portée et le versement de la garantie financière que les entreprises doivent fournir pour payer une partie des coûts de la restauration des sites miniers abandonnés.
Plus récemment, le rapport du commissaire de novembre 2020 sur la gestion du Fonds vert a aussi eu un impact important, car il dénonçait plusieurs irrégularités. Ce rapport a été très médiatisé et le Fonds vert a été grandement transformé par la suite.
Mais de manière générale, je crois qu’il reste des efforts à faire pour que notre rôle soit mieux connu du public et que nos interventions résonnent davantage. C’est un des objectifs que je me fixe.
L.A. : En quoi votre formation de CPA vous aide-t-elle à jouer votre rôle?
J.L. : On pense souvent à la vérification financière quand on pense aux CPA, mais notre formation développe en fait une réflexion très stratégique, une grande capacité d’analyse et une rigueur. D’ailleurs, on le voit dans la pratique privée, où le rôle des CPA a beaucoup évolué vers le conseil stratégique. Ces habiletés, en plus de la connaissance de l’administration publique et du rôle des parlementaires que j’ai acquise au fil des ans, me servent bien dans mes nouvelles fonctions.