«Les institutions plus traditionnelles n’ont pas l’écoute ni les outils, ou elles sont réticentes à accueillir ces projets ou ces entrepreneurs-là», selon Milder Villegas, directeur général de Filaction.
FINANCEMENT D’ENTREPRISES. Plusieurs entrepreneurs issus de la diversité ethnoculturelle obtiennent peu de soutien financier des institutions traditionnelles quand vient le moment de lancer leur entreprise. Le financement ciblé peut représenter une solution pour faciliter les premiers pas de leurs projets d’affaires.
«La propension à l’entrepreneuriat [chez les gens issus de la diversité ethnoculturelle] est beaucoup plus grande que dans le reste de la société, mais il n’y a pas autant d’entreprises qui sont créées que de gens qui souhaitent le faire», souligne Milder Villegas, directeur général de Filaction, un fonds de développement qui investit entre autres dans des PME québécoises «qui éprouvent parfois des difficultés à obtenir du financement auprès des réseaux traditionnels». Selon lui, cette situation résulte en partie du «manque de ressources en accompagnement et en financement».
Pourquoi les entrepreneurs issus des communautés ethnoculturelles sont-ils si peu appuyés par les grandes institutions de financement ? Pour Milder Villegas, le problème réside dans le manque de compréhension de leurs réalités. «Les institutions plus traditionnelles n’ont pas l’écoute ni les outils, ou elles sont réticentes à accueillir ces projets ou ces entrepreneurs-là.» À l’inverse, comme «il y a eu des refus et des problèmes dans le passé», ces mêmes entrepreneurs hésitent à leur demander du soutien, ajoute-t-il.
Cette difficulté se constate également au sein des Premières Nations. En plus de faire face à certaines barrières telles que la langue, l’accès à du soutien financier en région ou le montant de la mise de fonds requise par les grandes institutions, les entrepreneurs doivent composer avec des spécificités juridiques. Le directeur général de la Commission de développement économique des Premières Nations du Québec et du Labrador, Mickel Robertson, souligne que l’insaisissabilité dans les réserves — des biens immobiliers, entre autres — est particulièrement mal comprise par plusieurs investisseurs potentiels.
Mickel Robertson fait remarquer que «les gens deviennent hésitants à s’embarquer avec les Premières Nations, parce qu’ils ont peur de faire une erreur, comme ils ne comprennent pas exactement comment ça fonctionne». C’est pourquoi les institutions financières autochtones et les fonds, comme le programme d’entrepreneuriat autochtone — Accès au capital, géré par la National Aboriginal Capital Corporations Association — sont «essentiels».
De multiples solitudes
Stanley Victor dirige l’entreprise Groupe Sidney Santé, qui assure la gestion de multiples ressources intermédiaires en santé au Québec. En 2010, il a bénéficié du Fonds afro-entrepreneurs, géré par Filaction, qui soutient les entrepreneurs québécois issus des communautés noires.
Stanley Victor souligne par ailleurs que le réseautage se fait majoritairement à l’intérieur de chacune des communautés. «Il n’y a pas moyen de connaître une croissance quand tu restes dans ta communauté, renchérit Stanley Victor. Résultat:on se retrouve avec beaucoup de travailleurs autonomes qui contractent de petits prêts, souvent de la famille et des amis.»
Pour briser ces silos, Filaction fait appel à des partenaires pour soutenir les projets financés, note Milder Villegas. Par contre, le directeur général croit qu’il est fondamental que les entrepreneurs soient soutenus par des personnes qui viennent des mêmes communautés qu’eux, afin de réduire certaines barrières d’accès au financement. «Ils parlent le même langage, ils connaissent les mêmes codes.»
Au-delà du démarrage
Le financement du Fonds afro-entrepreneurs a été utile à Stanley Victor pour donner de la crédibilité à son projet auprès des banques. Il y a 10 ans, Filaction offrait un prêt maximal de 25 000 $. Grâce au lien entre ce fonds et Fondaction, l’entrepreneur a obtenu un soutien total de 75 000 $.
Depuis 2016, Filaction offre des prêts qui vont jusqu’à 500 000$— et parfois un million —par l’entremise des Fonds Mosaïque et afro-entrepreneurs.
Selon Stanley Victor, ces montants ne sont pas toutefois pas suffisants pour permettre de soutenir la croissance de leurs entreprises. «Si on veut que quelques personnes issues de la diversité soient parmi les grands bâtisseurs du Québec de demain, il faudrait réfléchir à comment les atteindre, à comment les accompagner dans leur croissance et à comment leur permettre de mieux contribuer à l’économie», estime-t-il.