Le fabricant de chocolat Nutriart a beau être situé au centre-ville de Québec, il s’est récemment fait rappeler que l’énergie était une denrée rare. (Photo: 123RF)
EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE. Le consensus est unanime sur la question — que ce soit par la hausse des tarifs d’Hydro-Québec, le prix du gaz naturel ou l’effet de la taxe carbone, les entreprises vont faire face à une augmentation des coûts d’énergie dans les années à venir. La question mérite qu’on s’y attarde, puisque, selon le Baromètre de la transition 2023, une entreprise sur trois (34 %) évoque « le manque de moyens financiers » pour expliquer son inaction climatique.
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Cet obstacle financier est vite démonté par François Dussault, président du Conseil québécois des entreprises en efficacité énergétique (CQ3E). « Il existe des programmes d’aide financière pour pratiquement toutes les étapes d’un projet d’efficacité énergétique », annonce-t-il. La première étape d’un tel projet est de faire un « audit énergétique », et l’exercice est subventionné à 75 % par Hydro-Québec, illustre-t-il. « Les entreprises peuvent franchir cette phase sans se mettre à risque. »
Après un premier tour d’horizon de sa consommation énergétique vient l’élaboration d’un « plan directeur », visant à prioriser les actions à mettre en place. Ce document inclut un échéancier, un budget de capitalisation et une évaluation des subventions disponibles. Ce dernier point est important : « Les subventions sont souvent accordées en fonction de l’atteinte d’un seuil de réduction des émissions, explique le président du CQ3E. Donc, si une entreprise implémente plusieurs petites mesures à court terme, il se peut qu’elle ne puisse pas se qualifier à un programme d’aide par la suite. Il y a un effet amplificateur des mesures. »
Plus largement, François Dussault croit qu’il faut amener les dirigeants à voir « le coût de la passivité ». Les décisions se rapportant à la consommation d’énergie ne doivent pas se prendre en fonction des coûts actuels, mais bien futurs, dans la perspective d’un marché haussier. « Quand on peut amener un gestionnaire d’énergie à adopter une vision à long terme, quitte à franchir des étapes une à une, c’est déjà une grande réussite », conclut-il.
La proactivité récompensée chez Nutriart
Le fabricant de chocolat Nutriart a beau être situé au centre-ville de Québec, il s’est récemment fait rappeler que l’énergie était une denrée rare. « Nous avons des plans d’agrandissement de notre usine [de la rue Godin] et Hydro-Québec nous répond qu’elle a de la difficulté à nous amener plus de puissance », dit Jean-Philippe Leclerc, PDG de l’entreprise propriétaire de la marque Laura Secord. La société d’État nous a dit combien de kilowatts additionnels elle pourrait nous fournir, réalistement. De notre côté, nous devons nous assurer de faire le meilleur usage de l’énergie disponible. » L’usine produit actuellement 150 tonnes de chocolat par jour.
Il faut dire que l’entreprise a déjà fait son bout de chemin. Il y a cinq ans, elle s’est tournée vers les programmes d’efficacité énergétique d’Hydro-Québec, pour faire un audit, un plan directeur et mener une série de petits projets se chiffrant de 100 000 à 150 000 dollars, concernant le remplacement d’équipements désuets. Au début de la pandémie, le chocolatier s’est également lancé dans un projet de décarbonation plus ambitieux, de sept millions de dollars, visant à « sortir les énergies fossiles » (le gaz naturel) de son usine. « Pour lui donner sa forme, on doit chauffer le chocolat à 90 degrés Celsius pour ensuite le refroidir à 8 degrés, deux heures plus tard », explique l’entrepreneur.
Accompagnée par Hydro-Québec, Nutriart a développé un système de conduits de récupération de la chaleur raccordés à une thermopompe centrale. Avec ce système — qui sera activé ce mois-ci, en septembre — la chaleur produite lors du refroidissement du chocolat sera utilisée pour chauffer l’échantillon suivant. « De cette façon, nous estimons être en mesure de baisser notre facture globale d’énergie de 30 à 40 % », annonce Jean-Philippe Leclerc, précisant que la facture d’Hydro-Québec représente à elle seule « des centaines de milliers de dollars par année ».
De ce fait, l’entreprise franchit un pas important dans la réduction de son empreinte carbone. « Comme industrie, nous ne pourrons jamais nous décarboner complètement, car les fèves de cacao viennent d’Afrique, par bateau, précise le PDG. Toutefois, si on considère l’empreinte de nos installations au Québec, notre objectif est d’être carboneutres d’ici 2026. »
Si Jean-Philippe Leclerc n’avait qu’un conseil à donner, c’est de ne pas avoir peur de « voir grand ». « Nous avons acheté un système ayant une capacité de 30 à 35 % plus élevée que nos besoins [estimés] à l’époque. En cours de route, nous nous sommes rendu compte que nous consommions plus que nous pensions. Ensuite, ça nous laisse une marge de manœuvre pour poursuivre notre croissance. »