Le recrutement de talent à l’international touche désormais des secteurs d’activité extrêmement variés : de l’ingénierie au tourisme, en passant par la soudure et la restauration. (Photo: 123RF)
DROIT DES AFFAIRES. Quels sont les enjeux et les défis importants auxquels font face les entreprises actuellement ? Les cabinets spécialisés en droit des affaires répondent à leurs questions et offrent leurs conseils.
Ce n’est plus un secret, la pénurie de main-d’oeuvre se fait de plus en plus sentir au sein des entreprises. L’immigration ciblée, rendue possible notamment par divers programmes de permis de travail mis sur pieds par les autorités fédérales, est une des solutions potentielles à ce problème.
Les entreprises sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à recourir à ce type de démarche, assurent les experts interrogés. «C’est un phénomène qui prend de l’ampleur ; la rareté de main-d’oeuvre est une réalité à laquelle presque tous nos clients font face, et plusieurs d’entre eux ont recours à l’embauche de talent étranger», souligne Nicolas Joubert, avocat associé chez Lavery, qui fait partie de l’équipe de droit du travail, de l’emploi et de l’immigration.
Les entreprises ne visent pas qu’à dénicher des professionnels de haut calibre. Le recrutement de talent à l’international est une stratégie à laquelle ont recours des firmes issues de secteurs d’activité variés : manufacturier, mines, automobile, ingénierie, transformation du bois, soudure, électromécanique, intelligence artificielle, tourisme et même restauration. «Plus on s’éloigne des grands pôles comme Montréal, Laval, Québec et Sherbrooke, plus l’effet est décuplé, dit Me Joubert. Cela devient encore plus difficile de trouver de la main-d’oeuvre.»
Multiples programmes
La mise en oeuvre d’une stratégie de recrutement de main-d’oeuvre étrangère commence par le processus d’immigration lui-même. Plusieurs programmes existent, et déterminer le plus adapté – c’est-à-dire habituellement celui qui minimise les coûts et les délais – constitue souvent un des premiers défis. Il faut ensuite mener à bien les démarches qui y sont liées. «Les programmes évoluent, et de nouveaux programmes sont créés presque chaque année, dit Me Joubert. Alors ça demande un bon travail de diagnostic de la situation de l’entreprise pour déterminer le meilleur programme.»
Expérience internationale Canada (EIC) est l’un de ceux-ci. Très souvent utilisé, ce programme qui concerne surtout les jeunes professionnels fonctionne au moyen d’ententes signées entre le Canada et différents pays. «Il permet d’avoir accès à des talents pour une période qui varie normalement de 12 à 24 mois», explique l’avocat. Ses avantages sont que le processus est relativement peu coûteux et que les délais de traitement ne sont habituellement que de quelques semaines, alors qu’ils sont de quelques mois pour la plupart des programmes.
Parmi les autres programmes d’immigration pertinents dans le cadre d’une stratégie de recrutement hors Canada, le Volet des talents mondiaux est également très utilisé. Lancé à l’été 2017, celui-ci permet de faire traiter une demande en quelques semaines, sinon quelques mois, et vise à aider les entreprises à accéder à des talents internationaux hautement qualifiés.
La difficulté de retenir
Trouver les bons travaille urs est un autre défi lié à une telle stratégie. Les entreprises peuvent orchestrer le recrutement de différentes façons, explique Julie Lessard, associée responsable du groupe mobilité globale des employés chez BCF. «Certaines firmes peuvent avoir recours à des entreprises de recrutement d’ici qui ont des divisions internationales, dit-elle. D’autres vont participer aux missions d’organisations comme Montréal International.»
Certaines entreprises se rendront carrément sur place ou auront recours aux réseaux sociaux. D’autres encore procéderont par références – un employé qui en connaît un autre en Suisse ou au Brésil, par exemple – ou par recrutement au sein d’une de leurs divisions à l’étranger. Beaucoup d’entre elles trouvent cependant leurs candidats ici même au Québec ou au Canada. Que ce soit des visiteurs d’affaires ou encore des étudiants étrangers qui manifestent un intérêt pour travailler chez eux.
Quelle que soit la méthode de recrutement, celui-ci doit être suivi d’une bonne stratégie de ressources humaines pour assurer la rétention de ce nouveau personnel, estime Mme Lessard. Surtout dans le contexte où certains programmes d’immigration mènent à l’obtention d’un permis de travail ouvert, c’est-à-dire qui laisse à celui qui l’obtient la liberté de travailler pour différents employeurs plutôt que pour un employeur déterminé.
Quels éléments devraient être au coeur d’une telle stratégie ? Mme Lessard mentionne surtout des considérations de nature familiale. «Quand le recrutement international échoue, c’est souvent en raison de la non-intégration de la famille, fait-elle valoir. Il faut donc notamment se demander ce qu’on l’on prendra en charge ou non sur ce plan.»
L’entreprise couvrira-t-elle le déménagement ? Sera-t-il possible de faire venir le conjoint ou la conjointe ? Comment les enfants pourront-ils intégrer le système scolaire ? Si l’entreprise ne veut pas être responsable de beaucoup de ces dossiers, elle doit comprendre qu’elle court le risque que son travailleur ait de la difficulté à trouver un endroit où vivre et une école pour ses enfants, rappelle Mme Lessard. «Comme on veut que les gens viennent, mais aussi qu’ils restent, il faut bien y réfléchir.»