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RH en construction: fidéliser et non plus retenir

Julien Lamoureux|05 juin 2024

RH en construction: fidéliser et non plus retenir

Éric Hébert est devenu, en 2021, le premier directeur des ressources humaines de l’histoire de Frare Gallant, une entreprise fondée en 1979. (Photo: courtoisie)

CONSTRUCTION. Profils psychométriques, engagement caritatif et clubs sociaux : des entreprises du domaine de la construction innovent du côté des ressources humaines.

« Rétention, ça vient de “retenir”, et c’est négatif. Moi, je veux fidéliser les gens pour qu’ils aient envie de venir travailler », signale d’emblée Éric Hébert, qui est devenu, en 2021, le premier directeur des ressources humaines de l’histoire de Frare Gallant, une entreprise fondée en 1979. « La construction, c’est perçu comme un métier dur et un peu macho, mais on a une génération qui demande plus que les dernières », ajoute-t-il. 

Pour lui, il s’agissait d’un premier plongeon dans le domaine de la construction après plus de 20 ans de carrière. Après s’être familiarisé avec le milieu et avec Frare Gallant, qui compte environ 125 employés, Éric Hébert s’est attelé à la tâche, ce qui n’a pas manqué de faire froncer quelques sourcils. « Tu rentres dans une entreprise qui a 45 ans d’existence, avec des gens qui sont là depuis 25 ans, et tu brasses les cartes, tu mets ton nez dans tes affaires… »

Le président de l’entreprise lui-même avait ses doutes. « John Frare pensait qu’une personne aux ressources humaines allait juste soulever les problèmes, mais j’apporte aussi des solutions. » Une des solutions proposées rapidement par Éric Hébert pour redonner de l’argent au personnel a été d’augmenter graduellement, jusqu’à la dixième année d’emploi, la part payée par l’employeur pour les assurances collectives. Bien que cette mesure ne soit pas applicable aux travailleurs de chantier affiliés à la Commission de la construction du Québec, elle a quand même apporté un avantage financier à la cinquantaine d’employés de bureau de Frare Gallant. 

Toute personne souhaite être rémunérée à sa juste valeur, mais elle doit aussi se sentir respectée et ressentir du plaisir en lien avec son travail, assure Éric Hébert. C’est pourquoi il n’a pas juste pensé en termes de conditions de travail. Frare Gallant dispose maintenant d’un club social très actif. « On va aux pommes en septembre, il y a les bas de Noël, le barbecue au début des vacances de la construction, la cabane à sucre, qui est très familiale… Et ça ne coûte pratiquement rien aux employés », assure-t-il, se targuant du faible taux d’absentéisme à ce genre d’événement. 

Pour assurer un maintien de bonnes relations au travail, un outil psychométrique, le profil NOVA, a aussi été implanté. Celui-ci permet d’identifier le type de personnalité et les compétences de chaque personne. « Il y a un comité NOVA qui s’est créé pour faire le suivi à l’interne [après la formation reçue par chacun]. »

 

Œuvres caritatives

Tout comme Frare Gallant l’a fait il y a trois ans, la firme Construction Longer, située en Estrie, est sur le point d’embaucher pour la première fois une personne qui se consacre à temps plein aux ressources humaines. Jusque-là, ces questions revenaient entre autres à la directrice de projets Julie Fouquet.

Elle raconte avec fierté une de ses innovations RH de prédilection : un programme pour les causes sociales auxquelles le personnel tient. Construction Longer égale la valeur des dons donnés par ses employés aux causes de leur choix, jusqu’à concurrence de 500 $ par année. « L’entreprise avait des causes dans lesquelles elle investissait déjà. Par équité, on propose maintenant aux membres de notre équipe [de soutenir celles qui les touchent]. »

Dans un objectif de transparence, Construction Longer a mis en place une nouvelle tradition. « L’événement Ascension, chaque année, c’est une demi-journée pour regarder dans le rétroviseur, pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité. [La direction] est ouverte et transparente sur la stratégie de l’entreprise, sur le “pourquoi” derrière certains choix. On se fait aussi un devoir de revenir sur les sondages internes pour que les gens se sentent écoutés », résume Julie Fouquet. 

Parmi ses autres démarches visant à améliorer le bien-être, l’entreprise a envoyé ses contremaîtres suivre une formation de leadership. Le but est que ceux-ci sachent « comment ils ont un impact sur la journée, mais aussi sur la soirée de leurs collègues. [On veut] les amener à comprendre que leur rôle, c’est de faire évoluer des humains, et pas juste des employés. »

 

Une révolution RH ?

Éric Hébert assure ne pas se préoccuper de ce que les compétiteurs de Frare Gallant mettent en place pour fidéliser (et non retenir) leurs employés. « Je ne sais pas ce qu’ils font ailleurs. Moi, je veux déterminer ce qu’on fait ici. » Mais il ajoute que depuis qu’il est arrivé, il a souvent entendu des membres du personnel dire qu’ils sont mieux traités que dans des emplois précédents. 

Dans tous les cas, « ça commence à changer dans le milieu. Il y a une tendance dans le marché qui va permettre aux gens en ressources humaines de proposer des choses originales. Les entreprises qui ne vont pas surfer sur cette vague-là vont se faire ramasser. »

Julie Fouquet est du même avis. « C’est un sujet dans l’industrie. Ce qu’on fait, c’est bâtir des choses, mais c’est aussi un prétexte pour que des gens se réalisent. »