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Richard Chénier veut propulser nos start-ups à l’étranger avec Québec Tech

Emmanuel Martinez|Édition de septembre 2024

Richard Chénier veut propulser nos start-ups à l’étranger avec Québec Tech

Richard Chénier (Photo: Martin Flamand)

ENTREPRENEURIAT. L’organisation Startup Montréal a changé de vocation pour devenir Québec Tech en juillet. Cette métamorphose a été commandée par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, qui a fourni une aide financière de 7 millions de dollars (M $) sur trois ans dans le cadre de sa Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022‑2027 (SQRI2). Québec Tech est dirigé par Richard Chénier, un homme qui connaît bien l’environnement des start-ups, lui qui était directeur général du Centech jusqu’à l’an dernier et qui occupe un rôle de conseiller auprès du gouvernement québécois concernant l’écosystème d’innovation et d’entrepreneuriat technologiques. Les Affaires s’est entretenu avec lui pour comprendre cette transformation.

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Pourquoi a-t-on changé Startup Montréal en Québec Tech ?

On avait besoin d’un véhicule pour se doter de moyens plus ambitieux pour être compétitifs à l’international. Il y a beaucoup d’organismes au Québec et beaucoup d’entreprises qui poussent, mais quand vient le temps d’amener nos start-ups à l’international, c’est très confus.

Donc, le fait d’avoir un organisme porte-étendard de l’ensemble de l’écosystème des start-ups technologiques du Québec fait en sorte qu’on va simplifier grandement nos interactions avec l’international.

Et ça va permettre à nos meilleures start-ups aussi de pousser grâce à ce véhicule-là.

Quelle est la différence avec Ax-C, l’espace d’innovation qui se construit au centre-ville de Montréal ?

Je fais un parallèle avec la France, qui a créé French Tech, un organisme qui fait la promotion de son écosystème et qui propulse les meilleures start-ups françaises à l’international. Québec Tech est donc l’équivalent de French Tech. On n’a pas été très original dans le branding, mais on voulait quelque chose de clair.

Et tu as Station F à Paris, que les Français désignent comme un lieu totem. Cela se fait de plus en plus dans les villes du monde : tu as des lieux où on retrouve physiquement une masse critique d’acteurs clés au même endroit.

Ax-C joue un peu le rôle de la Station F à Paris, tandis que Québec Tech campe celui de French Tech en France.

Et donc quel sera le rôle de Québec Tech ?

Il y a trois éléments qui sont vraiment importants. Un, c’est de mobiliser les acteurs clés de l’écosystème dans un effort concerté pour que nos meilleures start-ups puissent percer à l’international. Toutefois, on est mal outillés pour amener des entreprises en démarrage en situation de croissance. C’est le travail que Québec Tech va faire en mobilisant des acteurs très spécifiques pour s’assurer que nos meilleures start-ups peuvent aller à l’international beaucoup plus rapidement qu’elles le font actuellement.

C’est un des mandats très importants de notre côté. L’autre, c’est de fournir un peu plus d’informations par rapport à ce qui se fait en matière de start-ups au Québec. On doit avoir de meilleures données pour évaluer nos décisions. Concernant la réalité québécoise, on a des chiffres, mais ils viennent beaucoup de l’étranger, par des plateformes comme PitchBook, Crunchbase, etc. Mais quelle est la lecture concrète plus fine du terrain ? On ne l’a pas. On a beaucoup de difficultés avec nos données, donc il faut avoir une meilleure gestion des données, une meilleure compréhension du terrain.

Bien entendu, il y a finalement toute la portion rayonnement et images de marque qui fait partie de notre mandat.

On dit qu’une start-up doit régler un problème pour avoir du succès. Quel est le problème que Québec Tech vient résoudre ?

J’adore la question parce que c’est exactement la première des choses que j’ai dite quand je suis arrivé à Startup Montréal par rapport au nouveau mandat de Québec Tech. Le problème qu’on cherche à régler, c’est la croissance et l’internationalisation de nos meilleures start-ups.

