Le ministre japonais de l’Industrie, Yasutoshi Nishimura, a déclaré qu’il était essentiel que les deux pays recherchent des alliés partageant les mêmes idées dans un monde marqué par des tensions géopolitiques croissantes. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — Le Canada et le Japon ont signé jeudi à Ottawa un nouvel accord sur la chaîne d’approvisionnement en batteries, alors que le Canada souhaite étendre sa position dans l’industrie des batteries et que le Japon cherche à garantir à ses constructeurs automobiles l’accès aux subventions américaines lucratives pour les véhicules électriques.
Le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne, a été peu loquace sur le type de subventions canadiennes qui pourraient suivre pour attirer les fabricants de batteries japonais au Canada, bien que lui et le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, aient tous deux mentionné des discussions en cours avec Toyota et Honda.
Hiroaki Koda, PDG de Prime Planet Energy and Solutions, le fabricant de batteries automobiles créé il y a trois ans par Toyota et Panasonic, était également à Ottawa jeudi pour signer un accord distinct de collaboration avec FPX Nickel, établie à Vancouver. Panasonic Energy a également signé une entente-cadre avec la société québécoise Nouveau Monde Graphite.
Ces accords sont distincts des «protocoles de coopération» entre gouvernements, qui, selon M. Wilkinson, constituent un élément typique des négociations et des relations commerciales avec le Japon et ses entreprises, établissant un cadre permettant aux entreprises des deux pays de conclure leurs propres ententes.
Il a qualifié cela de signal «que les Japonais s’intéressent réellement à la fabrication de batteries au Canada et que le Canada souhaite devenir un fournisseur pour garantir que le Japon a accès aux types de matériaux dont il a besoin et qu’il n’a pas au niveau national», a déclaré M. Wilkinson.
Le Japon apporte la technologie dans le traitement des minéraux ainsi que les fabricants de batteries et d’automobiles à la table, tandis que le Canada donne accès aux minéraux essentiels et à la capacité émergente de fabrication de batteries.
Les tensions géopolitiques croissantes
Le ministre japonais de l’Industrie, Yasutoshi Nishimura, qui s’est rendu à Ottawa pour signer l’accord, a déclaré qu’il était essentiel que les deux pays recherchent des alliés partageant les mêmes idées dans un monde marqué par des tensions géopolitiques croissantes.
«Au cours des quatre dernières années, les affaires internationales sont devenues de plus en plus instables, avec la propagation de maladies infectieuses, l’agression russe contre l’Ukraine et les tentatives de certains pays d’utiliser l’indépendance économique comme une arme sous la forme de coercition à des fins diplomatiques et sécuritaires», a déclaré le ministre japonais.
«Dans ce contexte, le besoin de coopération entre le Japon et le Canada s’est considérablement accru. Nous partageons des valeurs communes et sommes de bons partenaires dans la région Indo-Pacifique», a-t-il ajouté.
Le Canada et le Japon cherchent tous deux à contrer la domination économique et politique de la Chine dans la région Indo-Pacifique, ainsi que dans l’industrie mondiale des batteries.
Le Canada a lancé une nouvelle stratégie indo-pacifique l’année dernière et a tenté de faire ce qu’il appelle le «friendshoring» — ou la coopération avec ses alliés sur les minéraux critiques et d’autres chaînes d’approvisionnement technologiques pour empêcher des pays comme la Russie et la Chine d’utiliser ces fournitures pour influencer les affaires mondiales.
Pour le Canada, l’accord arrive à point nommé, lui permettant de montrer ses liens croissants avec un allié clé de l’Indo-Pacifique, alors même que ses relations avec l’Inde touchent le fond.
Lundi, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que les services de renseignement canadiens disposaient de preuves crédibles selon lesquelles des agents du gouvernement indien seraient liés à la mort par balle d’un dirigeant sikh de Vancouver en juin.
Avant cette déclaration explosive, le Canada a annulé une mission commerciale prévue en Inde cet automne et a suspendu les négociations commerciales en cours.
La ministre du Commerce international, Mary Ng, devrait diriger une mission commerciale au Japon cet automne, affirmant jeudi qu’au moins 100 entreprises participeraient à ce voyage.
Le Canada a investi des dizaines de milliards de dollars ces dernières années pour s’imposer comme un leader mondial en matière de batteries, avec des investissements dans plus d’une douzaine d’entreprises de la chaîne d’approvisionnement et de la fabrication de batteries.
Cela comprend jusqu’à 13 milliards de dollars (G$) de subventions à la production pour permettre à Volkswagen de construire une usine de batteries à St. Thomas, en Ontario, et 15G$ en subventions à la production pour une usine de batteries Stellantis à Windsor, en Ontario.
L’année dernière, M. Champagne s’est rendu à trois reprises au Japon pour faire valoir la capacité du Canada en matière de matériaux de batterie auprès des constructeurs automobiles et des géants de l’électronique japonais.
Le Canada pourrait également aider les constructeurs automobiles japonais à produire des véhicules électriques admissibles à un important rabais de taxe à la consommation aux États-Unis. Le rabais, qui réduit le coût des véhicules électriques pour les acheteurs de plusieurs milliers de dollars, est limité aux véhicules fabriqués en Amérique du Nord avec des batteries principalement fabriquées en Amérique du Nord.
Par Mia Rabson