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Les restaurateurs réagissent à la proposition de réguler les pourboires au Québec

La Presse Canadienne|Publié à 13h05

Les restaurateurs réagissent à la proposition de réguler les pourboires au Québec

Un terminal de paiement affiche des options de pourboire dans un restaurant le jeudi 12 septembre 2024 à Montréal. Le gouvernement du Québec propose une loi pour lutter contre les pratiques abusives en matière de pourboires, notamment l'exclusion des taxes lors du calcul des pourboires suggérés. (Photo: La Presse Canadienne / Ryan Remiorz)

Les restaurants et les bars de Montréal sont divisés après que le gouvernement du Québec a déposé cette semaine un projet de loi qui réglementerait la façon dont les commerçants calculent les pourboires suggérés. 

Cela oblige les entreprises à calculer les pourboires en fonction du prix avant taxe plutôt qu’après taxe. Sur une facture de restaurant de 100$, par exemple, les pourboires suggérés seraient calculés en pourcentage de 100$, et non du total après taxes de 114,98$.

Le ministre québécois responsable de la protection du consommateur, Simon Jolin-Barrette, a déclaré jeudi qu’il y avait une «pression croissante autour des pourboires» et que les gens finissaient souvent par payer plus que prévu. Mais les travailleurs des restaurants et des bars de la province sont divisés quant à l’effet que la loi aura sur le secteur et les personnes qu’elle emploie. 

Julia Dougall-Picard, une serveuse du Frite Alors du Quartier latin du centre-ville de Montréal, juge que ce changement est le bienvenu.

«Je n’y vois pas vraiment d’inconvénient à ce changement. Honnêtement, pour moi, ce ne sont que quelques dollars ou cents et cela ne change pas grand-chose à ma vie, et en tant que cliente, je préfère payer des pourboires sur ce que j’ai commandé et non sur les taxes», a-t-elle déclaré lors d’une entrevue. 

Même si Julia Dougall-Picard tire la majeure partie de ses revenus des pourboires, elle pense que le système de calcul proposé par la province pourrait en fait inciter les clients à être plus généreux. 

«Nous comptons vraiment sur les pourboires en tant que serveurs et serveuses parce que notre salaire est inférieur au salaire minimum, donc je pense que si les gens […] n’ont pas à donner de pourboire en plus des taxes […] cela pourrait encourager les gens à donner plus de pourboires», a-t-elle déclaré. 

Mais Jaskaran Singh, gérant du restaurant Arriba Burrito situé un peu plus loin dans le quartier animé, est déçu. 

«Il n’a jamais été obligatoire de donner un pourboire à un serveur, et j’ai été serveur pendant un certain temps […] j’ai servi dans de nombreux restaurants avant celui-ci aussi, et ça a toujours été dur que notre salaire minimum soit très bas», a-t-il dit. 

Jaskaran Singh ajoute que le restaurant a régulièrement affaire à des clients, généralement des touristes, qui refusent de donner un pourboire. 

Marc-Antoine Bourdages, qui gère le resto-bar Brasseurs du Monde, dit qu’il est d’accord avec le changement. 

«Cela ne me dérange pas du tout», a-t-il dit, ajoutant qu’il ne pense pas que la plupart des clients sachent que les pourboires suggérés sont calculés sur le total après impôt. 

Mais Bourdages admet que les barmans et les serveurs qu’il gère – qui dépendent des pourboires pour une grande partie de leur revenu – ne partagent probablement pas son point de vue. 

«Je suis presque sûr que je suis le seul à avoir cette idée. Mon personnel ne va pas être content», a-t-il dit. 

Une répercussion pour le personnel sur le plancher 

Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques de l’Association des restaurateurs du Québec, estime que ce changement laissera moins d’argent dans les poches du personnel de salle à manger, mais n’aura pas de répercussion significative sur l’industrie dans son ensemble. 

Bien que les restaurants choisissent les pourcentages des pourboires suggérés, Martin Vézina affirme que les entreprises de traitement des paiements qui fournissent les terminaux de point de vente sont en fait celles qui programment les suggestions de pourboires en plus du montant après impôt. 

«Cela ne cause pas tant de problèmes au secteur», a-t-il déclaré, expliquant que les restaurateurs pourraient même finir par payer moins de frais de carte de crédit sur les pourboires ainsi que moins d’impôt sur le revenu sur les pourboires déclarés. 

Mais il considère également le projet de loi comme une occasion manquée de mettre en œuvre des mesures concernant les réservations «no-show», lorsque les clients réservent une table au restaurant, mais ne se présentent jamais. Il affirme que les «no-shows» coûtent en moyenne 47 000$ par année aux restaurants du Québec.