«Les entreprises doivent comprendre qu’elles vont y gagner si elles gèrent mieux leur consommation», dit Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal spécialisé en politiques énergétiques et expert invité à Les Affaires. (Photo: courtoisie)nergétiques et expert invité à Les Affaires. (Photo: courtoisie)
EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE: LES ENTREPRISES EN ACTION. L’électricité étant bon marché au Québec, les entreprises traînent encore de la patte sur le plan de la bonne gestion de leur consommation d’énergie. Considérant les pannes de courant qui deviennent plus fréquentes et les hausses de prix à venir, elles auraient cependant tout à gagner à redoubler leurs efforts en ce sens. Voici les (bonnes) raisons d’en faire une priorité.
« De manière générale, dans les entreprises, on ne voit pas pour l’instant de mouvement de masse pour gérer la consommation d’énergie de manière plus proactive », résume Pierre-Olivier Pineau, professeur à HEC Montréal spécialisé en politiques énergétiques.
« C’est loin d’être une préoccupation pour les dirigeants, ce n’est pas une priorité stratégique », explique le professeur, également titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie. Par conséquent, selon un rapport publié par celle-ci en 2021, le Québec se situe devant beaucoup de pays, notamment le Canada, les États-Unis et l’Allemagne, en matière de consommation moyenne par habitant du secteur industriel.
Pierre-Olivier Pineau note que cette position des dirigeants n’est pas complètement déraisonnable considérant que l’énergie est un coût secondaire pour bien des entreprises. Les programmes de subvention sont aussi structurés de sorte à soutenir la mise en place de projets à la pièce — comme l’électrification d’une chaudière à gaz — plutôt que de soutenir une révision complète des systèmes et des pratiques énergétiques des entreprises.
Et pourtant, des avantages
Si les entreprises n’ont pas encore tendance à s’autonomiser, à se responsabiliser sur le plan de la consommation énergétique, elles auraient avantage à le faire. En effet, si leur faible efficacité n’est pas un fardeau aujourd’hui, elle pourrait le devenir demain.
Dans son audit de performance publié en décembre dernier, intitulé « Hydro-Québec : maintenance des actifs du réseau de distribution d’électricité », le vérificateur général du Québec fait état d’une baisse marquée de la fiabilité du service de distribution d’électricité d’Hydro-Québec.
Durant la dernière décennie, le nombre de pannes de courant est par exemple passé de 36 314 en 2012, à 42 035 en 2021, en hausse de 16 %. Au même moment, la durée moyenne de ces pannes est passée de 100 à 163 minutes par client, une hausse de 63 %.
Quant aux tarifs de l’électricité, ils sont également en hausse. Au printemps dernier, les commerces, les PME et les grandes entreprises ont dû encaisser une augmentation record du coût de l’électricité — la plus forte depuis au moins 15 ans. En effet, depuis le 1er avril 2023, les commerces et les petites entreprises ont vu leur facture d’électricité augmenter de 6,4 %, alors que le tarif préférentiel qui s’applique aux grandes entreprises (tarif L) a grimpé de 4,2 %.
« Les entreprises doivent comprendre qu’elles vont y gagner si elles gèrent mieux leur consommation, dit Pierre-Olivier Pineau. Les prix des hydrocarbures, du gaz naturel et de l’électricité vont augmenter, alors c’est le temps de se poser ces questions-là. »
Elles ont également des gains importants à réaliser en matière de résilience : elles seront mieux protégées contre les perturbations en approvisionnement. L’autoproduction au moyen d’éoliennes ou de panneaux solaires, par exemple, ou encore la mise en place de systèmes de réutilisation de chaleur sont des avenues qui peuvent être envisageables et avantageuses.
Diverses motivations
Un certain nombre d’entreprises du Québec ont fait des efforts notables pour améliorer leur efficacité.
C’est le cas par exemple de Cascades qui, en 20 ans d’efforts pour améliorer sa performance énergétique, a réussi à réduire de 50 % sa facture d’énergie. Bridgestone, les Papiers White Birch, Tafisa Canada et Harbec sont d’autres histoires intéressantes auxquelles la Chaire de gestion du secteur de l’énergie a consacré des études de cas dans son livre blanc « Amorcer la décarbonisation en stimulant l’économie ».
D’une entreprise à l’autre, les motivations à mieux gérer la consommation énergétique sont souvent différentes, note Philippe Hudon, président et fondateur d’Akonovia, une firme d’accompagnement en transition énergétique basée à Montréal.
« Aujourd’hui, ce qui change la donne, c’est la pression politique, en particulier pour les acteurs industriels, sur le plan [des critères] ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance)], dit Philippe Hudon. Par conséquent, plusieurs grandes firmes se dotent de plans de décarbonation à court, moyen et long terme, ce qui mène par la bande à plus d’efficacité. »
Si les petites entreprises sont moins exposées à ces pressions, de façon directe, elles n’en demeurent pas moins affectées indirectement, car les grands joueurs veulent décarboner leurs fournisseurs. « L’efficacité et la décarbonation deviennent des enjeux stratégiques qui peuvent affecter la pérennité des entreprises, dit le président. Celles qui n’attaqueront pas ce dossier-là pourraient voir leur modèle d’affaires expirer. »
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