Financement: profiter des occasions quand elles passent
Karl Rettino-Parazelli|Mis à jour le 13 juin 2024Carla Casséus, PDG de CC4 Solutions (Photo: courtoisie)
FINANCEMENT. Planification de la stratégie numérique, augmentation des ventes en ligne, embauche et formation de personnel, percée à l’international : en l’espace de seulement quelques années, la jeune entreprise spécialisée en transformation numérique CC4 Solutions a déjà profité de plusieurs subventions qui l’ont propulsé, mais a aussi essuyé quelques refus. Peu importe le résultat, une leçon s’impose, estime sa PDG Carla Casséus : il ne faut pas tarder.
« Dès qu’un programme ouvre, il faut déposer son dossier », affirme l’entrepreneure qui a fondé CC4 Solutions en 2019, à Montréal. Elle est bien placée pour comprendre les défis liés à l’obtention d’aides gouvernementales, puisqu’elle joue les deux rôles : à la fois celui de bénéficiaire des programmes, pour son entreprise, et celui d’accompagnateur auprès de clients qui souhaitent toucher une subvention pour éponger les dépenses de leur virage numérique. « J’ai des clients qui me disent qu’un programme est ouvert jusqu’en 2025 et que ce n’est donc pas dans leurs priorités pour cette année. Quand le programme ferme, ils se disent qu’ils ont manqué le bateau. La morale de l’histoire, c’est de se dépêcher », insiste Carla Casséus.
L’associé d’EY Canada Patrick d’Astous, dont le travail consiste notamment à aider des entreprises innovantes à bénéficier d’incitatifs financiers, le confirme : de précieuses subventions peuvent s’évaporer sans avertissement, si les fonds disponibles pour une période déterminée ont été entièrement alloués ou si le maximum de demandes pouvant être déposées a été atteint. « Ce sont souvent des programmes. Ils arrivent et ils repartent. Parfois, quand l’entrepreneur apprend qu’un programme existe, il est déjà fermé », dit-il.
Des succès et des échecs
Pour Carla Casséus, la navigation dans l’univers des aides gouvernementales a débuté en avril 2021, avec l’obtention d’une première subvention provenant du Programme d’aide à l’intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi (PRIIME). Cette aide qui soutient l’intégration de personnes immigrantes ou issues d’une minorité visible lors de leur première expérience de travail nord-américaine significative dans leur domaine de compétence a permis à Carla Casséus d’embaucher son premier employé. Ses neuf mois de salaire n’ont pas pesé trop lourd dans le budget de l’entreprise : ils ont été subventionnés à 75 %.
Un stagiaire universitaire s’est ensuite joint à l’équipe quelques mois plus tard, grâce à une subvention de 7300 $ provenant du programme d’apprentissage intégré au travail numérique du Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC).
L’entrepreneure a essuyé un premier échec à l’automne 2021. Elle souhaitait percer le marché international en développant des activités commerciales à Dakar, la capitale du Sénégal, mais le programme CanExport n’a pas retenu son dossier. Sans subvention, le projet a été mis sur la glace.
Dans les années suivantes, les nouvelles ont parfois été bonnes (comme ces quelque 50 000 dollars reçus de la part d’Action interculturelles Canada pour accueillir cinq autres stagiaires) et parfois décevantes (comme le rejet annoncé par le programme ESSOR, dont la subvention aurait permis de financer jusqu’à 50 % des dépenses liées à l’exécution d’un diagnostic numérique).
Carla Casséus a eu la main heureuse en 2023 en obtenant 5000 $ du Fonds Afro-Entrepreneurs pour financer l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie marketing et 2400 $ d’un des deux volets du Programme canadien d’adoption du numérique (PCAN) pour faire croître ses ventes en ligne. « L’aide du PCAN nous a permis d’ajouter la possibilité pour les entrepreneurs en devenir de réserver une consultation directement sur notre plateforme », explique-t-elle.
Les clients que son entreprise a accompagnés pour obtenir les subventions du PCAN et d’ESSOR n’ont toutefois pas tous eu la même chance. Les deux programmes ont annoncé en début d’année 2024 leur interruption, ayant déjà reçu un nombre de demandes suffisant pour les fonds prévus. Résultat : ces clients doivent renoncer aux quelque 200 000 $ attendus au total en subventions, tandis que CC4 Solutions doit par le fait même mettre une croix sur les contrats de transformation numérique qu’elle aurait décrochés grâce à ces aides financières.
Poursuivre la recherche
La chasse aux incitatifs financiers n’est pas terminée pour CC4 Solutions. La chasse aux incitatifs financiers n’est pas terminée pour CC4 Solutions. L’entreprise s’est jointe à l’accélérateur du Centech et au Entrepreneurs Access Network (EAN) d’EY, qui s’adresse aux entrepreneurs canadiens issus de communautés sous-représentées, et Carla Casséus vient justement d’assister à une présentation offerte par le cabinet qui lui a ouvert les yeux. Elle évalue actuellement la possibilité de réclamer un crédit d’impôt de recherche et développement en lien avec un projet misant sur l’intelligence artificielle qui a débuté en 2023. Et elle se sent également prête à cogner à nouveau à la porte de CanExport, mais cette fois pour brasser des affaires au Maroc et au Congo.
C’est sans doute l’autre apprentissage que les dernières années lui auront enseigné : ne pas se laisser décourager par un premier « non ».