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Transport lourd: toutes réductions d’émissions de GES comptent

Philippe Jean Poirier|Publié le 10 mai 2021

Transport lourd: toutes réductions d’émissions de GES comptent

«Il n’y aura pas une solution unique», croit David Arsenault, président d’Effenco. (Photo: courtoisie)

ÉLECTRIFICATION DES TRANSPORTS ET MOBILITÉ DURABLE. De 2000 à 2019, le nombre de camions et de tracteurs routiers en circulation sur les routes du Québec est passé de 108 000 à 158 000, ce qui a contribué à une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) des véhicules lourds de 190 % entre 1990 et 2018. Il est donc urgent de verdir ce type de transport, si le Québec veut réduire son empreinte carbone à brève échéance. 

Toutefois, chaque technologie qui aurait le potentiel de réduire ces émissions de manière substantielle vient avec son lot de problèmes à résoudre. Si le camion électrique est séduisant, il possède un long temps de charge et une autonomie limitée, en raison de la lourdeur des batteries. Et si le camion à l’hydrogène offre de belles promesses, son carburant est actuellement hors de prix et les stations de recharge, inexistantes. 

« Dans le transport de marchandises, on ne verra pas d’électrification à grande échelle d’ici 5 à 10 ans, croit le professeur Jacques Renaud, directeur du Centre d’innovation en logistique et chaîne d’approvisionnement durable à l’Université Laval. D’ici là, chaque joueur doit faire sa petite part, ajouter son 2 ou 3 % de gains d’efficacité là où il peut. » 

Ces gains viendront de quatre axes principaux, résume le professeur : l’amélioration des moteurs, la production de meilleurs carburants, l’adoption de meilleures stratégies de conduite et l’amélioration de la logistique du transport.

 

Un ensemble de mesures

En matière de longs trajets, il n’y a pas de solution rapide en vue. Pour espérer réduire leurs émissions de GES, les entreprises de transports de marchandises doivent donc devenir des champions des gains marginaux. 

Le Groupe Morneau, qui dessert l’Est du Canada, participe à cet effort de nombreuses manières, dont avec l’achat de jupes aérodynamiques pour ses tracteurs routiers, l’acquisition d’une flotte de chariots opérateurs électriques dans ses terminaux et la limitation de la vitesse de ses camions à 95 km/h. Le récent déploiement du coach de conduite ISAAC — une application mobile permettant aux camionneurs de visualiser un « score d’écoconduite » en temps réel afin d’améliorer leurs pratiques au volant — fait aussi partie des mesures prises. 

« Ces dernières années, notre consommation d’essence annuelle a diminué, alors que notre kilométrage a augmenté », fait valoir Denis Marcotte, directeur des services techniques de Groupe Morneau. Le transporteur planifie ses trajets de manière à réduire au minimum le nombre de voyages « vides », ajoute Catherine Morneau, sa vice-présidente aux opérations. « Lorsqu’on effectue une livraison en région éloignée, il peut nous arriver de négocier un délai supplémentaire pour nous permettre de trouver un client pour le retour », illustre-t-elle.

 

Les initiatives du «dernier kilomètre»

Pour le moment, les courtes distances offrent un plus grand potentiel d’électrification en matière de transport de marchandises. Surtout à l’étape de ce qu’on appelle le « dernier kilomètre », soit le trajet entre l’entrepôt et le client. 

« Pour la livraison urbaine, je pense qu’on y est, constate Jacques Renaud. Plusieurs projets existent pour amener les marchandises près des zones densément peuplées et ensuite les livrer avec un moyen de transport sans émission. » 

À Montréal, l’entreprise Courant Plus effectue déjà des livraisons dites vertes grâce à une flotte de camions cubes électriques et de vélos cargos. Le Groupe Morneau vient pour sa part d’annoncer l’achat « du tout premier tracteur électrique 10 roues de Volvo vendu au Canada ». Ce camion d’une autonomie de 250 kilomètres devrait assurer la livraison locale dans la région de Québec dès septembre.

Le Groupe Morneau vient pour sa part d’annoncer l’achat «du tout premier tracteur électrique 10 roues de Volvo vendu au Canada». (Photo: courtoisie)

 

Un savoir qui «se bâtit»

Ultimement, la réduction des émissions polluantes dans le transport lourd passera par une série d’électrifications partielles qui, mises en ensemble, permettront d’instaurer une mobilité durable dans ce secteur. 

« Il n’y aura pas une solution unique », croit David Arsenault, président d’Effenco, une entreprise spécialisée dans l’électrification d’un segment bien précis de transporteurs, les véhicules « vocationnels » de classe 8 comme les camions de ramassage des ordures et les camions-nacelles. 

Fondée en 2006 à Montréal, la PME a d’abord conçu un système de propulsion « hybride électrique » aujourd’hui présent dans plus de 400 véhicules lourds, dont la flotte de tracteurs de terminaux de l’entreprise Termont dans le port de Montréal. « Les véhicules vocationnels ont la particularité d’être souvent arrêtés, explique David Arsenault. Notre système de propulsion hybride électrique leur permet de réduire leur consommation d’essence de 30 %. » 

En février, Effenco a annoncé le lancement d’un système de propulsion 100 % électrique, « offert pratiquement au même coût que le diesel ». Son équipe a conçu un procédé de « recharge par induction sans fil » aujourd’hui breveté. « C’est le même principe qu’un cellulaire qui est chargé sur une plaque par induction, illustre le président. Des plaques sont enfouies à des points stratégiques du trajet et le véhicule se recharge lorsqu’il est immobile. » 

L’entreprise offre sa solution 100 % électrique en précommande à ses clients actuels et compte la déployer en 2022.