On est champions dans plein de domaines, comme l’intelligence artificielle, la quantique, la génomique, etc. Mais une fois que nos entreprises technologiques démarrent et commencent à créer quelque chose d’intéressant, il n’y en a pas tant que ça qui connaissent une forte croissance quand on se compare à d’autres régions qui performent mieux. Le problème est là. La valeur économique va se créer dans la croissance, pas dans le démarrage.

Les entreprises technologiques qu’on crée sont souvent moins actives au chapitre des rondes de financement. La valeur des sorties est un peu plus basse qu’ailleurs. Elles sont souvent vendues un peu trop tôt. Leur cycle de développement est trop lent.

La concurrence en technologie est internationale. Il y a des pays et des régions qui se battent pour rendre des choses plus efficaces, pour faire en sorte que les start-ups se développent plus vite. Nous, on était un peu trop lents. Il faut arriver à faire mieux.

Comment allez-vous le faire concrètement ?

Premièrement, on va travailler avec les acteurs du terrain, les incubateurs et accélérateurs, pour s’assurer que l’international soit plus présent dans le projet des start-ups. Ce qu’on remarque, c’est qu’une entreprise qui pense mondial dès le jour un va croître six ou sept fois plus qu’une entreprise qui y va de façon organique.

C’est hyperimportant de travailler avec nos incubateurs et accélérateurs, qui agissent dans la phase de démarrage, d’inculquer des notions internationales.

Parmi les start-ups, il y en a certaines qui ont vraiment un fort potentiel international qu’on veut accélérer. Donc, on vise à en sélectionner de 10 à 15 par année pour les amener à l’international plus rapidement que ce qui se passe actuellement. Quand tu es dans un pays de 50 millions d’habitants et moins, et que tu es une start-up technologique, tu devrais aller à l’étranger deux fois plus vite qu’une qui est localisée dans un pays de 50 millions d’habitants et plus. C’est là qu’on intervient. Il faut s’assurer que ces jeunes pousses sont bien préparées, qu’on a bien ciblé les marchés et qu’on est capables de leur ouvrir des portes pour qu’elles puissent connaître une croissance.

Comment allez-vous choisir les start-ups que vous désirez soutenir ?

On va accélérer des entreprises qui vont démontrer qu’elles ont un produit qui a une traction sur le marché et qui ont un fort potentiel pour l’exportation. Par conséquent, nos critères vont être assez serrés.

Il faut que le produit ait été validé par le marché. Donc, que le produit fonctionne. On sait que le marché en veut. Il est bien adapté et est prêt à connaître la croissance.

Le but, c’est d’amener l’entreprise à un début de pipeline de ventes. Il faut accélérer sa croissance pour atteindre un chiffre d’affaires annuel allant de 5 M $ à 10 M $.

À ce stade, l’entreprise peut être prise sous l’aile d’Investissement Québec ou d’autres organismes. Nous, on crée un pipeline pour amener des entreprises en phase d’hypercroissance. Il est là le trou actuellement.

Quand j’étais au Centech, on voyait démarrer de belles start-ups. Toutefois, tu croisais la même compagnie deux ou trois ans plus tard, puis elle était à peine plus loin. Elles ont beaucoup de difficultés à trouver du soutien. C’est ce qu’on veut corriger.

Quelles seront les ressources qui pourraient être offertes à ces start-ups ?

Quand une entreprise va être sélectionnée, on va déterminer les éléments qui vont lui permettre de progresser. Ça va être des démarches très personnalisées. On va avoir une petite équipe très agile avec beaucoup de personnes autour de nous pour répondre aux différents besoins. On n’est pas dans le programme ni dans la cohorte.

On va mettre autour de ces entreprises un comité consultatif qui va bien analyser les besoins, travailler avec l’entrepreneur et fixer les objectifs.

Cela peut toucher la stratégie, la fiscalité, les chaînes d’approvisionnement, le marketing, etc. Chaque entreprise va nous amener des besoins différents.

À partir de cette liste, c’est à nous d’aller solliciter et de mobiliser les acteurs qui vont pouvoir avoir une influence. Ça veut dire qu’on va travailler avec Investissement Québec international, Affaires mondiales Canada, EDC, etc., en fonction du profil l’entreprise.