Les avocats et avocates en droit des affaires doivent maintenant tenir compte de nouveaux éléments dans l’organisation de la protection de leurs clients. (Photo: 123RF)
DROIT DES AFFAIRES. Le travail des avocats et des avocates en droit des affaires se complexifie. À cause de facteurs comme la hausse des prix, les probabilités d’insolvabilité, les tensions accrues sur les politiques commerciales, les critères ESG ou encore la loi 25, les négociations et rédactions de contrats commerciaux sont plus longues et plus chargées en émotions. Pour autant, les experts en droit des affaires ont plusieurs atouts dans leur manche pour aider leur clientèle à faire face à un contexte changeant.
Le droit des affaires est intimement lié aux aléas des économies locale et mondiale est donc affecté lui aussi par l’instabilité actuelle, alimentée par la pandémie, la hausse des taux d’intérêt et les tensions géopolitiques.
Me Jean-François Welch, associé au bureau de Québec de DS Avocats, l’admet sans ambages:dans le contexte actuel, le droit des affaires est plus complexe qu’avant. «L’évolution de l’économie — avec l’arrivée de nouvelles technologies et l’importance accordée aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) — se conjugue à de nombreux chocs externes, comme la crise sanitaire, la hausse des taux d’intérêt ou la guerre en Ukraine. Cela crée beaucoup d’incertitude», résume-t-il.
Il cite l’exemple des facteurs ESG, qui sont de plus en plus présents, même si plusieurs PME tardent à embarquer dans le train. «Nous devons tenir compte d’éléments supplémentaires dans nos évaluations et dans l’organisation de la protection de nos clients», précise l’avocat. Prenons le cas d’une entreprise qui en acquiert une autre, laquelle compte parmi ses clients de grandes firmes canadiennes ou américaines. Ces dernières regardent de plus en plus la performance ESG de leurs fournisseurs. L’acheteur devra donc s’assurer que sa cible possède des politiques ESG adéquates et que les siennes correspondent aux attentes de ses futurs clients.
L’expansion des critères ESG génère aussi des occasions, sur lesquelles les avocats en droit des affaires sont appelés à travailler. «On voit apparaître de nouveaux produits, notamment dans le secteur financier, comme des prêts conditionnés à l’atteinte de certains objectifs ESG, des émissions d’obligations vertes ou encore la création de fonds spécialisés dans certains facteurs ESG», souligne Me Éric Bédard, associé directeur du cabinet Fasken pour la région du Québec.
La hausse des taux d’intérêt a également d’importantes conséquences sur le travail des avocats en droit des affaires. «Une augmentation des taux d’intérêt a généralement tendance à refroidir les ardeurs d’acquisition des entreprises, souligne Me Welch. En même temps, il y a beaucoup d’occasions sur le marché, car plusieurs entrepreneurs vieillissent sans nécessairement avoir de relève en vue, donc ils cherchent à vendre.»
Résultat: les négociations s’allongent et deviennent plus ardues, et les prix ont tendance à baisser. Alors que certaines entreprises n’hésitaient pas à payer jusqu’à sept fois la valeur du bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) d’une cible encore récemment, ces ratios sont revenus à un multiple plus normal de cinq ou même de quatre.
Les acheteurs et les bailleurs de fonds affichent en outre une plus grande prudence. «Les vérifications diligentes deviennent plus exhaustives qu’il y a quelques années et les banques montrent moins de tolérance au risque», reconnaît Me Éric Bédard.
Ce dernier soutient que le contexte actuel ne diminue pas la charge de travail des avocats en droit des affaires, bien au contraire, malgré un net ralentissement du marché des fusions et acquisitions et de celui des capitaux. «Le type de dossiers que nous traitons a toutefois un peu tendance à changer», révèle-t-il.
Plus occupés qu’avant
Les avocats qui pratiquent en insolvabilité, par exemple, sont beaucoup plus occupés actuellement que pendant les années précédentes, notamment en raison de la fin des aides qui avaient été accordées par les gouvernements pendant la pandémie, à laquelle s’ajoute la hausse des taux d’intérêt. Le nombre de faillites d’entreprises a bondi de 35,9 % au Canada et de 31,2 % au Québec entre le 30 juin 2022 et le 30 juin 2023, selon le Bureau du surintendant des faillites du Canada.
Dans le domaine immobilier, la remontée des taux a fait chuter le nombre de projets d’immeubles en copropriété et commerciaux, mais en contrepartie, la construction de projets industriels a augmenté. La Commission de la construction du Québec indique que le nombre d’heures travaillées par ses membres (12 millions d’heures) a crû de 6 % en 2022 par rapport à l’année précédente dans ce secteur. En 2023, la construction de la nouvelle usine de Produits Kruger en Estrie, les travaux de Rio Tinto pour décarboner ses activités et transformer des métaux critiques et les travaux à l’usine Uniboard de Val-D’Or soutiendront cette activité.
«En fait, l’élément du contexte qui menace le plus les projets industriels, c’est la disponibilité énergétique au Québec», note Me Éric Bédard. Auparavant, Hydro-Québec avait l’obligation de desservir tous les projets qui demandaient moins de 50 mégawatts. Mais depuis l’adoption du projet de loi 2 en février 2023, le gouvernement du Québec et Hydro-Québec peuvent choisir quels projets ils souhaitent desservir parmi ceux qui requièrent 5 mégawatts et plus.
Tous ces défis ne manqueront pas de mettre du plain sur la planche des avocats, qui agissent de plus en plus comme de véritables conseillers d’affaires.
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