La Maison du développement durable (Photo: courtoisie)
CONSTRUCTION. Le secteur du transport et les grandes industries se retrouvent, bon an, mal an, en tête de liste des plus grands pollueurs. Pour s’attaquer au problème, Québec a déposé, en novembre dernier, le projet de loi 41 sur la performance environnementale des bâtiments, dont l’objectif est d’accélérer la décarbonation dans le secteur.
« L’industrie du bâtiment fait partie des quatre secteurs qui contribuent le plus aux effets négatifs sur l’environnement et à la production de gaz à effet de serre (GES) », rappelle Andrée De Serres, professeure titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. S’il compte réussir sa transition énergétique, le Québec devra donc réduire l’incidence des bâtiments, responsables de près de 10 % des émissions de GES de la province.
Celle qui est également titulaire de la Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier souligne que les bâtiments consomment non seulement de l’énergie, mais aussi beaucoup de matériaux et de terrain. Ils produisent en outre une quantité astronomique de déchets. « L’industrie de la construction doit faire sa part dans la lutte contre les changements climatiques et dans la protection de la biodiversité », estime-t-elle.
Le gouvernement du Québec semble lui donner raison. Grâce à son projet de loi, il compte évaluer la performance des vieux bâtiments, tout en rehaussant les normes minimales liées à l’efficacité énergétique pour la construction d’immeubles neufs. Pour l’instant, seuls les grands bâtiments commerciaux, résidentiels et industriels sont visés. Les maisons et les plex sont épargnés.
La loi prévoit également la mise en place d’un registre public de la performance environnementale des bâtiments avec une obligation d’affichage et de divulgation de la cote obtenue par un édifice dans certaines circonstances.
La CAQ entend ainsi réduire de 50 % les émissions de GES liées au chauffage des bâtiments en 2030 par rapport à 1990. Elle espère en outre atteindre un bilan de zéro émission de GES dans le parc immobilier institutionnel en 2040.
Réduire le carbone intrinsèque
Marco Lasalle, directeur du Service technique à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), souligne qu’en matière d’environnement dans le secteur de la construction, on parle surtout de CO2.
Il rappelle qu’on retrouve deux types de CO2 en habitation : le carbone intrinsèque, produit pendant la construction d’un bâtiment, et le carbone opérationnel, émis durant l’utilisation du bâtiment.
« Au Québec, on n’émet presque pas de CO2 opérationnel grâce à notre hydroélectricité », lance-t-il. Selon les chiffres de l’APCHQ, une maison d’environ 2200 pieds carrés construite à Trois-Rivières avec les normes d’aujourd’hui émet 0,13 tonne de CO2 par année. Le même bâtiment érigé en Nouvelle-Écosse en produit 13 tonnes. « C’est une différence considérable. »
« Plusieurs réserves »
L’objectif du projet de loi est très louable, reconnaît l’APCHQ. « Mais on a plusieurs réserves sur la façon de l’atteindre », remarque Marco Lasalle. « On reste dans les mesures prescriptives, en disant par exemple la quantité d’isolation requise, sans égard au contexte. Selon nous, c’est contre-productif. »
Le directeur du Service technique illustre qu’en installant des fenêtres à haute performance énergétique sur le côté sud, on empêche la chaleur du soleil de réchauffer la maison. L’APCHQ plaide pour une cotation énergétique, « une vraie », évaluée par un conseiller en efficacité énergétique sur place, plutôt qu’une divulgation énergétique réalisée par le propriétaire.
L’APCHQ, tout comme l’Association de la construction du Québec (ACQ), est en outre préoccupée par l’intention de Québec de créer un nouveau code du bâtiment durable, chapeauté par le ministère de l’Environnement. « Ajouter une nouvelle réglementation nous paraît discutable. La Régie du bâtiment est déjà la gardienne des règles de notre industrie », estime Marco Lasalle.
Andrée De Serres salue pour sa part ce premier pas dans la lutte contre les changements climatiques. Elle croit néanmoins que les objectifs sont modestes. « De tels règlements existent depuis souvent plus de dix ans dans d’autres grandes villes, comme New York ou Londres. En France, ceux-ci s’appliquent aussi aux maisons. Si on ne respecte pas les seuils minimaux, il peut y avoir des pénalités. On devra éventuellement aller plus loin. »
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Modes de construction verte : durable ou passive ?
Si elles s’inscrivent dans le même désir de bâtir en respectant l’environnement, les constructions durables et passives n’ont pas la même définition. Voici une brève clarification. Le bâtiment durable, aussi appelé écoconstruction, porte une attention particulière aux aspects environnementaux à chaque étape de son édification. Québec le définit comme « une construction qui répond adéquatement aux besoins de ses occupants, qui génère un impact environnemental limité et dont les coûts de construction et d’exploitation sont raisonnables ». La construction passive permet de son côté d’améliorer de façon significative l’efficacité énergétique — soit jusqu’à 90 % moins d’énergie consommée — et le confort thermique d’un bâtiment. La norme de ce type de construction s’attarde notamment à l’isolation thermique et à l’étanchéité à l’air de l’enveloppe, à l’apport solaire et au choix des matériaux.