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Gérer son approvisionnement, le nerf de la guerre

Maxime Bilodeau|Édition de la mi‑mai 2021

Gérer son approvisionnement, le nerf de la guerre

L'entreprise québécoise OLA Bamboo a rapatrié sa production de la Chine vers Drummondville. (Photo: 123RF)

EFFICIENCE MANUFACTURIÈRE. La pandémie a forcé bien des entreprises manufacturières à repenser de fond en comble leur chaîne d’approvisionnement, voire à en imaginer une nouvelle.

Que l’entreprise québécoise OLA Bamboo ait rapatrié sa production de la Chine vers Drummondville n’est pas fortuit. Dès les premiers mois de 2020, la PME de cinq employés voit son approvisionnement de produits écologiques en bambou se compliquer. La crise est telle qu’elle ne peut respecter certains de ses engagements, faute de brosses à dents, mais aussi de planches à découper, d’ustensiles réutilisables et d’autres outils de jardinage à mettre sur les tablettes des marchands.

«La vaste majorité de notre marchandise provenait alors d’Asie, avant de transiter par Vancouver pour nous être acheminées par train. Le blocus ferroviaire de la Première Nation Wet’suwet’en, qui a paralysé le pays au début de l’année dernière, nous a amenés à nous interroger sur la viabilité de ce modèle», raconte Jean-Philippe Bergeron, président d’OLA Bamboo. Comme un malheur ne vient jamais seul, la COVID-19 déferle en même temps sur la planète, forçant la fermeture des manufactures chinoises.

 

Du bambou à profusion

Ces turbulences achèvent de convaincre les trois fondateurs de l’entreprise du bien-fondé de leur réflexion. Il leur faut sans plus tarder reprendre le contrôle de leur chaîne d’approvisionnement. «Nous avons fait nos calculs pour finalement constater que produire localement est un scénario plus que plausible, explique Jean-Philippe Bergeron. En fait, il nous en coûte à peine plus cher pour fabriquer nos produits au Québec plutôt qu’en Asie.» Seul problème, et de taille: le bambou, ça ne pousse pas vraiment sous nos latitudes nordiques…

À défaut d’autres options, OLA Bamboo décide d’importer sa précieuse matière première. Toutefois, pas question de miser sur le juste-à-temps; ce serait encore une fois s’exposer exagérément aux périls de la mondialisation. «L’objectif était de gagner en agilité, pour répondre vite à une commande imprévue par exemple, souligne le président. Nous avons donc commandé 500 000 tiges de bambou, chose que nous referons d’ici quelques mois, de manière à nous assurer une marge de manœuvre.» Les autres matériaux, comme la soie en nylon des brosses à dents, proviennent quant à elles du Québec ou d’ailleurs au Canada.

La solution a beau être, de l’avis même de l’entrepreneur, «champ gauche», elle fonctionne. Depuis environ deux mois, OLA Bamboo fabrique ses produits dans l’incubateur industriel de la Société de développement économique de Drummondville. Ce faisant, elle se démarque de sa concurrence et pave la voie à un bel avenir. «Nos brosses à dents sont les seules à être fabriquées au Canada. À l’argument environnemental, qui était déjà fort, vient maintenant s’ajouter celui de l’achat local», indique celui qui verrait bien la marque OLA Bamboo percer le marché américain dans les prochaines années.

 

Tirer profit de ses forces

CAE a beau être un poids lourd du secteur de l’aéronautique, elle n’a pas été moins épargnée par des soucis similaires. Dès le début de la pandémie, la multinationale au siège social montréalais signe un contrat avec le gouvernement du Canada pour fabriquer en urgence 10 000 respirateurs artificiels — 8 200 ont finalement été livrés. Pour ce faire, elle doit pratiquement écrire un chapitre du métaphorique, mais non moins fameux livre Approvisionnement en temps de crise, tant la pénurie de pièces pour produire le précieux équipement médical est prononcée.

«Les fournisseurs étaient incapables de suffire à la forte demande mondiale, se souvient Pascal Grenier, le vice-président exploitation, technologies et innovation mondiales. Comme CAE dispose de capacités d’ingénierie et manufacturières de pointe, nous avons été en mesure d’innover et de nous tourner vers des sources alternatives.» Concrètement, l’entreprise a d’abord validé à l’interne le design des pièces du futur CAE Air1, comme les circuits imprimés, les boulons inoxydables et les senseurs. Puis, elle a confié leur fabrication à 130 fournisseurs canadiens.

Ce sont les connaissances de pointe issues de ses 70 ans d’expérience dans les domaines de l’aviation civile, de la défense et de la sécurité — et dorénavant des soins de santé — qui ont permis à CAE de mettre sur pied cette chaîne d’approvisionnement improvisée, mais non moins essentielle dans le contexte de la lutte à la COVID-19. «Cette aventure prouve notre capacité à fabriquer des appareils médicaux, se réjouit Pascal Grenier. On parle pourtant d’une classe de produits dont les exigences réglementaires sont parmi les plus strictes. Ce n’est pas rien!»