Chrissy Durcak, PDG de Dispatch (Photo: Catherine Charron)
Surfant sur la tendance de l’omnicanal, le microtorréfacteur Dispatch transforme son identité et mise sur une présence numérique accrue en lançant un service de livraison à domicile de sacs de café à l’échelle nationale.
Une manière supplémentaire de rendre accessible à un marché de masse des grains de qualité récoltés et cultivés de manière responsable à un prix plus bas que la concurrence.
Cette mission n’aurait d’ailleurs pas changé depuis les débuts de l’entreprise en 2012, alors que Chrissy Durcak enfourchait son vélo pour sillonner les rues de Montréal pour en faire la livraison et connecter le consommateur au produit et à sa chaîne d’approvisionnement.
Depuis, l’entreprise a ouvert trois succursales qui ont pignon sur rue dans la métropole, et opère un camion de rue. Mais le tout ne correspondait pas encore tout à fait à la vision qu’avait la PDG pour son entreprise, et elle sentait de plus en plus de contraintes liées aux frais d’exploitation de ses points de vente physique sur ses finances.
Observant ce qui se faisait déjà dans le secteur et les habitudes d’achats de la nouvelle génération de consommateurs de café, Chrissy Durcak a souhaité en 2017 rendre plus personnelle et excitante l’expérience d’achat du café spécialisé pour la maison. Et cette niche n’était toujours pas occupée par un joueur majeur.
Le temps de se positionner
S’inspirant d’autres entreprises omnicanal comme Frank and Oak et Bon Look, Dispatch a donc lancé il y a près de deux mois son nouveau service de livraison à domicile.
À partir de sa plateforme numérique, les abonnés commandent le nombre de sacs de café et la sorte qui leur plaisent, et sont en mesure de modifier le tout en tout temps sans être pénalisés. L’entreprise livre ensuite depuis son local de torréfaction sur la rue Saint-Zotique près de la rue l’Esplanade dans le Mile-End à domicile pour un coup unique de 10$.
Les clients peuvent aussi récupérer ce qu’ils ont acheté dans l’un des points de vente du microtorréfacteur.
«Il existe déjà quelques services d’abonnement sur le marché, mais ils sont très rigides. On connaît nos clients et leurs habitudes, et leur consommation est différente d’un mois à l’autre», explique-t-elle.
En moyenne, ceux-ci achètent 1 kilogramme de café par mois, ce qui représente une facture de 50$. Ces prix sont bien plus bas que ceux de leurs compétiteurs, dont «le kilogramme de café se détaille plutôt entre 70 et 100 dollars», estime Chrissy Durcak.
«Intentionnellement», l’entreprise a coupé dans ses marges de profits tirés de son service d’abonnement mensuel. Ses abonnés ont droit à un rabais de 20 à 40% sur leurs prix réguliers, même en boutique.
Le levier financier n’est pas le seul que Dispatch actionne pour éduquer les buveurs de café à se procurer des grains équitables et responsables. Elle se fait un devoir d’indiquer sur les emballages de ses produits d’où il provient et qui l’a cultivé.
Ce sont les importateurs américains Croptocue, AtlasCoffee et Redfox Coffee qui acheminent la majorité des 18 variétés de grains torréfiés par Dispatch. Produits par des petits producteurs de pays en voie de développement comme le Burundi et le Guatemala, tous les grains sont biologiques et récoltés par des travailleurs qui ne sont pas exploités. 30% du café vendu l’an dernier par l’entreprise aurait d’ailleurs été produit par des femmes.
Cette nouvelle pierre d’assise de l’entreprise est un peu un pied de nez que Chrissy et son équipe font pour «perturber la structure capitaliste qui entoure le café», soutient-elle.
Une nouvelle ère
Contrairement à ce à quoi elle s’attendait, cette nouvelle corde à l’arc de Dispatch n’a pas cannibalisé leurs ventes en boutiques. «Selon les chiffres du dernier trimestre, on a vendu 30% de plus de grains de café en succursale qu’à pareille date l’an dernier», se réjouit Chrissy Durcak. La PDG de l’entreprise attribue aussi cette croissance à une meilleure mise en marché de ses cafés, qui mettent plus en valeur les sacs.
Deux mois après avoir lancé le service, et sans avoir vraiment fait de campagne de promotion pour mettre ce nouveau service, Dispatch compte déjà un peu plus de 200 abonnés. La grande majorité, 80% pour être plus exacte, de ceux-ci habitent au Québec. Les autres résident un peu partout au pas, du Yukon au Nouveau-Brunswick.
Pour financer cette nouvelle identité davantage numérique qui lui a coûté plus d’un million de dollars, l’entreprise a eu recours à une première ronde de financement de prédémarrage auprès d’anges en 2017. Dispatch serait d’ailleurs sur le point d’en conclure une nouvelle dans les prochains mois pour consolider sa présence en ligne.
Ce nouveau modèle d’affaires creuse les jalons que souhaite suivre Dispatch dans les prochaines années: «nous voulons ouvrir plus de boutiques brique et mortier au Canada et aux États-Unis, mais la branche qui nous fera croître sera vraiment celle du marché en ligne.»
D’ici les deux prochaines années, l’entreprise devrait agrandir son équipe qui compte déjà 35 employés en ajoutant un département marketing, déménager dans un plus grand local de torréfaction et de distribution, et tripler sa croissance.