Cathy Wong, vice-présidente Équité, diversité, inclusion et Langues officielles au sein de Téléfilm Canada (Photo: courtoisie)
DIVERSITÉ AU TRAVAIL. EDI, cet acronyme qui est sur toutes les lèvres, englobe un ensemble de programmes, de politiques, de stratégies et de pratiques dont le but est d’élaborer une culture professionnelle basée sur la diversité, l’équité et l’inclusion. Une bien belle vision du monde du travail, mais sur le terrain comment construire les bases solides d’une politique d’EDI juste et efficace au sein d’une entreprise ?
« Le plus complexe pour moi, c’est de savoir à quoi va servir cette politique d’EDI », entame Blandine Emilien, professeure en gestion des ressources humaines à l’UQAM. Bien souvent, cette politique arrive en réaction à des situations plutôt qu’en proaction, selon elle. On réagit parce qu’il y a eu la dénonciation d’une injustice, d’une discrimination envers une personne ou envers un groupe de personnes ciblées, malencontreusement ou consciemment. Le lancement d’une politique d’EDI devrait plutôt naître d’une réflexion construite et réfléchie en amont.
Transversalité et intersectionnalité
Comment construire les bases solides d’une politique d’EDI ? C’est la première question à se poser. S’il fallait retenir deux notions, ce serait : transversalité et intersectionnalité. Plus concrètement, il n’est pas question de reléguer les questions d’EDI à une équipe ou à la responsabilité d’une seule personne — et de s’assurer de ne pas faire de généralités tout en prenant en compte la réalité de chacun. Cathy Wong, vice-présidente Équité, diversité, inclusion et Langues officielles au sein de Téléfilm Canada, a une vision très claire sur le sujet. « On est environ 200 employés, dans chaque équipe, il y a des postes qui ont été créés pour veiller aux questions de diversité, d’équité et d’inclusion. » Cathy Wong siège également au comité l’exécutif, où elle prend part à toutes les décisions concernant toutes les sphères de l’entreprise.
Une vision que partage Chris Bergeron, vice-présidente créativité inclusive à Cossette. Cette politique doit s’appliquer à toutes les strates de la compagnie. Selon elle, une entreprise qui présente une grande diversité en bas de l’échelle, mais pas chez ses décideurs, n’est pas une entreprise qu’on pourrait qualifier de diverse. Il s’agirait plutôt d’une compagnie dirigée par des hommes blancs et riches qui pourraient profiter d’une main-d’œuvre issue de l’immigration à bas prix.
Une entreprise à l’image de la société
Est-ce que notre organisation représente un échantillon acceptable de la population — ou bien est-ce qu’elle reflète un certain nombre de biais ou de pratiques au sein de l’entreprise ? Voici quelques-unes des interrogations qu’il faut se poser selon Chris Bergeron. Savoir à quoi ressemble la démographie de l’entreprise — en termes d’origine, d’identité culturelle, de langue, d’orientation sexuelle, de diversité de corps et de neurodiversité — versus la société dans laquelle on vit est déterminant. Au sein de Cossette, des objectifs de représentation du marché sont fixés. Chaque année, l’évolution démographique de Montréal, de Toronto ou encore de Vancouver, notamment, est étudiée par rapport aux différentes communautés et groupes sous-représentés dans notre pays.
Du côté de Téléfilm Canada, les objectifs sont très clairs : 30 % des postes de gestionnaires doivent être occupés par ces groupes sous-représentés et 50 % des embauches seront issus de ces groupes. Des objectifs qui ont été dépassés, se réjouit Cathy Wong, notamment grâce à la diversification des lieux d’affichage des offres d’emplois et un travail étroit avec les associations représentant ces groupes discriminés.
Des gains certes…
Comment évaluer les gains et les retombées positives d’une politique d’EDI ? La question n’est pas simple et provoque des réactions contrastées voire enflammées.
« Chez Cossette, nous venons d’embaucher un Directeur de la création qui incarne deux diversités. L’une culturelle, il est noir — et l’autre professionnelle, il ne vient pas du monde de la publicité. C’est très intéressant parce qu’il va apporter un regard différent », détaille Chris Bergeron. Différence de vision, d’approche, de culture, de méthode de travail : cette diversité amplifie, selon elle, le bien-être de l’équipe.
Mais comment évaluer les bénéfices d’une politique d’EDI de manière tangible ?
« Certainement pas avec des chiffres », s’enflamme Blandine Emilien, pour qui ce modèle d’évaluation relève des temps anciens. L’EDI ne se chiffre pas. En revanche, il s’agirait de nommer et de saluer ce qui a été accompli, parfois différemment et tout aussi efficacement, par des personnes sous-représentées. Puis, de s’interroger sur ce qu’on pourrait modifier dans nos approches et nos habitudes en y introduisant ces différentes visions.
Pour Cathy Wong, le succès d’une politique d’EDI est de parvenir à insuffler au sein de l’entreprise les valeurs fondamentales auxquelles on aspire dans la vie et pour la société — et les appliquer au sein de la compagnie. « On est tous en train d’apprendre et de grandir ! Dès qu’une société s’engage sur ce chemin, c’est le bon chemin ! »
Deux initiatives lancées par Téléfilm Canada qui intègrent bien les valeurs d’EDI: le Fonds des talents qui soutient le programme Talent en vue — Accueil — The Talent Fund (lefondsdestalents.ca) et le volet destiné aux personnes noires et aux personnes de couleur. C’est l’une des premières initiatives associées au plan d’action de Téléfilm sur l’équité et la représentation, qui a pour objet de promouvoir une plus grande équité dans l’industrie audiovisuelle canadienne.