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Bureau, je t’aime moi non plus

Marie-Eve Shaffer|Publié le 19 août 2020

Bureau, je t’aime moi non plus

(Photo: 123RF)

ESPACES DE TRAVAIL. Même si les télétravailleurs sont actuellement très nombreux, plusieurs feront leur retour au bureau au cours des prochains mois. L’aménagement de leurs espaces de travail prendra alors toute son importance : en plus de viser à les rendre confortables et à les sécuriser, il pourrait fort bien contribuer à raviver le sentiment d’appartenance à l’entreprise.

Des entreprises usent d’imagination pour aménager des espaces de travail qui permettent à leurs employés d’être confortables pour accomplir leurs tâches dans l’espoir qu’ils soient productifs, mais aussi qu’ils demeurent en poste. Réussissent-elles de cette manière à créer un sentiment d’appartenance au sein de leur personnel ?

Si les aires ouvertes ont connu une grande popularité depuis dix ans, les inconvénients qu’elles entraînent, notamment en qui a trait au bruit et au manque d’intimité, ont aussi été décriés. Pour répondre à ces désagréments, le concept d’activity based working a été développé. Ainsi, en plus des bureaux conventionnels dans les aires ouvertes, les entreprises mettent en place des salles de réunion fermées ou semi-privées, des cabines téléphoniques et même des salons meublés de fauteuils douillets. «Le but est d’offrir une sorte de variété à l’employé qui choisit où il veut s’installer selon le type de tâche qu’il accomplit, l’atmosphère qu’il souhaite et le degré de concentration dont il a besoin», explique Claudine Bonneau, professeure au Département d’analytique, opérations et technologies de l’information de l’Université du Québec à Montréal. Ce type d’aménagement requiert toutefois un protocole rigoureux de nettoyage afin d’éviter que le lieu de travail soit sujet à une éclosion de COVID-19.

Puisque les employés sont éparpillés dans plusieurs espaces, il est nécessaire d’organiser des rendez-vous pour nourrir l’esprit d’équipe et susciter l’implication, estime la psychologue organisationnelle et associée de la firme Hors-Piste, Julie Bourbonnais. «Il faut prévoir des rituels d’équipe, insiste-t-elle. Mercredi, est-ce que tout le monde se réunit dans la salle de conférence ? Est-ce qu’on dispose d’une plateforme collaborative sur laquelle tout le monde s’écrit ?»

L’application du concept d’activity based working doit également être bien réfléchie, sinon il risque de réduire la collaboration entre les employés. «Si je dois rester dans mon espace à aire ouverte toute la journée, que la gestion du bruit a été mal pensée et qu’il n’y a pas assez de bureaux fermés, c’est sûr que je vais me mettre des écouteurs et que je vais envoyer des courriels», illustre Julie Bourbonnais.

Des postes de travail impersonnels

Avec le foisonnement des postes de travail viennent les bureaux non attitrés, qui ont pour but l’utilisation optimale de l’espace. Des entreprises choisissent d’opter uniquement pour ce type d’aménagement, mais celui-ci présente un important risque d’affaiblissement du sentiment d’appartenance, d’après Claudine Bonneau. «En s’assoyant chaque matin à un bureau différent, on n’est pas nécessairement à côté des collègues de notre équipe. Ça peut nuire à la cohésion», note-t-elle.

Les bureaux non attitrés, qui doivent aussi faire l’objet d’un nettoyage régulier, peuvent néanmoins être appropriés pour les employés qui sont régulièrement en déplacement. Un espace personnalisé – un babillard, un casier ou même un fond d’écran – devrait malgré tout leur être réservé.

«La personnalisation, c’est important pour l’humain, pour qu’il puisse s’ancrer et s’attacher à quelque chose, explique Julie Bourbonnais. Sinon, le travailleur n’appartient plus à rien.»

Et le télétravail ?

Pendant la pandémie de COVID-19, des entreprises ont pu poursuivre leurs activités en ayant recours au télétravail. Au mois d’avril, 63 % des travailleurs québécois ont ainsi accompli leurs tâches professionnelles à la maison, d’après l’étude NETendances2020 du Centre facilitant la recherche et l’innovation dans les organisations (CEFRIO).

Claudine Bonneau convient que le télétravail représente un argument de taille pour attirer de la main-d’oeuvre. «Il ne faut toutefois pas négliger les effets négatifs [notamment en ce qui a trait à] l’isolement social et à la diminution des possibilités de partage d’information», mentionne-t-elle.

Toutefois, bien des travailleurs sont désormais convaincus de sa pertinence : 62 % de ceux qui ont travaillé à la maison pendant la crise sanitaire veulent continuer d’effectuer leurs tâches à distance le plus souvent possible, voire tout le temps, d’après un sondage réalisé en mai par la firme de logiciels et de technologies numériques VMware Canada.

«L’idéal sera d’avoir une politique de télétravail [pour déterminer des balises]», souligne la professeure Bonneau, en précisant que le télétravail ne peut pas être implanté dans toutes les entreprises.