ESG: démarrage et progression de l’industrie du capital de risque
Charles Poulin|Publié le 09 novembre 2023La cybersécurité est l'un des points forts de l'industrie: 93% des fonds ont des procédures de cybersécurité pour se protéger et 85% des entreprises pour protéger leurs données critiques. (Photo: 123RF)
La publication du deuxième rapport de la BDC sur la diversité, équité et inclusion (DEI) ainsi que sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) démontre que si l’industrie du capital de risque en est encore à leurs débuts en la matière, elle progresse de plus en plus.
Le premier rapport de la BDC, publié l’an dernier, ne contenait que des données sur la DEI. Le deuxième inclut désormais les efforts des entreprises de ses portefeuilles de fonds externes et internes.
Les données sur le portefeuille de BDC Capital couvrent 72 gestionnaires et 1192 entreprises, ce qui correspond à environ 63% de tous les fonds de capital de risque actifs au Canada.
«Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a eu de l’amélioration de plusieurs indicateurs, souligne le vice-président exécutif de BDC Capital, Jérôme Nycz. L’industrie du capital de risque ne regorge pas de femmes, par exemple, mais la guerre de talents provoquée par la pénurie de main-d’œuvre a fait avancer la discussion.»
Il note entre autres que la moitié des embauches des fonds ont été des femmes, tout comme 56% furent des personnes issues de la diversité. Il ajoute que 87% des fonds sondés ont mis en place des codes de conduite antidiscriminatoires.
«Il y a un certain éveil dans l’industrie du capital de risque, mentionne Jérôme Nycz. Les grands investisseurs ont eux-mêmes des attentes DEI et ESG. Lorsqu’ils décident d’investir dans des fonds, ils regardent quel fonds ils vont optimiser en regardant s’ils ont des talents diversifiés.»
Les commanditées et commandités en sont encore aux premières étapes de l’intégration de la DEI dans leurs stratégies d’investissement, indique le rapport de la BDC. Il y a notamment un manque de diversité au sein de la direction des entreprises en portefeuille, notamment le conseil d’administration et dans le conseil d’administration des sociétés en portefeuille dans l’ensemble des secteurs.
Les commanditées et commandités prennent bel et bien des mesures pour accroître la diversité au sein de leur équipe, souligne le rapport, mais la fidélisation semble difficile dans un marché du travail concurrentiel.
«Bien que la diversité demeure faible aux échelons supérieurs du secteur des actifs privés, nous croyons que cela pourrait changer au fil du temps à mesure que des sociétés de capital de risque détenues par des femmes et des personnes issues de la diversité continueront d’entrer sur le marché», avance le document.
La gouvernance en avance
Autant le rapport de la BDC que Jérôme Nycz remarquent que le volet «G», soit la gouvernance, des ESG est en avance sur les autres pour l’instant. La cybersécurité est fortement priorisée, lit-on dans le rapport.
Pas moins de 93% des fonds ont des procédures de cybersécurité pour se protéger et 85% des entreprises pour protéger leurs données critiques.
«C’est devenu très important pour les entreprises et les fonds, acquiesce Jérôme Nycz. Ils adoptent des pratiques pour protéger les données parce que les investisseurs veulent savoir s’il y a un risque de vol de données ou de perte de propriété intellectuelle.»
Les entreprises et les fonds mettent également de l’avant des politiques, comme pour la cybersécurité, qui ont des impacts directs sur l’entreprise. Jérôme Nycz mentionne des initiatives reliées à la gestion de la chaîne de valeurs ainsi qu’au bien-être, à la sécurité et l’engagement des employés.
À ce titre, 55% des entreprises font des sondages en matière d’engagement de leurs employés, et le 50% ont une politique sur les lanceurs d’alerte.
L’environnement en retard
Contrairement à la DEI, dont on parle depuis un certain temps, les facteurs ESG constituent, pour le secteur du capital de risque, un nouveau sujet avec lequel il est un peu moins à l’aise, car il perçoit souvent ces facteurs comme n’étant pas pertinents pour ses activités, particulièrement en ce qui a trait au «E» de l’acronyme ESG, révèlent les auteurs du rapport de la BDC.
«Alors que 64% des sociétés en commandite affirment avoir l’obligation de faire rapport à leurs investisseurs sur les facteurs ESG, seulement 40% d’entre elles produisent un rapport annuel comprenant des mesures et des études de cas des facteurs ESG dans le portefeuille de leur fonds.», soulignent les auteurs.
Le document soulève le fait que des aspects environnementaux de plus en plus importants comme l’eau et la biodiversité sont encore souvent négligés, et le que calcul des émissions de GES et de la consommation d’énergie demeure l’aspect le plus difficile pour les sociétés.
«Les entreprises canadiennes de tous les secteurs et de toutes les tailles devront se préparer à assumer une plus grande responsabilité en ce qui concerne la production de rapports globaux sur le climat et les facteurs ESG, affirme le rapport. La publication des normes IFRSS1 et S2 par l’ISSB a marqué le début d’une nouvelle ère de présentation de l’information sur la durabilité dans les marchés financiers. La clientèle à l’échelle mondiale ainsi que les investisseuses et investisseurs institutionnels et les organismes de réglementation prônent une plus grande transparence, et l’atténuation des risques liés aux facteurs ESG devient un facteur de plus en plus important dans la prise de décisions de placement.»
C’est d’ailleurs une des raisons derrière la publication du rapport de la BDC, rappelle Jérôme Nycz. Il estime qu’il faut que l’industrie du capital de risque développe des pratiques et des méthodologies pour placeront les fonds et les entreprises en bonne position face aux défis ESG à venir, et recenser les bonnes pratiques permet d’observer la progression.
«Il faut créer au Canada un environnement compétitif parce qu’on sait que les grands donneurs d’ordres ont augmenté de façon significative leurs attentes en matière d’ESG, tranche-t-il. Nous ne voulons pas que les entreprises d’ici soient pénalisées, mais qu’elles puissent plutôt développer des relations d’affaires avec eux et, ultimement, puissent faire partie de leur chaîne d’approvisionnement.»