Altitude Sports: tordre le cou à une statistique peu reluisante
Frédérique Sauvée|Édition de la mi‑juin 2023Altitude Sports s’est aussi doté d’une machine à déchiqueter le carton provenant des emballages usagés. Cette matière, transformée en alvéoles cartonnées, est alors utilisée pour rembourrer les boîtes et protéger les produits lors de la livraison. (Photo: courtoisie)
INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. Avant la pandémie, 92 millions de tonnes de colis circulaient déjà à Montréal, selon la Coop Carbone. Au total, 75 % des Québécois achètent en ligne, indique une enquête NETendances publiée en 2021. Boîtes, sachets, papier bulle, plastique : ces colis génèrent une quantité non négligeable de déchets. Certaines entreprises commencent à repenser la conception des emballages de leur colis. C’est le cas d’Altitude Sports.
À lui seul, le ruban adhésif de plastique nécessaire pour sceller les 1,2 million de commandes livrées par an par Altitude Sports au Canada représente 5000 rouleaux. La toute première mesure de l’entreprise, spécialisée dans la vente en ligne de vêtements et d’équipement de plein air, a donc été d’utiliser un ruban adhésif en papier cartonné.
« On a également installé une machine qui vient couper le ruban à la bonne longueur pour chaque boîte, » explique Alexandre Guimond, coPDG d’Altitude Sports. « Ça permet d’avoir moins de perte lors de la manipulation et donc de faire des économies de matière. »
L’emballage est un secteur où l’entreprise montréalaise a voulu concentrer ses efforts en matière de responsabilité. À partir de mai 2023, toutes les enveloppes d’expédition utilisées pour les vêtements ou les produits relativement plats et souples, qui représentent 800 000 colis annuellement, seront faites d’un plastique 100 % recyclé et 100 % recyclable (contrairement à 25 % de recyclabilité auparavant).
« On voit que la qualité du plastique est un peu moins belle qu’avant, que la fibre est plus irrégulière », note Alexandre Guimond. « L’œil du client, habitué à un emballage parfait, peut être perturbé à première vue. Mais il faut accepter le fait qu’on a choisi un emballage qu’on juge plus en adéquation avec nos valeurs. Il y a de l’éducation à faire auprès de la clientèle. »
Le coPDG de l’entreprise se considère comme un « défricheur » qui a toujours voulu tenter des initiatives pour diminuer l’effet des déchets liés à son industrie. « Il y a six ou sept ans, on réutilisait déjà les boîtes de nos fournisseurs, qu’on découpait et rapetissait, en y apposant un autocollant pour dire qu’on donnait une deuxième vie à cet emballage. On a évidemment reçu des commentaires négatifs de la part de plusieurs clients. »
Revaloriser ses propres déchets
Il y a un an, Altitude Sports s’est aussi doté d’une machine à déchiqueter le carton provenant des emballages usagés. Cette matière, transformée en alvéoles cartonnées, est alors utilisée pour rembourrer les boîtes et protéger les produits lors de la livraison. Au total, 2500 rouleaux de papier Kraft ont ainsi été déjà épargnés.
Cette mesure de revalorisation des déchets est l’un des principes fondateurs de l’économie circulaire. « La consommation actuelle, en vigueur depuis 150 ans, est axée sur le gaspillage », affirme Etienne Angers, chef d’équipe — économie circulaire et réduction à la source — à Recyc-Québec. « On agit encore comme si les ressources étaient infinies. Il y a des employés et des chefs d’entreprise, comme cela semble le cas à Altitude Sports, qui ont à cœur la transition et qui vont se poser les bonnes questions. Par exemple, à quelle étape de ma production puis-je faire des changements pour réduire mon impact sur l’environnement ? Est-ce qu’il y a moyen de faire autrement dans ma conception de produit ? »
Par ailleurs, Altitude Sports a souhaité tordre le cou à une statistique peu reluisante de l’industrie de la livraison de colis : de 25 % à 43 % du volume intérieur d’une boîte ne serait pas utilisé, selon la Coop Carbone. Pour y remédier autant que possible, l’entreprise est passée de trois formats de boîte traditionnelle (petite, moyenne et grande) utilisés dans le passé à une dizaine, dont une, tout en longueur, est adaptée aux skis et aux planches à neige. Cette pratique leur permet aussi de réduire les coûts et d’optimiser le remplissage des camions.
Enfin, le détaillant de plein air en ligne a lancé au début de l’année un service de livraison électrique visant à transporter — sans énergie fossile — plus de 110 000 colis par année, ce qui évitera ainsi l’émission d’environ 45 tonnes de GES en 2023. Un service offert gratuitement sur l’île de Montréal pour le moment, au moyen de camionnettes électriques ou de vélos électriques.
Toutes les mesures d’Altitude Sports s’inscrivent dans le processus d’obtention de la certification B Corp, octroyée aux entreprises commerciales qui répondent à des exigences sociétales et environnementales ainsi que de transparence envers le public. L’entreprise pourrait alors devenir le premier détaillant multimarque à être certifié au Canada.