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Prêter main-forte à la main-d’œuvre

Simon Lord|Publié le 18 octobre 2023

Prêter main-forte à la main-d’œuvre

«Ce dont le marché a besoin, ce sont d’électromécaniciens, non pas de mécaniciens traditionnels», selon Charles Gagnon, directeur général du CPCPA. (Photo: 123RF)

EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE: LES ENTREPRISES EN ACTION. L’accélération de l’électrification précipite les besoins en travailleurs qualifiés, mais le marché du travail, déjà en pénurie depuis des années, ne suit pas la cadence. De nouveaux programmes de formation commencent à apparaître, mais selon les experts, il ne s’agit que d’une partie de la solution.

Selon une étude publiée par EnviroCompétences au début de l’année, le Plan pour une économie verte (PEV) du Québec, qui mise sur l’électrification, entraînera la création de 8600 emplois supplémentaires d’ici 2030 dans le secteur des transports seulement.

« Un tel besoin de main-d’œuvre dans un marché qui est déjà sous pression, en pénurie, c’est énorme, presque catastrophique. Ça fait six ou sept ans que je dis que l’on va frapper un mur », dit Dominique Dodier, directrice générale d’EnviroCompétences.

À son avis, le défi n’est pas insurmontable, mais il faut trouver des solutions faute de quoi la province sera incapable d’atteindre les objectifs qu’elle s’est donnés dans son PEV.

Selon l’étude, l’électrification entraînera des besoins croissants pour des métiers comme des électriciens, des électromécaniciens, des opérateurs d’équipement, ainsi que l’ensemble des professionnels des sciences physiques, des sciences de la vie, de l’informatique et du génie civil, mécanique, électrique et chimique. « Déjà, en ce moment, les ingénieurs électriques et mécaniques sont en déséquilibre, dit Dominique Dodier. Il manque de main-d’œuvre pour remplir les postes. »

 

Qualifier et requalifier

Plusieurs solutions permettraient d’attaquer le problème. À plus long terme, Dominique Dodier estime qu’il faut effectuer un travail d’information et de sensibilisation auprès des jeunes afin de les attirer vers les métiers en demande — en particulier chez les femmes, typiquement moins attirées par ces emplois. 

La formation elle-même doit par ailleurs être bonifiée. L’École de technologie supérieure (ÉTS), par exemple, est en train de développer un programme de génie de l’environnement, incluant une grande section sur l’électrification des transports. 

« Mais un programme universitaire en génie, ça prend cinq ans à être conçu. Si l’on ajoute le temps qu’il faut aux étudiants pour graduer, les premiers diplômés devraient arriver sur le marché du travail en 2029 », dit Dominique Dodier. D’ici là, l’immigration est une autre piste qui permet de pallier le problème à plus court terme. « C’est une solution lourde à gérer pour les entreprises, dit-elle. Mais c’est aussi l’une des seules actuellement. »

 

Entretenir la main-d’œuvre

Parmi les métiers où les besoins sont plus criants, on compte notamment ceux liés à la mécanique automobile. « Le défi est énorme. La main-d’œuvre n’est pas prête à faire l’entretien : environ 78 % des mécaniciens n’ont pas de DEP en mécanique, et il y a peu de formation sur les voitures électriques », observe Charles Gagnon, directeur général du Conseil provincial des comités paritaires de l’industrie des services automobiles (CPCPA).

En réponse à ce défi, son organisation a lancé un programme de formation de 168 heures, en 2020, pour aider les travailleurs à mettre à jour leurs compétences. Nommé Compétences VÉ, celui-ci touche aux aspects spécifiques de la mécanique et de la carrosserie pour les véhicules électriques. Un autre volet portant sur les véhicules lourds devrait être lancé en fin d’année. 

« On a formé 241 mécaniciens jusqu’ici, rapporte Charles Gagnon. Mais il y a 30 000 personnes en emploi dans ce domaine-là, au Québec, et le gouvernement veut que l’on ait deux millions de véhicules électriques sur nos routes d’ici dix ans. Il reste beaucoup de chemin à faire. »

 

En avance malgré tout

Quand on se compare, on se console, soupèse Charles Gagnon. Car le Québec reste néanmoins en bonne position : il n’y a ni au Canada, ni aux États-Unis, de programme du genre, affirme le directeur général.

En conséquence, certaines entreprises ont commencé à se tourner vers le CPCPA pour mettre à niveau les compétences de leurs employés. Napa, par exemple, un distributeur de pièces d’auto et une bannière de garages automobiles, a obtenu une licence du centre afin de pouvoir offrir lui-même cette formation à ses membres au Canada comme aux États-Unis. 

Pour Charles Gagnon, toutefois, si le Québec veut s’assurer d’avoir une main-d’œuvre qualifiée en mécanique de véhicules électriques, il devra aussi éventuellement se pencher sur la question des cartes de compétence. « La province demande à des électriciens d’avoir des cartes pour travailler sur des panneaux de 220 volts, mais certaines voitures ont des batteries de 500 volts, et aucune carte ou formation ne sont requises », dit-il. 

« Ce dont le marché a besoin, ce sont d’électromécaniciens, non pas de mécaniciens traditionnels. Et ça, ce n’est pas un métier que l’on peut apprendre de façon un peu exploratoire, comme avec la mécanique traditionnelle. Il va falloir maintenir les efforts en termes de formation. »