Développement de produits: cinq conseils pour éviter les erreurs
Kévin Deniau|Publié le 18 septembre 2019Jean-Philippe Clermont, designer industriel chez Creaform Ingénierie (Photo: courtoisie)
DESIGN INDUSTRIEL. Quelles embûches se dressent sur la route des designers industriels et peuvent amener à des échecs dans le développement et la commercialisation de produits? Les professionnels interrogés par Les Affaires donnent cinq conseils pour les éviter.
1- Savoir mettre son égo de côté
«C’est un métier où il faut rester humble, flexible et empathique, résume Jean-Philippe Clermont, designer industriel chez Creaform Ingénierie. Je dois être là pour répondre à un besoin; je ne mets pas mon âme dans ce projet comme le ferait un peintre, par exemple. Le beau est une fonction. Si la personne ciblée trouve ce que je propose laid, c’est que je me suis trompé quelque part. Elle n’insulte pas mon art. Je vais donc retourner à l’ouvrage et recommencer.»
Un avis partagé par Caroline Gagnon, professeure agrégée à l’École de design de l’Université Laval et directrice du baccalauréat en design de produits. «On ne fait pas du design pour soi, mais pour les autres. Le designer a parfois tendance à se complaire dans un projet qui lui fait plaisir. D’où l’importance d’appliquer des méthodes afin de se détacher du projet et mieux mesurer l’action souhaitable.»
2- Placer l’usager au centre des préoccupations
Le corollaire du conseil précédent. « Nos solutions doivent s’intégrer à des besoins concrets », affirme Pierre Rondeau, directeur général de Brio Innovation. « Il est vraiment déplorable de voir qu’encore aujourd’hui, beaucoup de produits ne peuvent pas se passer de mode d’emploi. Pour moi, un bon design doit justement être compris par l’usager de manière intuitive après un minimum d’efforts cognitifs », ajoute David Mitchell, vice-président de GENIAdesign.
Un usage mal compris peut vite se transformer en un bris de l’objet. «Le but, c’est que les utilisateurs comprennent nos intentions par le biais du produit. C’est vraiment à nous de nous faire comprendre», insiste Jean-Philippe Clermont, en faisant référence à l’écoconception.
Par conséquent, «il ne faut jamais tenir pour acquis que l’on connaît les besoins du marché ; ils sont changeants, donc il faut constamment aller sur le terrain», souligne Jonathan Côté, président de Morelli Designers.
«À partir du moment où l’on prétend connaître ou comprendre une chose, on commence à faire du mauvais travail,» estime quant à lui M. Clermont.
3- Ne pas négliger les tests et la validation des produits
«Depuis les années 1990, on a tendance à s’appuyer de plus en plus sur la conception assistée par ordinateur (CAO) pour tout considérer, explique David Mitchell. Mais il est vite apparu impératif de réintégrer dans le processus l’expérience sensorielle avec l’objet réel, car il y a des aspects imperceptibles de manière virtuelle.»
«On n’accorde pas assez de temps à la validation des produits, ajoute Johnathan Côté. Le marché ne va pas aimer par défaut ce que l’on propose. Il faut le vérifier.»
4- Impliquer le designer en amont
«Il est important que les designers industriels prennent part aux décisions stratégiques de développement du produit, lance Pierre Rondeau à l’intention des gestionnaires. Les ingénieurs ou les marketeurs vont vouloir régler des problèmes spécifiques, mais nous, on va avoir une vision plus globale.»
«Plus le designer sera impliqué en amont du développement et meilleurs seront les produits en fin de compte», confirme M. Côté.
5- Ne pas toujours chercher la perfection
Le dernier conseil s’adresse notamment aux designers entrepreneurs. «Souvent, les designers cherchent la perfection, ce qui amène beaucoup de procrastination, met en garde Caroline Gagnon. Je me souviens d’une conférence du fondateur de Jimmyjane, entreprise qui fabrique des produits destinés au plaisir féminin: il avait tellement attendu [avant de lancer ses articles] que cela a failli couler son entreprise. Il y a eu un décalage temporel entre le marché et ses produits.»