Les CPA jouent un rôle important pour éviter les dérapages et aligner l’opération aux objectifs stratégiques. (Photo: 123RF)
COMPTABILITÉ. Les émissions de titres d’emprunt durables comme les obligations vertes et bleues progressent nettement, partout dans le monde. Elles posent cependant des défis différents des véhicules financiers traditionnels, que les CPA contribuent à surmonter.
Les instruments d’emprunt durables se scindent en deux catégories principales. Les titres GSS rassemblent les obligations vertes et bleues ou à impact social ou durable, qui servent à financer ou à refinancer des projets ESG. Les produits liés à la durabilité (SLB) offrent plutôt des avantages financiers (ex. : taux d’intérêt avantageux) en fonction de l’atteinte d’objectifs de durabilité d’une entreprise (ex. : réduction des émissions de gaz à effet de serre).
Selon Moody’s, les émissions mondiales des titres d’emprunt durables s’élevaient à près de 1000 milliards de dollars (G$) US en 2021 et devraient franchir le cap des 1350 G$ US cette année. « L’engouement sur les marchés est tel que la demande dépasse l’offre et ces produits s’échangent avec une belle prime », souligne Pierre Perreault, chef de pratique, conseil en transformation des affaires, industrie des services financiers chez Raymond Chabot Grant Thornton. En mai dernier, Québec a émis 1 G$ d’obligations vertes, plutôt que les 750 millions de dollars (M$) prévus au départ. La raison ? Les investisseurs en avaient commandé pour 2,7 G$.
Les CPA jouent un rôle important pour éviter les dérapages et aligner l’opération aux objectifs stratégiques. Le CPA qui travaille pour la société émettrice contribue à monter le produit, par exemple en identifiant les besoins auxquels ce financement doit répondre et en choisissant les termes et l’horizon de temps, comme pour un instrument d’emprunt classique.
Des démarches volontaires
« Cependant, il doit aussi produire des données ESG pour les prêteurs en utilisant certains cadres de référence et préparer l’information pour la reddition de compte, précise Benoit Chéron, directeur principal, ESG et transformation financière de KPMG. S’il agit comme consultant, son rôle consistera souvent à offrir une vérification indépendante, avant et après l’émission. »
Actuellement, aucun cadre normatif obligatoire ne s’applique à ce type d’émission de titres. « Toutefois, la vaste majorité des émetteurs emploient volontairement certains principes, pour conférer de la crédibilité à leurs obligations », explique Caroline Gadbois, directrice principale, développement durable — certification de PwC.
L’International Capital Market Association (ICMA) propose les Principes applicables aux obligations vertes et sociales et les Lignes directrices applicables aux obligations durables, qui sont les cadres les plus utilisés par les émetteurs. La Climate Bonds Initiative (CBI) offre un cadre de référence propre aux actifs et aux projets qui respectent sa norme sur les obligations climatiques, aligné sur les principes de l’ICMA. C’est généralement un CPA externe qui vérifie que le cadre de référence de l’émission et ses critères d’admissibilité correspondent à ces principes.
« Les cadres normatifs exigent toujours que l’émetteur présente l’usage prévu des fonds qu’il lèvera, la manière dont il évalue et sélectionne les projets financés, sa gestion des fonds et les processus et redditions de compte qui assureront que l’argent a bel et bien servi aux bonnes fins », ajoute Benoit Chéron.
De son côté, Miriam Pozza, leader mondiale et nationale, ESG, transactions de PwC, rappelle que le rôle des CPA dans l’emprunt durable ne se limite pas à la certification et à la conformité. « Nous sommes bien placés pour démontrer les avantages environnementaux, sociaux et économiques de ces titres et pour assister les entreprises, organisations et États dans leurs projets de transition et de transformation », souligne-t-elle.
Donner de la crédibilité
Les CPA peuvent intervenir avant l’émission afin d’offrir une « seconde opinion », c’est-à-dire analyser le cadre de référence des obligations de l’émetteur pour s’assurer qu’il respecte les normes reconnues, répond aux attentes des investisseurs et comprend des indicateurs de performance pertinents. Ils peuvent aussi réaliser une « mission d’assurance » en appliquant les normes de vérification et d’assurance reconnues.
« Le rôle clé des CPA consiste à crédibiliser la démarche des émetteurs en assurant un bon niveau de qualité des informations et des processus qui l’accompagnent », résume Pierre Perreault. Les exemples d’utilisation de ces outils se multiplient au Québec. En mai 2021, Alimentation Couche-Tard (350 M$ US) et Bell (500 M$) se sont financées de cette manière, alors que Desjardins (500 M$) l’a fait en septembre de la même année.