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Quelles sont les solutions au suremballage?

Simon Lord|Édition de la mi‑juin 2023

Quelles sont les solutions au suremballage?

Dans le cas du commerce électronique, le produit sera souvent emballé deux fois, et même lorsqu’il se trouve dans les rayons, celui-ci demeure parfois suremballé pour des raisons de marketing. (Photo: 123RF)

INDUSTRIE DE L’EMBALLAGE. L’écoresponsabilité est une tendance qui apparaît inéluctable et l’emballage n’y échappe pas. Poussées par la réglementation et les désirs des consommateurs, nombre d’entreprises veulent maintenant poser les bons gestes sur ce plan. Les Affaires a fait le point avec des experts. Survol des défis, mais aussi des solutions. 

Qu’il s’agisse de vente en ligne ou de vente en magasin, l’emballage vient avec certaines préoccupations environnementales. Dans le cas du commerce électronique, le produit sera souvent emballé deux fois, et même lorsqu’il se trouve dans les rayons, celui-ci demeure parfois suremballé pour des raisons de marketing. L’emballage sert après tout à protéger le produit, mais aussi à le vendre. 

Les consommateurs sont toutefois inquiets, et les gouvernements aussi : depuis 2022, les fabricants québécois de certains produits ont une responsabilité élargie, du fait de la loi, à l’égard de la gestion de leurs produits en fin de vie, incluant leur collecte et leur recyclage. 

Pour Geneviève Dionne, directrice de l’écoconception et de l’économie circulaire à Éco Entreprises Québec, une solution pour agir consiste à disposer tout simplement de l’emballage plastique. En France, par exemple, Carrefour a remplacé depuis 2020 les emballages plastiques à usage unique de ses propres produits de papeterie, comme les crayons, les gommes à effacer ou les ciseaux, par du carton 100 % recyclable. 

Dans un contexte plus large, les emballages réutilisables ont aussi un avenir prometteur. On parle par exemple de bouteilles de lait en verre ou en plastique, ou encore de barquettes en acier inoxydable pour certains produits, comme des salades. Cela demandera toutefois des réflexions approfondies à des échelles parfois sectorielles, en raison d’une possible standardisation des contenants et d’une mutualisation des ressources pour leur collecte, leur nettoyage et leur distribution.

Geneviève Dionne, directrice de l’écoconception et de l’économie circulaire à Éco Entreprises Québec (Photo: courtoisie)

Substitutions matérielles 

Remplacer les matériaux d’emballage est une autre avenue en vogue, au Québec comme ailleurs dans le monde. 

Geneviève Dionne note que les entreprises réduisent l’utilisation du plastique quand ce choix de matériau n’est pas nécessaire, comme pour les paniers de fraises et les contenants de petits fruits, désormais souvent fabriqués à 100 % en carton. Cascades lançait d’ailleurs en janvier dernier un nouveau panier fermé en carton ondulé recyclé et recyclable destiné au secteur maraîcher.

« En France, la réglementation interdit maintenant l’emballage plastique pour les fruits et légumes de moins de 1,5 kg, dit Geneviève Dionne. Les emballages en papier ou en carton seront alors privilégiés. » 

Pour l’instant, le Québec ne dispose pas de loi aussi stricte, quoique le Règlement interdisant les plastiques à usage unique, au fédéral, interdira la fabrication, l’importation et la vente de certains types d’articles en plastique à usage unique de manière graduelle d’ici 2025. 

Similairement, l’intégration de contenu recyclé permet de rendre un emballage plus vert. Il reste cependant du travail à faire sur le plan du recyclage lui-même, note l’experte, puisque le matériau ne doit pas être contaminé : les huiles minérales de certaines encres, par exemple, peuvent contaminer le carton, qui ne peut alors pas être réutilisé dans un contexte alimentaire.

Cela dit, la situation évolue : en février, Emballages Kruger annonçait investir 30 millions de dollars pour moderniser son usine de cartonnage de place Turcot, à Montréal. Cela lui permettra notamment de fabriquer divers produits à base de fibres 100 % recyclées, incluant notamment du carton pour boîtes pliantes répondant aux normes de l’emballage alimentaire. 

Certaines entreprises, comme la laiterie Nutrinor, explorent d’autres avenues afin de limiter l’effet de leurs emballages sur le plan des émissions de carbone. Basée à Saint-Bruno, celle-ci a lancé cette année de nouveaux emballages carboneutres pour certains formats de lait, se targuant d’être la première au Québec à faire ainsi. Pour y arriver, elle tire son carton de forêts certifiées, et les emballages contiennent moins de matières et aucun agent javellisant. L’entreprise achète également des crédits carbone pour compenser la balance des émissions.

 

Un changement de modèles d’affaires

Pour Fabrice Peltier, consultant spécialisé en écoconception d’emballages, les emballages rechargeables sont une autre solution potentielle au suremballage. Cela peut être pertinent pour des produits comme la lessive et les cosmétiques, qui pourraient être vendus une fois avec leur contenant, et ensuite remplis avec une recharge. 

« Bien des produits sont constitués à 98 % d’eau, observe le consultant. Alors, pourquoi ne pas vendre la formule en concentré et laisser le consommateur y ajouter de l’eau ensuite ? Ça permettrait de réduire de beaucoup la quantité d’emballages utilisés. »

Le retour de la vente en vrac pour des produits comme les arachides est une autre voie qui permettrait de réduire la quantité d’emballages. Dans ce cas-ci comme dans d’autres, le défi est évident : la solution implique un changement de modèles d’affaires.

« La révolution de l’emballage, c’est aussi la révolution du commerce, dit Fabrice Peltier. Le modèle que l’on a utilisé jusqu’ici n’est plus tenable. On n’a plus les moyens de rester immobiles.  

 

Comment investir dans les bons gestes ?

Comment investir dans les bons gestes ?

 

1. Faire un portrait de sa situation

La première étape d’une démarche d’amélioration de ses emballages consiste à faire un diagnostic. Geneviève Dionne explique : « Vous devez faire un survol des emballages que vous utilisez, mais aussi des besoins auxquels vous devez répondre en la matière. »

 

2. Décider d’un degré d’engagement

Une entreprise doit déterminer l’effort qu’elle veut déployer et s’engager dans cette direction. L’écoconception n’est pas un sprint ; il s’agit davantage d’une course de fond, note Geneviève Dionne. Elle suggère donc de suivre une feuille de route avec différents projets et horizons.

 

3. Progresser graduellement

Les bons leviers d’action ne sont pas nécessairement les plus ambitieux. Une démarche par petits pas peut donner d’aussi bons résultats. Avant d’essayer de remplacer nos vieux emballages par de nouveaux, il est peut-être plus approprié d’améliorer nos emballages actuels, évalue Geneviève Dionne, en réduisant leur masse et leur volume, par exemple.


4. Choisir des initiatives réalistes

Il importe de prendre des actions pertinentes dans le contexte du secteur et du modèle d’affaires. « Certaines entreprises partent avec l’idée de rendre leurs emballages compostables, réutilisables et fabriqués avec du contenu recyclé, mais ce n’est peut-être pas toujours possible », dit Geneviève Dionne.

 

5. S’entourer des bonnes personnes

Pour des actions qui fonctionnent, les bonnes personnes doivent être impliquées dans le projet. « Nous, on travaille au minimum avec l’équipe des approvisionnements, du marketing, de la recherche et développement », relate Geneviève Dionne. Il faut aussi un aval fort de la haute direction.