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Comprendre la multiplication des partenariats

Simon Lord|Édition de la mi‑septembre 2019

Comprendre la multiplication des partenariats

Dominique Babin, associée et avocate en droit des affaires et commerce international chez BCF. (Photo: courtoisie)

DROIT DES AFFAIRES. L’heure est aux partenariats : gouvernement-entreprise, firme locale et firme mondiale, industrie et industrie cousine. Pourquoi ces diverses formes de collaborations se multiplient-elles ? Elles créent leurs lots d’occasions, mais ne sont pas sans plusieurs conséquences légales.

«Ça fait 19 ans que je pratique, et il y a 19 ans, on était plus conservateurs», affirme Dominique Babin, associée et avocate en droit des affaires et commerce international chez BCF. Les entreprises avaient alors recours aux fusions et acquisitions ou aux franchises, et les contrats de licence commençaient à gagner de la vitesse, explique-t-elle. Les autres formes de partenariats étaient cependant plus rares. Aujourd’hui, les partenariats ne sont plus des exceptions. «Les entreprises réalisent qu’elles ont plusieurs options. Elles comprennent qu’on peut faire du sur-mesure, et c’est ce qu’elles nous demandent pour répondre à leurs besoins.»

Basculement numérique

De l’avis de l’avocate, trois raisons expliquent pourquoi les entreprises semblent avoir davantage recours aux partenariats. D’abord, la transformation numérique amène les plus traditionnelles, comme les manufacturiers ou entreprises pharmaceutiques, à devoir travailler avec des entreprises de technologie pour se moderniser. Sauf que l’on ne parle plus simplement d’acheter et d’installer un logiciel sur son serveur : la transformation implique beaucoup plus. «La technologie n’est plus un outil, mais bien souvent un actif stratégique, précise Me Babin. La situation demande un plus grand partage entre les entreprises. La relation avec les firmes technologiques étant moins unilatérale, les firmes sont plus portées à vouloir former des partenariats.»

La seconde raison de la popularité actuelle des partenariats est la mondialisation, juge-t-elle. Plus que jamais, les entreprises québécoises font des affaires à l’étranger. Leurs produits sont aussi plus complexes, de même que la propriété intellectuelle est plus importante qu’auparavant. Sans compter que les consommateurs sont plus éduqués et informés. «Quand vous ciblez un marché étranger, vous devez vous associer à quelqu’un qui le connaît bien. Vous pouvez donc avoir recours à des coentreprises (joint ventures), des licences, des franchises…»

La troisième raison – un peu liée à la première – est la quantité d’innovations possibles, ainsi que la diversification de leurs sources. «Ce ne sont plus juste les grandes entreprises qui innovent, constate Me Babin. Les start-up aussi. Mais pour en tirer profit, il faut parfois rassembler plusieurs joueurs.»

Gagnant-gagnant

Pour former un partenariat fructueux, il importe d’abord de bien garder en tête les implications légales de celui-ci. «Il faut notamment penser à ce qui arrivera à la fin du partenariat, relève Me Babin. Comment divisera-t-on les billes ? Si on fait affaire à l’étranger, quel impact y aura-t-il sur les crédits d’impôt canadiens ? Perdra-t-on des exemptions en gain en capital ?»

Il peut être aussi important de bien réfléchir à sa façon d’aborder la relation dans le cadre du partenariat. Dans une relation conventionnelle vendeur-acheteur, le réflexe est de tirer la couverture de son côté de façon à obtenir le plus haut prix, mais le moins d’obligations. Sauf que dans le cadre d’un partenariat, pour profiter d’une bonne complémentarité, il devient particulièrement important non seulement de comprendre nos propres besoins, mais aussi ceux de l’autre, note Mme Babin. «Je suis partisane de la démarche gagnant-gagnant. Il faut penser à long terme, garder son partenaire intéressé, entretenir la relation et faire que la sauce prenne. Il faut une démarche plus collaborative et trouver une façon qu’un plus un ne fasse pas deux, mais bien trois.»

Mieux vaut prévenir

L’essentiel pour un partenariat réussi est de bien définir et ficeler le projet, de sorte que chacun sait quelles sont ses responsabilités, croit Robert Harvey, avocat chez Jolicoeur Lacasse Avocats, qui travaille notamment dans le domaine des alliances et des partenariats.

Lorsqu’un partenariat tourne au vinaigre, le problème est souvent que l’une des parties estime que l’autre doit réaliser une tâche, mais celle-ci est en désaccord. «C’est là que le conseiller juridique a un rôle à jouer, dit Me Harvey. Dès le départ, il doit spécifier de façon claire et précise dans l’entente de coentreprise qui est responsable de quoi, sans laisser place au doute, à l’interprétation et au litige.»

Comme dans une fusion et acquisition, certaines vérifications diligentes s’imposent, notamment en ce qui concerne la culture d’entreprise. Parce que si votre entreprise valorise un certain équilibre travail-famille, mais que votre partenaire mise plutôt sur la performance à tout prix, vous pourriez vous retrouver avec de mauvaises surprises en cours de route. «Ça fait partie de la démarche : il faut voir à la compatibilité de la culture, des procédés, des façons de faire et de l’éthique professionnelle, souligne Me Harvey. À certains égards, un partenariat ressemble beaucoup à une fusion et acquisition.»