Hydro-Québec a indiqué en avril dernier qu’elle évalue le potentiel hydroélectrique de la rivière Petit Mécatina, sur la Côte-Nord, mais qu’aucun projet de nouvelle centrale n’est confirmé à ce jour. (Photo: 123RF)
EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. Face à la crise climatique, le G20 réuni à New Delhi a soutenu pour la première fois ce week-end un triplement d’ici à 2030 des capacités mondiales d’énergies renouvelables: un objectif ambitieux et indispensable, mais qui nécessitera plus qu’une déclaration d’intention, soulignent des experts.
Q: Pourquoi tripler solaire, éolien et autres renouvelables?
Le G20 « poursuivra et encouragera les efforts » à cette fin, selon la déclaration finale qui approuve ainsi les recommandations des experts, déjà reprises il y a quelques semaines par Sultan Al Jaber, président émirati de la COP28 qui se réunira en fin d’année à Dubaï.
Les pays du G20, qui incluent la Russie et l’Arabie saoudite et émettent 80% des gaz à effet de serre, n’ont en revanche acté aucun geste sur la réduction des énergies fossiles.
Pour Dave Jones, expert du groupe de réflexion Ember, cette mention est une bonne surprise qui permet de revenir enfin au cœur du sujet: « Jusqu’à récemment, on était très focalisés sur l’hydrogène, ou la capture du carbone, perdant de vue le plus important ».
Car le triplement des énergies renouvelables est l’objectif incontournable des scénarios pour la neutralité carbone, notamment celui de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Si le monde veut rester sous 1,5 °C de réchauffement, ce sera « le levier le plus important » pour réduire la demande de fossiles (charbon, gaz, pétrole), souligne l’agence.
Tripler, c’est éviter 7 milliards de tonnes de CO2 de 2023 à 2030, relève-t-elle. Cela permettrait, selon l’AIE, de couvrir la croissance de la demande d’électricité liée aux transports, au chauffage ou au boom attendu des climatiseurs. Et l’on pourrait ainsi réduire de moitié le volume d’électricité issue du charbon, aujourd’hui source numéro un de CO2, toujours selon l’AIE.
Q: Qu’est-ce que cela implique?
Concrètement, il faudrait passer de 3 600 gigawatts (GW) issus des renouvelables à fin 2022 à 11 000 GW en 2030, explique Dave Jones.
Alors que le monde a installé 300 GW de capacités nouvelles en 2022 et en espère jusqu’à 500 supplémentaires en 2023, il faudrait atteindre rapidement 1 500 GW par an d’ici 2030.
Des progrès sont déjà là. De 2015 à 2022, les installations renouvelables ont crû en moyenne de 11% chaque année. Et dans un contexte de flambée des prix pétrogaziers et d’insécurité énergétique liée notamment à la guerre en Ukraine, l’AIE attend en 2023 une croissance inédite en capacités renouvelables nouvelles (+30% environ).
La progression dans le photovoltaïque est marquée. La Chine pourrait atteindre son objectif 2030 de 1 200 GW dès 2025. Globalement, la capacité de fabrication des composants dépasse désormais la demande et devrait atteindre 1 000 GW par an en 2024 en Chine, mais aussi via des projets aux États-Unis, en Europe ou en Inde.
L’éolien en revanche connaît des difficultés. Face au renchérissement des coûts et taux d’intérêt, l’industrie peine à faire face à la demande et appelle les gouvernements à revoir leurs modes d’attribution.
« Il reste beaucoup de défis », résume l’AIE, pour qui « tripler les capacités renouvelables d’ici à 2030 est un objectif ambitieux et pourtant réalisable ».
Q: Comment y parvenir?
L’an dernier, 1 TW de capacités éoliennes et solaires sont restés dans les cartons à travers le monde, faute de réseaux électriques adéquats et d’autorisations, souligne le réseau d’étude Ren21.
Solaire, éolien, barrages, géothermie, biomasse… ces technologies connues et souvent rapides à déployer nécessitent aussi des investissements pour démarrer, en particulier dans les pays émergents et en développement.
« On a besoin de 4 000 milliards de dollars américains (G$US) par an et on en est loin! » déplore Rana Adib, directrice de Ren21. La mention au G20 « est une chose positive, mais il n’y a pas d’engagement concret ».
« On sait que la transition énergétique, c’est aussi l’arrêt des nouveaux investissements dans les énergies fossiles. Or en 2022, les fossiles ont bénéficié de 1 000G$US de subventions, 85% de plus qu’en 2021 », note-t-elle.
La conséquence est sans appel, insiste-t-elle: pétrole, gaz et charbon représentent encore aujourd’hui plus de 80% de la consommation d’énergie finale mondiale, un taux qui n’a pas bougé depuis des années.