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Les déchets des uns font le bonheur des autres

Julien Lamoureux|Mis à jour à 10h02

Les déchets des uns font le bonheur des autres

Grâce aux rencontres faites dans le cadre du projet du CIBIM, Catherine Goulet a trouvé un usage pour son chocolat «un peu mal broyé» et plus difficile à vendre. (Photo: 123RF)

Un projet chapeauté par le Carrefour de l’industrie bioalimentaire de l’Île de Montréal (CIBIM), qui s’est conclu en 2023, a permis de réaliser 12 partenariats entre des entreprises qui avaient l’objectif de réduire leurs déchets et leurs pertes. Quand elle a entendu parler des balbutiements de cette initiative d’économie circulaire, Catherine Goulet, fondatrice d’Avanaa Chocolat, a tout de suite répondu présente.

«On faisait déjà beaucoup d’efforts à l’interne, raconte-t-elle, mais on avait des limitations.» Avanaa avait fait le choix de réduire son empreinte environnementale en important directement ses fèves d’Amérique centrale plutôt que de se procurer un produit transformé qui transitait par l’Europe et qui faisait ainsi plus de distance. L’entreprise a aussi créé des produits originaux avec ses restes, comme une tisane cacao et noix de coco. Catherine Goulet voulait tout de même en faire plus.

Grâce aux rencontres faites dans le cadre du projet du CIBIM, Catherine Goulet a trouvé un usage pour son chocolat «un peu mal broyé» et plus difficile à vendre: le mettre dans des chocolatines, un partenariat avec Globe Protéine. Elle a aussi commencé à récupérer les écorces d’agrumes des Charlatans, qui fabriquent des sirops, et les a enrobées de chocolat pour les vendre dans sa boutique du quartier Villeray, à Montréal.

La «cohorte en économie circulaire», comme l’appelle le CIBIM, s’est réunie quelques fois en 2022. Rapidement, une cinquantaine de maillages possibles ont été relevés, ce qui faisait foi du grand potentiel du projet, estime Ulrich Habay, directeur du développement et de l’économie durable du Carrefour.

Il voulait accompagner des entreprises «pour voir comment elles pouvaient travailler avec leurs extrants». Les soubresauts de la pandémie ont fait en sorte que le financement — dont une majorité provenait du fonds Écoleader — s’est asséché plus rapidement qu’espéré. «On a manqué un peu de temps», admet Ulrich Habay.

Il a tout de même calculé qu’en seulement un mois, au début de 2023, les 12 partenariats créés ont permis de détourner 183,5 kg de matières du dépotoir et de permettre une réduction de 244 kg de CO2 équivalent. «Les résultats sont très encourageants et ç’a permis à des entreprises comme Avanaa de faire la lumière sur leurs pertes», analyse-t-il.

L’essentielle réduction des déchets

Selon une étude réalisée par Deuxième récolte et Value Chain Management International, deux organismes qui œuvrent dans le domaine de la récupération alimentaire, 58 % des aliments produits au Canada sont perdus ou gaspillés. Dans ce chiffre, Jonathan Rodrigue, cofondateur et PDG de Still Good, voit une occasion, à la fois environnementale et économique.

«Les entreprises génèrent toutes des sous-produits. Nous, on les aide dans la valorisation de ceux-ci, résume l’entrepreneur. On est en forte expansion. On est en train de finaliser notre usine pour quintupler notre capacité.» En anglais, on dit que les déchets d’une personne sont le trésor de quelqu’un d’autre. Pour réduire son empreinte environnementale, l’industrie agroalimentaire devra appliquer ce dicton.

Still Good était des neuf entreprises qui ont fait partie de la cohorte du projet du CIBIM. Même si ses équipes n’ont pas conclu de partenariat, parce qu’«on est rendu à une étape où on traite des volumes plus importants», admet Jonathan Rodrigue, il a été intéressant de voir le processus en marche, ajoute-t-il. «De par la diversité des produits [qu’offrent les entreprises], on ne s’assoit pas souvent autour d’une table.»

«L’objectif, c’était de sensibiliser des entreprises au fait qu’il y a de la valorisation [de leurs sous-produits] à faire. […] Ça ne s’était jamais vu en économie circulaire à Montréal, un partenariat comme ça», s’enthousiasme celui qui s’intéresse à ces défis depuis une vingtaine d’années déjà.

En plus des marques déjà mentionnées, la cohorte était composée d’Aliments Alimexi, d’Aliments Merjex, de Club Kombucha, de La Mexicoise et de Carrément tarte.

Créer de bonnes habitudes

Même si le projet a pris fin un peu trop abruptement au goût d’Ulrich Habay, et que les solutions mises en place n’ont pas permis de sauver tous les sous-produits, les parties prenantes en brossent un bilan positif.

«On a vu nos limitations», déclare Catherine Goulet. Elle se rappelle que, la première fois que les Charlatans sont arrivés avec leurs écorces d’agrumes, il y en avait beaucoup trop. C’est le genre d’apprentissage qui montre «les dynamiques à peaufiner». Au-delà des aspects très pratiques, la fondatrice de la chocolaterie se réjouit d’avoir ouvert ses horizons aux possibilités offertes par le partenariat entre entreprises pour le développement durable.

«Tout le monde a un peu cette même énergie. Tout le monde ensemble, on fait notre petit bout de chemin [pour la réduction des déchets]», conclut-elle.

Le CIBIM, de son côté, continue de mettre de l’avant les initiatives du genre. L’organisme a récemment acquis la plateforme MutuAli, qui vise le partage d’équipements alimentaires. «Ce qu’on veut, c’est que tout ce qui est partage de main-d’œuvre et de cuisine soit mis sur la plateforme, et que toute compagnie qui veut démarrer ait accès à ces ressources», indique son directeur du développement et de l’économie durable, Ulrich Habay.