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Le solaire, une énergie appelée à briller dans le futur

Anne-Marie Provost|Édition de la mi‑septembre 2021

Le solaire, une énergie appelée à briller dans le futur

La centrale Gabrielle-Bodis a une superficie équivalente à 28 terrains de football américain pour une puissance installée de 8 MW. (Photo: courtoisie)

EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. Au Québec, l’énergie solaire représente encore une part très marginale du marché et devrait vraisemblablement le rester dans un avenir proche. Or, la situation pourrait être appelée à changer, sa production étant de plus en plus abordable et des expérimentations étant en cours dans la province.

Hydro-Québec en est à développer l’expertise en vue de prendre en considération l’énergie solaire dans ses projets. La société d’État vient tout juste de mettre en service deux centrales solaires d’une puissance installée combinée de 9,5 mégawatts (MW) en Montérégie. Les centrales Gabrielle-Bodis, à La Prairie, et Robert-A.-Boyd, à Varennes, permettront de produire près de 16 gigawattheures par an. Cette énergie permettra de répondre à la demande de 1 000 clients résidentiels — une goutte d’eau par rapport à sa production globale. 

« L’énergie solaire est de plus en plus accessible, abordable, répandue et rapide à installer. Mais dans les faits, au Québec, qu’est-ce que ça veut dire ? » se questionne Francis Labbé, porte-parole de la société d’État. Cette dernière veut comprendre de quelle manière ce type d’énergie peut être utilisé de manière optimale en tenant compte du climat québécois. L’investissement montérégien de 40 millions de dollars a donc comme but d’étudier cette façon de produire de l’électricité. 

« Nous allons tout comptabiliser : la production, les conditions météorologiques, la luminosité, énumère Francis Labbé. Après 18 ou 24 mois, nous aurons une très bonne idée de ce qui sera optimal en matière de production centralisée d’énergie solaire au Québec. » Le jumelage du solaire à d’autres sources d’énergie dans le réseau sera également évalué. « C’est aussi un apprentissage de récupération, de transfert d’énergie et d’intégration au réseau de distribution », ajoute-t-il.

Le porte-parole précise qu’Hydro-Québec n’a pas réalisé d’économie d’échelle avec ce projet, c’est-à-dire qu’elle n’a pas retenu un emplacement et une technologie uniques pour produire plusieurs mégawatts. La société d’État a plutôt installé ses centrales à deux endroits pour évaluer divers types de panneaux et d’installations, ainsi que l’intégration de batteries de stockage jumelées à la production solaire. Un système de stockage de grande capacité a aussi été développé, ce qui pourrait permettre de redistribuer l’énergie sur le réseau provincial pendant les périodes de pointe de la consommation.

 

Une énergie encore marginale

Si l’utilisation de l’énergie solaire connaît une grande croissance dans le monde, elle reste marginale au Québec, notamment parce que l’électricité n’y coûte pas cher. Ainsi, l’énergie solaire compte pour moins de 1 % du bouquet énergétique de la province, mais la mise en service des deux centrales vient plus que doubler cette part, selon Nergica, un centre de recherche appliquée voué au développement des énergies renouvelables. Celui-ci a publié une étude en mai, cette année, intitulée « Énergie solaire photovoltaïque dans le mix énergétique québécois ». Ses auteurs concluent qu’avec la baisse importante du coût des panneaux solaires depuis 10 ans, cette filière pourrait fournir de l’électricité à un prix concurrentiel d’ici quelques années.

Actuellement, le prix moyen de l’électricité au Québec est de près de 7 cents le kilowatt heure (kWh). L’étude de Nergica prévoit qu’en 2030, le coût de l’énergie solaire sera de 6 cents/kWh pour le secteur résidentiel et de 5 cents/kWh pour les grandes centrales. Le tout dans un contexte où les tarifs d’Hydro-Québec seront appelés à augmenter au fil des ans, précisent ses auteurs.

« Nous passerons d’une situation de surplus énergétique à une situation de déficit énergétique en 2026-2027 », ajoute l’un d’eux, Karim Belmokhtar, en citant le plan d’approvisionnement d’Hydro-Québec. « Il y a de la place pour le solaire dans les projets futurs, assure-t-il. Il faut lever certaines barrières. »

L’ingénieur observe effectivement des freins au développement de cette méthode de production d’énergie. La centrale Gabrielle-Bodis a par exemple une superficie équivalente à 28 terrains de football américain pour une puissance installée de 8 MW. Cela fait donc beaucoup d’espace au mégawatt. « Au Québec, nous n’avons pas beaucoup de terrains disponibles », rappelle-t-il en soulignant qu’« il y a également un manque d’incitatifs pour encourager ce type d’installations ».

Néanmoins, cela n’empêche pas certaines entreprises de chercher déjà à intégrer l’énergie solaire dans leurs bâtiments afin de les rendre plus efficaces. Dans cet esprit, Soprema distribue depuis peu les capteurs solaires thermiques fabriqués par Aéronergie. « Les applications sont diverses, mais c’est surtout pour le marché commercial, industriel et institutionnel ; des universités nous ont par exemple appelés », explique Pierre-André Lebeuf, chargé de projets au développement durable de la division canadienne de cette multinationale manufacturière. Celle-ci a d’ailleurs installé 13 murs solaires d’Aéronergie sur ses propres bâtiments au Canada.