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Charbel Khoury: «Les entreprises n’auront pas le choix»

Emilie Laperrière|Édition de la mi‑mars 2023

Charbel Khoury: «Les entreprises n’auront pas le choix»

Charbel Khoury, directeur de l’Initiative québécoise pour la construction 4.0 (Photo: courtoisie)

CONSTRUCTION. Mobiliser les acteurs de l’industrie québécoise de la construction dans le virage numérique, telle est la mission de l’Initiative québécoise pour la construction 4.0. Entrevue avec son directeur, Charbel Khoury.

 

Les Affaires : L’IQC 4.0 existe depuis 2018. Cinq ans plus tard, voyez-vous une différence dans l’adoption du numérique ?

Charbel Khoury : Surtout dans la dernière année, on voit l’intérêt. On est pas mal débordés par le volume de requêtes qu’on reçoit. Reste que c’est la pointe de l’iceberg. On compte 40 000 entreprises dans l’industrie au Québec et on n’a réalisé que 500 diagnostics. On est quand même loin du total. Il reste beaucoup de travail à faire.

 

L. A. : Quels sont les avantages que présente le virage numérique pour les entrepreneurs en construction dans le contexte actuel ? 

C.K : On parle beaucoup de gain en productivité, d’optimisation des processus. Cela aidera à combler le manque de main-d’œuvre parce que ça vient alléger certaines tâches. Il y a aussi un besoin réel au chapitre de la réglementation. Les entreprises n’auront pas le choix, un jour ou l’autre, de faire cette transformation. 

Le BIM permet de mettre en place des processus et des logiciels qui facilitent l’échange de données. Avant, l’architecte réalisait son plan en 2D. Celui-ci faisait son chemin jusqu’à l’entrepreneur, qui l’imprimait sur un grand papier, mesurait les murs avec une règle et construisait à partir de ça. On peut aisément imaginer l’inefficacité d’un tel processus. 

La technologie permet de créer un modèle virtuel du projet afin de détecter les erreurs et de relever les conflits avant la construction, comme un conduit de ventilation qui empêcherait la plomberie de passer dans un mur. On a aussi accès à des spécifications détaillées des éléments du bâtiment et à beaucoup plus d’information pour les différents corps de métier. Savoir qu’une porte va à cet endroit est une chose, mais savoir aussi son type, son matériau et son efficacité énergétique est encore mieux.

 

L. A. : Comment fonctionne le diagnostic de l’IQC 4.0 ? 

C.K : L’analyse de la maturité numérique d’une entreprise se fait par l’entremise de six séances avec des auditeurs. Le processus s’étend sur deux ou trois mois, mais demande environ une vingtaine d’heures. Le programme s’adresse à tous les acteurs de la construction, de la minientreprise de trois employés aux plus grands noms. Il convient aussi bien à un fabricant de portes et fenêtres qu’à un électricien ou à un entrepreneur général. 

Le diagnostic permet de relever les problèmes et de prioriser les objectifs. L’entreprise pourra sélectionner ses projets d’optimisation des processus et mettre en place de nouveaux processus intégrés avec la technologie. L’approche est neutre, on ne pousse jamais pour une technologie ou un logiciel en particulier. 

L’IQC 4.0 ne se concentre pas que sur le BIM. Elle couvre toute la transformation numérique. Une compagnie qui part de zéro reverra par exemple ses opérations de base, comme la facturation ou l’estimation. Par la suite, une entreprise qui a besoin d’aller dans la modélisation peut se rapprocher du BIM. On peut plus tard pousser encore plus loin en améliorant certains processus, entre autres avec les robots ou les drones.

 

L. A. : Combien d’entreprises avez-vous accompagnées jusqu’à présent ?

C.K : Nous sommes dans la phase 3 de l’IQC 4.0. On approche les 500 entreprises pour la phase de diagnostic. On offre aussi un volet de formation et d’accompagnement à la suite du diagnostic. On travaille avec l’entreprise dans la mise en œuvre du plan d’action pendant environ six mois. On rembourse jusqu’à 50 % de la valeur totale de l’investissement. Soixante-cinq compagnies suivent ce programme actuellement, mais on dépassera la centaine. 

Notre autre volet, les locomotives numériques, cible trois grands projets de construction impliquant des donneurs d’ouvrage publics et leurs sous-traitants. On fait un diagnostic à chaque partie prenante et on implante ensuite les processus ou les technologies selon leurs besoins.

 

L. A. : Comment sélectionnez-vous les entreprises que vous aidez ? 

C.K : On fait du recrutement et les entreprises intéressées s’inscrivent. C’est assez rare qu’on refuse d’aider une compagnie pour le diagnostic. Le besoin est trop grand. Pour le volet formation et accompagnement, on est plus stricts. On s’assure que le projet cadre dans la stratégie qui a été déterminée au cours du diagnostic, et que c’est pertinent pour l’entreprise à court, moyen et long terme.

En ce qui concerne les locomotives, on valide avec le ministère. Pour ce qui est des donneurs d’ouvrage publics, il n’y a pas beaucoup de critères comme tels. On leur donne la possibilité de faire des diagnostics organisationnels ou par divisions. Une ville pourra faire par exemple un diagnostic de son service d’ingénierie et de celui des grands projets.

 

L. A. : Vous offrez également une autre ressource, le coffre numérique. Qu’est-ce que c’est  

C.K : Le coffre numérique est géré par l’Institut de gouvernance numérique. C’est un recueil des outils technologiques qui peuvent être utiles lors d’un virage numérique. Il permet de voir facilement ce qui est offert sur le marché. Ça peut être des outils pour l’administration et la gestion, pour la modélisation ou pour le partage.