PAPE: le monde financier s’organise pour convaincre la CAQ
Stéphane Rolland|Publié le 28 janvier 2019Le milieu financier montréalais tente de se mobiliser afin de convaincre le gouvernement Legault d’encourager les entreprises québécoises à s’inscrire en Bourse, a appris Les Affaires. Le changement de gouvernement nourrit leurs espoirs d’avoir une oreille plus attentive à Québec.
Des rencontres ont eu lieu entre les «principaux acteurs» du milieu financier montréalais afin de présenter une position commune, nous ont raconté des sources. «On veut relancer l’écosystème québécois sur l’appel public à l’épargne», commente un des participants aux rencontres, qui a demandé à ne pas être identifié, car il n’est pas autorisé à parler aux médias. «L’idée est d’arriver à présenter une suggestion commune au gouvernement.»
Des professionnels de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de l’Autorité des Marchés financiers (AMF), de Finance Montréal, d’Investissement Québec, du Fonds de solidarité FTQ, de Québec Bourse et du Groupe TMX ont participé aux discussions.
Les principaux intéressés ne sont pas encore prêts à présenter une position commune. «Tout le monde est d’accord qu’il y a un manque de premiers appels publics à l’épargne (PAPE) et qu’il faut relancer l’écosystème, commente notre source. Il faut maintenant arriver à trouver une position commune.»
En attendant, Québec Bourse a l’intention de présenter un mémoire dans le cadre des consultations prébudgétaires du Ministère des Finances. «Nous sommes prêts à participer à tous projets qui visent à encourager l’inscription en Bourse», répond Louis Doyle, directeur général de l’association, qui n’a pas souhaité discuter de la teneur des discussions, qui ne sont pas encore terminées. «De notre côté, nous avons l’intention de présenter un mémoire dans le cadre des consultations prébudgétaires, mais ce n’est pas dans le cadre de ces rencontres, bien que nos recommandations peuvent être une source d’inspiration.»
Le mémoire de Québec Bourse reprendra les principaux éléments de son plan d’action, présenté au gouvernement Couillard en décembre 2017. Ce plan est articulé autour de quatre axes : la réduction du fardeau réglementaire, un crédit d’impôt pour émetteurs, un crédit d’impôt pour les investisseurs et un programme d’encouragement à l’embauche des analystes financiers.
À l’AMF, on confirme avoir participé aux discussions et on indique qu’encore aucun plan n’est arrêté. «L’Autorité, tout comme d’autres joueurs du secteur financier, est préoccupée par la situation et nous souhaitons prendre part à la recherche de solutions», a commenté Sylvain Théberge, le porte-parole de l’organisme.
Chez Finance Montréal, on reconnaît que «la croissance du financement privé et la réduction de l’utilisation des appels publics à l’épargne sont des tendances lourdes» et on se dit ouvert à participer à toute discussion sur le sujet. La Caisse, le Fonds FTQ et le Groupe TMX n’ont pas souhaité faire de commentaire.
La situation au Québec
Les sociétés québécoises sont peu nombreuses à s’inscrire en Bourse. En 2018, des 54 PAPE canadiens, aucun n’avait été réalisé par une société québécoise, révèle un document de la firme PwC publié au début du mois de janvier. En fait, Stingray est la dernière entreprise québécoise à avoir fait un PAPE en 2015. Il reste tout de même des entreprises québécoises qui sont entrées en Bourse dernièrement (Ecolomondo, Goodfood, Hexo et Alithya), mais celles-ci l’ont fait par prise de contrôle inversée.
En 2017, 11 sociétés québécoises ont quitté la Bourse, soit parce qu’elles ont été acquises par une autre entreprise, soit parce qu’elles ont privatisé leur capital, selon des données de Québec Bourse. L’acquisition de Rona et la privatisation de Lumenpulse et de Canam sont des exemples récents.
Si le recours au capital privé a son rôle à jouer, l’économie sort perdante si les marchés publics ne sont plus sur le radar des entreprises qui cherchent du financement, craint M. Doyle. «C’est plus que les revenus que ça procure aux cabinets comptables et d’avocats. C’est toute l’activité économique qui gravite autour des sièges sociaux, dont les activités philanthropiques. Ça contribue à l’enrichissement collectif.»
La CAQ plus ouverte?
Parmi les intervenants qui nous ont parlé sous le couvert de l’anonymat, on a bon espoir que le gouvernement de la CAQ sera plus enclin à inscrire cet enjeu à son ordre du jour. On souligne que Transat, qu’a fondé le premier ministre François Legault, fait partie des nombreuses grandes sociétés québécoises qui ont profité du Régime d’épargne actions (RÉA).
Avant qu’il revienne en politique, Christian Dubé, le président du Conseil du trésor, aurait discuté de ce sujet avec l’une de nos sources alors qu’il était à la Caisse de dépôt. «Christian n’était pas fermé à ça du tout, du tout», interprète l’interlocuteur. Par le biais de son attachée de presse, M. Dubé précise ne pas avoir participé à des rencontres formelles au sujet des PAPE.
Les cabinets d’Éric Girard, ministre des Finances, et de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, ne nous étaient pas revenus au moment de mettre en ligne.
Précisions
Dans une précédente version, nous avions affirmé à tort que Christian Dubé, président du Conseil du trésor, avait participé aux rencontres entre les principaux acteurs du milieu financier. Nous avons modifié le texte en conséquence. Nos excuses.