Le monde change. Évolue. Ainsi les besoins des usagers et ceux du marché sont-ils en continuelle transformation. Devant ces nouveaux paradigmes, les entreprises se doivent d’adapter leur processus de développement et de mise en marché de nouveaux produits afin de répondre aux besoins réels des usagers tout en gardant à l’oeil leurs objectifs de croissance.
Dans le but de répondre adéquatement aux défis de compétitivité des manufacturiers et fournisseurs de services face à la réalité changeante du marché, tout processus de développement de produits gagne à adopter une approche axée sur l’innovation en amont, un modèle itératif et efficace pour gagner en rapidité.
L’innovation en amont consiste à identifier de nouvelles opportunités – tant pour un produit qu’un service – et à déterminer les critères de différenciation réellement désirables aux yeux des usagers. La compréhension des besoins des usagers est donc au centre de cette étape déterminante et doit s’initier avant de démarrer la conception proprement dite. L’innovation en amont permet d’identifier sans équivoque ce que les usagers désirent vraiment, et non de spéculer sur ce que l’on croit être leur désir, au nom de la connaissance du marché que l’on possède à l’interne.
« L’innovation en amont contribue à mettre un projet sur le marché plus rapidement tout en diminuant les risques et en maximisant les chances de succès. »
L’innovation en amont s’inscrit dans une démarche multidisciplinaire intégrée qui relie les fonctions de marketing, design industriel et ingénierie. Elle implique les décideurs en regard aux objectifs d’affaires de l’entreprise. Cette démarche en amont permet de soutenir la priorisation des projets à développer, les caractéristiques clés à mettre en valeur afin de mieux orienter les ressources vers les projets les plus porteurs ou les moins risqués. Tout cela selon la stratégie et le positionnement de l’entreprise. Soyons clair : une bonne stratégie de produit guidera ou du moins influencera positivement les stratégies marketing et d’affaires pour l’ensemble des activités de l’organisation.
Les besoins des usagers évoluent à un rythme tel que la question des gestionnaires n’est pas de savoir quel est le coût à l’innovation en amont, mais plutôt quel est son coût à ne pas le faire. Nombre de lancements de nouveaux produits s’avèrent des échecs sur le marché dus à des ventes sous les projections anticipées. Ces produits répondaient pourtant aux critères de performance du cahier des charges lors du démarrage de la conception. Alors pourquoi ? Plus on connaît en amont au développement ce qui crée de la valeur chez l’usager, mieux on oriente le projet pour les étapes à venir. Ainsi, plus on avance dans le projet, moins il est nécessaire de procéder à des ajustements coûteux. Il faut donc voir l’innovation en amont comme un investissement permettant de « dé-risquer », d’orienter les choix de projets dans la gestion du portefeuille et de définir les avantages compétitifs. Au final, l’innovation en amont contribue à mettre un projet sur le marché plus rapidement tout en diminuant les risques et en maximisant les chances de succès.
Une approche à repenser
Pour le gestionnaire, l’approche typique dans le choix des projets à concevoir consiste à baser son analyse sur les chiffres de ventes antérieures, les projections du segment de marché et l’analyse de certains indicateurs clés à la performance liés à l’entreprise et au marché. L’intuition et le désir de réaction face à la concurrence jouent parfois un grand rôle dans les décisions des gestionnaires responsables, ce qui n’est pas toujours gage de succès.
Cette analyse est nécessaire mais bien souvent, elle n’inclut le consommateur que par une segmentation de marché alors que l’innovation en amont démarre, quant à elle, par une volonté de comprendre les usagers et leur expérience. Au delà de la segmentation de marché, dévoiler les habitudes du consommateur, comment il fait les choses et surtout pourquoi il les fait sont au coeur de la démarche d’innovation en amont.
