Selon Stéfane Marion, en entrevue avec «Les Affaires», dans le cycle économique actuel, Ottawa devrait plutôt viser entre 300 000 et 500 000 nouveaux arrivants par année. (Photo: Jade Trudelle)
«Tout ce qui est associé à l’habitation est inflationniste présentement en raison d’une croissance démographique que l’on ne peut pas accommoder.»
Devant un parterre de gens d’affaires de la métropole réunis à l’invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, l’économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion, a reproché à Ottawa de ne pas être capable de réviser ses cibles en immigration, malgré la réalité du marché de l’habitation.
L’économiste et stratège en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion (Photo: courtoisie)
Un peu plus tôt, le PDG de l’institution financière, Laurent Ferreira, avait d’ailleurs mentionné qu’à partir de maintenant, il fallait «s’habituer à des taux d’intérêt élevés. Le consommateur devra s’ajuster à un coût de la vie plus élevé. L’inflation va être collante. Et les consommateurs verront les coûts pour se loger monter dans les prochaines années en raison des taux et de la pénurie de logements.»
Et Ottawa, soutiennent-ils, a beaucoup à voir dans cette pénurie qui ronge à la fois le pouvoir d’achat et la qualité de vie des Canadiennes et Canadiens. Tout cela en raison de ses politiques d’immigration qui dépassent les capacités d’absorption, notamment.
«Jamais [les nouveaux arrivants dans] la population canadienne n’avaient dépassé 600 000 individus, et c’était quand Terre-Neuve s’est jointe à la fédération en 1949. […] En 2022, j’ai ajouté l’équivalent de deux Terre-Neuve. Ça soutient la croissance économique. Mais ce qui m’interpelle, c’est que la Banque centrale nie un peu l’impact de la croissance démographique sur l’inflation», dit Stéfane Marion.
«Jusqu’à présent en 2023, la croissance de la population est de 240 000 individus par trimestre. En France, c’est 150 000 par année.»
Résultat, dit l’économiste, c’est que le nombre de mises en chantier est maintenant d’une pour quatre personnes. Historiquement dans le pays, ce ratio était plutôt d’une pour 1,8 personne.
Et surtout, a-t-il rappelé, jamais le Canada n’a jamais dépassé les 330 000 mises en chantier par année, alors que les besoins actuels surpassent les 600 000.
«Si vous ne pouvez pas acheter, vous allez louer. En ce moment, l’inflation des loyers carbure à 6%. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ça va continuer à augmenter parce que le taux de vacance des loyers dans le locatif est en train de s’écraser.»
Selon Stéfane Marion, en entrevue avec Les Affaires, dans le cycle économique actuel, Ottawa devrait plutôt viser entre 300 000 et 500 000 nouveaux arrivants par année.
Économie mondiale et transition énergétique
Évidemment, le Canada n’échappe pas au contexte économique mondial, qui, pendant près de 20 ans, a bénéficié d’une chaîne d’approvisionnement déflationniste, surtout en provenance de la Chine.
Une réalité qui est en train de changer, alors que les pays tentent de prendre des parts de marché à la Chine, surtout à l’heure où la transition énergétique s’accélère.
«La Chine contrôle 60% à 80% de tout ce dont nous avons besoin pour décarboner notre économie. Que vont-ils faire? Ils vont monter les prix», a affirmé Stéfane Marion.
Encore une fois, dit l’économiste en chef de la Banque Nationale, le gouvernement fédéral va trop loin, trop vite. «On veut imposer une transition énergétique avec une date butoir, ce qui est une première dans l’histoire économique. En général, les politiciens vont mettre en place des politiques qui favorisent une révolution industrielle. On ne va pas mettre une date butoir. Ça va être difficile de faire ce que l’on veut faire dans les contraintes financières actuelles.»
«En mettant une date butoir, tu mets une pression sur l’économie, donc un problème d’offre, avec une inflation plus élevée et une structure de taux d’intérêt plus élevé. Les gens n’ont pas encore compris que ça faisait partie de l’équation», dit M. Marion.
Ce dernier rappelle que même si le Canada est le quatrième producteur de pétrole dans le monde, le cinquième de gaz naturel et le quatrième d’engrais chimiques, il «n’émet que 1,5% des gaz à effet de serre. On peut fermer l’économie canadienne, ça ne changera pas grand-chose. On considère décarboner un système électrique qui est déjà l’un des plus propres de l’OCDE.»
«Si le Canada envoyait du gaz naturel et décarbonait 20% des producteurs d’électricité qui utilisent du charbon en Asie, on aurait plus d’impact au niveau planétaire que si on fermait l’économie canadienne demain matin», donne-t-il en exemple.
Ainsi, exprime M. Marion à Les Affaires, le Canada devrait revoir sa stratégie en ayant en tête «qu’il n’y a qu’une seule planète.»
«L’aspect pressant pour l’économie mondiale, c’est d’empêcher les pays émergents de se développer en utilisant du charbon et du bois. Pour moi, c’est critique. Ces questions, on ne se les pose pas.»
Abonnez-vous à notre infolettre thématique pour du contenu qui répond à votre réalité:
Finances personnelles — Tous les vendredis
Inspirez-vous des conseils de nos experts en planification financière et de toutes les nouvelles pouvant affecter la gestion de votre patrimoine.