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Pas de garage, pas de véhicule électrique?

Philippe Jean Poirier|Publié le 26 avril 2021

Pas de garage, pas de véhicule électrique?

Environ 95 % du temps, on recharge les véhicules électriques à la maison. L’opération est plus compliquée pour les locataires et les propriétaires de condo ou d’immeubles multilogements (Photo: 123RF)

ÉLECTRIFICATION DES TRANSPORTS ET MOBILITÉ DURABLE. Pour comprendre les enjeux entourant le déploiement des bornes de recharge sur notre territoire, il faut garder à l’esprit qu’un véhicule électrique a un mode d’alimentation complètement différent de celui d’un véhicule à essence. Pour l’instant, recharger une batterie prend plus de temps que de faire le plein d’essence. Il est donc logique de vouloir recharger son véhicule entre chaque utilisation, à l’endroit même où on le stationne. 

« On est dans tout autre un paradigme, dit France Lampron, directrice de l’électrification des transports à Hydro-Québec. Avec un véhicule à essence, on fait 100 % de son ravitaillement dans une station-service, tandis qu’avec un véhicule électrique, les bornes publiques ne correspondent qu’à une petite portion de recharge ; 95 % du temps, on recharge à la maison. » 

L’opération est plus compliquée pour les locataires et les propriétaires de condo ou d’immeubles multilogements. Les « orphelins de garage », comme les appelle France Lampron, risquent de rencontrer l’un des obstacles suivants : l’absence de stationnement privé, le coût élevé de certains travaux de raccordement, le voltage limité ou encore la difficulté d’obtenir l’approbation de tous les copropriétaires pour financer les travaux d’installation d’une borne. 

Et ce, même si le gouvernement provincial rembourse 50 % de ceux-ci. « Le cas des condos est tellement problématique que nous n’osons plus répondre à ces demandes de soumissions », avoue Sylvio Proteau, président fondateur de Bornes électriques Québec, un distributeur et installateur de bornes résidentielles et commerciales.

Aucune obligation ne figure au Code de la construction provincial concernant les bornes dans le cas d’immeubles multilogements neufs. David Corbeil, responsable des infrastructures de recharge de l’AVEQ, y voit une aberration. « Ça n’a aucun sens que le gouvernement nous dise d’un côté qu’en 2035, il ne permettra plus la vente de véhicules à essence, alors que de l’autre, on continue à construire des immeubles qui ne sont pas prêts à recevoir des bornes de recharge. » 

France Lampron croit que le réseau public d’Hydro-Québec – qui compte déjà plus de 3 000 bornes de recharge – peut jouer un rôle clé dans ce dossier, en augmentant le nombre de ses bornes de recharge « sur rue » et en créant des « hubs de recharge » dans des stationnements urbains. Le Plan pour une économie verte prévoit d’ailleurs que la société d’État ajoutera 4 500 nouvelles bornes standards d’ici 2028. 

Selon les spécialistes du domaine, cette contribution ne saurait suffire. L’AVEQ, l’Association de la construction du Québec (ACQ) et Hydro-Québec ont toutes plaidé pour une modification du Code national du bâtiment allant en ce sens. Toutefois, ce document fédéral est révisé tous les cinq ans, pour ensuite être intégré aux codes provinciaux. « Tout indique que nous devrons attendre à la prochaine révision, qui aura lieu dans quelques mois, affirme Guillaume Houle, responsable des affaires publiques de l’ACQ. En attendant, nous concentrons nos efforts sur les villes, afin de les convaincre de modifier leurs règlements municipaux. » 

Au moment d’écrire ces lignes, seules Laval et Val-D’Or exigent des seuils minimums d’espaces de stationnement « branchables » dans les nouveaux immeubles multilogements. 

Mentionnons que certains promoteurs immobiliers ont déjà modifié leurs méthodes de conception en ce sens. « Dans tous nos nouveaux projets, 100 % des stationnements sont EV ready”, assure David Deschênes, directeur de la conception et de l’innovation de Prével. C’est-à-dire qu’ils peuvent être électrifiés au moment de l’achat à la demande du client – moyennant un extra — ou après la prise de possession de l’unité, quelques années plus tard, lorsque le client achètera un véhicule électrique. » 

 

Borne plus performante 

En 2019, 84 % des « électromobilistes » sondés par l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ) affirmaient posséder une borne de recharge à la maison. Les tarifs sont plus avantageux que ceux du réseau de recharge public et c’est aussi beaucoup plus commode au quotidien. « Lorsqu’on utilise une borne sur rue, il faut penser que l’on doit déplacer sa voiture dès que la recharge est terminée », fait remarquer Yannick Lemelin, responsable du développement des affaires de Bornes électriques Québec. 

Les véhicules électriques sont vendus avec une borne de recharge de niveau 1 se branchant sur une prise standard de 120 volts, qui nécessite selon Hydro-Québec plus de huit heures de recharge pour obtenir 50 km d’autonomie. Quand un propriétaire décide d’installer une borne de recharge à la maison, c’est qu’il désire une borne plus performante, dite de niveau 2, qui est reliée au circuit de 240 volts, soit l’équivalent d’une prise de sécheuse. La recharge de 50 km prend alors d’une à trois heures. 

« Le propriétaire du véhicule doit d’abord s’assurer que son panneau électrique peut recevoir la demande additionnelle, explique Yannick Lemelin. Lorsqu’il habite une maison unifamiliale, l’installation peut impliquer certains travaux, mais ça demeure habituellement assez simple. » Sans compter que, depuis 2019, le Code de construction de la Régie du bâtiment du Québec oblige les développeurs immobiliers à construire des maisons unifamiliales qui peuvent recevoir des bornes de recharge.

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Des dizaines de milliers de bornes

Dans le cadre du programme Roulez vert, le gouvernement québécois a accordé, en date du 31 mars, des rabais pour l’achat de :

 

 

  • 45 368 bornes de recharge à domicile
  • 4 921 bornes de recharge en milieu de travail
  • 1 341 bornes de recharge pour des immeubles multilogements

 

 

Source : Transition énergétique Québec