Régis Desmeules, auteur du livre Réussir son premier financement et membre d’Anges Québec (Photo: courtoisie
FINANCEMENT D’ENTREPRISES. Les anges financiers et les joueurs de baseball ont au moins une chose en commun : leur moyenne au bâton qui dépasse rarement le seuil de 0,300. La plupart des membres du réseau Anges Québec interrogés par Les Affaires mesurent en effet l’efficacité de leurs investissements en capital de risque comme on évalue les frappeurs du plus américain des sports. Leur moyenne est calculée en divisant le nombre de dossiers où ils réalisent des profits par le nombre total de dossiers dans lesquels ils s’impliquent.
« Un ange investit dans plusieurs dossiers, par souci de diversification de son portefeuille de placements. Sur dix projets dans lesquels il place ses billes, deux ou trois vont lui apporter plus que sa mise de départ en générant un rendement intéressant », affirme Patrick d’Astous, président d’Astous Groupe Conseil et membre d’Anges Québec depuis 2012. Pour les sept ou huit autres, « dans le meilleur des cas, on récupère sa mise de départ sans réaliser de profits, poursuit celui qui a investi dans plusieurs jeunes pousses technologiques. Dans le pire, on perd sa mise. »
Les coups de circuit, ces histoires Cendrillon au terme desquelles les anges financiers récupèrent de cinq à dix fois le montant de leur investissement initial – voire plus –, sont rares. Comme au baseball, certains ne la sortent jamais du stade. « Je ne connais pas un ange qui n’est pas convaincu d’être meilleur que ses vis-à-vis !, rigole Ginette Mailhot, ange investisseuse et présidente de la Corporation de développement économique de la MRC de Joliette. Tous sont convaincus de réaliser l’affaire du siècle, même si les statistiques démontrent le contraire. »
Cela revient donc à dire que, malgré toutes les précautions prises par les anges lors de l’étape de la vérification diligente, ils ne sont pas à l’abri d’une erreur. Les histoires de malchances dignes d’actes de Dieu qui font dérailler des projets pourtant prometteurs sont d’ailleurs légion dans le milieu. « Il ne faut pas perdre de vue que ces investissements sont très risqués par nature ; on ne revoit pas la couleur de son argent avant parfois plus d’une décennie », explique Régis Desmeules, auteur du livre Réussir son premier financement et membre d’Anges Québec.
Investisseurs actifs
Heureusement, les motivations des anges financiers ne sont pas seulement d’ordre pécuniaire. Plusieurs se voient comme des agents de développement économique qui participent activement à la création de la richesse de demain. En faisant parler leur argent, certes, mais aussi en distribuant trucs et conseils à de jeunes entrepreneurs qui ne demandent que ça. « On peut donner avec beaucoup plus de gratuité et de volonté du bien commun, indique Ginette Mailhot. Pour ma part, cela se traduit par des investissements dans des projets de ma région, Lanaudière. »
Cette influence des anges sur leurs investissements se matérialise souvent par la place qu’ils occupent sur le conseil d’administration des jeunes entreprises supportées. « C’est avant tout une manière de voir ce qui se passe à l’interne et d’avoir un canal de communication privilégié avec les entrepreneurs, constate Régis Desmeules. Ces derniers prennent alors l’habitude de nous contacter sur une base régulière, pas seulement quand il en a besoin ». Cette implication « bénévole », qui peut s’étaler sur des années, permet ainsi aux anges de partager leur riche expérience dans le monde des affaires. « C’est ce qui m’anime le plus », avance-t-il.
Patrick d’Astous se fait plus circonspect à ce propos. « Est-ce que me lève le matin en me disant que je change la société ? Non », déclare-t-il. Après tout, un ange détient – au mieux – quelques pour cent des entreprises dans lesquelles il s’implique, sous forme d’actions. Règle générale, à chaque ronde de financement par capital de risque, une entreprise offre ainsi entre 15 à 30 % de ses actions à l’ensemble des investisseurs, anges financiers y compris. Ces derniers y exercent donc un contrôle individuel à peu près inexistant.
« Il faut apprendre le laisser-aller, et vite, conseille Patrick d’Astous aux anges inexpérimentés. Si j’ai la certitude d’avoir tout fait en mon pouvoir pour influer sur la destinée de l’entreprise, je suis en paix avec mes décisions d’investissement. »