Avant même d’investir en recherche et développement, les manufacturiers ou fournisseurs de services qui souhaitent innover doivent trouver ce que les usagers désirent réellement, identifier le moyen d’y répondre mieux que la compétition et à un prix compétitif. C’est souvent à cette étape que les équipes de développement prennent pour acquis certains comportements des usagers sans se soucier qu’ils aient changés ou mutés au fil du temps. Il est impératif de comprendre que la cible demeure en mouvement tout au long du processus de développement. Ainsi, une orientation qui apparaît juste un jour peut s’avérer inappropriée le lendemain. L’objectif peut être simple mais la mise en oeuvre pour déployer une idée reste difficile.
Il y a plusieurs méthodes reliées à la recherche en amont et toutes ont leurs outils: mentionnons seulement le Design Thinking de Tim Brown, le Design Sprint de Jake Knapp- méthode de Google inspirée par les principes du Lean Startup et du Design Thinking – le Lean Startup ou le Design Innovation Process de Vijay Kumar. Ces variantes ont en commun d’analyser, expérimenter et valider les projets en mettant l’usager au coeur de la démarche. Mesurer régulièrement les progrès réalisés et obtenir de la rétroaction des usagers diminue les risques et permet de se concentrer sur ce qui crée de la valeur pour les utilisateurs.
« Ces approches permettent de confirmer le potentiel commercial d’une idée avant même de démarrer la phase de développement. »
Peu importe l’approche préconisée, les objectifs demeurent les mêmes soit de concevoir et innover autour de l’usager et son expérience, comprendre ses besoins/problématiques et motivations profondes, explorer des hypothèses et les valider rapidement. On pourra alors effectuer un pivot plus tôt dans le processus afin de mieux recentrer les besoins vers les usagers plutôt que de le faire lorsqu’on est en plein dans le projet et au moment où les coûts de changements seraient décuplés. Ces approches permettent de confirmer le potentiel commercial d’une idée avant même de démarrer la phase de développement et ainsi faciliter la prise de décision sur les projets à mettre de l’avant.
La validation-client comme avantage concurrentiel
Tous ces objectifs convergent et trouvent leurs prémisses par le biais d’outils itératifs de recherche, d’expérimentation et de validation. Des outils tels que de l’observation terrain, des ateliers de co-création avec des super-usagers ou des entrevues semi-dirigées permettent de mettre le doigt sur les besoins non-articulés et les utilisations réelles qui ne seraient pas mises en lumière lors d’études marketing conventionnelles. Ces quelques exemples d’outils peuvent être utilisés pour mieux cerner les usages, comprendre les problématiques, voir les comportements et émotions des usagers dans le contexte de l’utilisation des produits ou services. Des pistes de solutions préliminaires peuvent ensuite être soumises aux utilisateurs de façon objective avec une validation sur plateforme numérique, des focus groups ou des bancs d’essais exploratoires. Après tout, qui de mieux pour juger que les utilisateurs eux-mêmes ?
Intégrer l’innovation en amont permet de récolter et bâtir la connaissance des comportements et émotions des consommateurs sur les usages qu’il fait d’un produit ou service. Cette approche fait surgir des opportunités gagnantes qui positionnent avantageusement toute organisation sur le marché. On parle ici de créer un avantage concurrentiel établi par la compréhension des enjeux des usagers et qui n’avait pas encore été répondu sur le marché. Les cycles itératifs d’analyse-exploration-validation apportent des faits pouvant guider objectivement les décisions immédiates et futures des entreprises en développement de produits. Des choix fondés non pas sur l’émotion ou les coups de coeur des équipes de développement mais sur des faits réels en lien avec l’usager et son expérience.
Au final, l’approche d’innovation en amont implantée dans un processus de développement fait ses preuves et est un outil supplémentaire pour les gestionnaires afin de prendre des décisions éclairées quant à la gestion du portfolio de produits et de la stratégie de différenciation du produit lui-même. Une nouvelle donne qui vient définitivement augmenter les chances de succès lors d’introduction de nouveaux produits ou services sur le marché.
Des exemples ? Voyez comment Dutailier et Château Laurier de Québec ont utilisé l’innovation en amont pour définir leur stratégie de différenciation de produit ou service en basant leurs décisions sur une meilleure compréhension de leurs usagers.
Par Johnathan Côté, PDG / Designers chez Morelli Designers