Paper met en relation des élèves et des tuteurs partout en Amérique du Nord grâce à une plateforme virtuelle offerte à un prix modique aux institutions d’enseignement. (Photo: 123RF)
FINANCEMENT D’ENTREPRISES. Dans le milieu québécois des anges financiers, on se rappellera longtemps du succès de Paper. Cette jeune pousse montréalaise spécialisée en éducation a conclu en juin dernier une ronde de financement de 100 millions de dollars américains menée par un fonds majeur de capital de risque de la Californie, Institutional Venture Partners. Au même moment, plusieurs membres du réseau Anges Québec vendaient leurs parts dans l’entreprise, réalisant une sortie qualifiée de « record ». Parmi eux, Michel Lozeau, l’un des quatre premiers anges à avoir cru au projet au moment de sa première ronde d’amorçage, en 2016.
« Je ne peux pas dévoiler le profit réalisé; ce que je peux dire, en revanche, c’est que j’ai récupéré beaucoup, beaucoup plus que 10 fois ma mise de départ », révèle celui qui occupe actuellement le poste de président du conseil d’administration d’Anges Québec. Paper, il faut le dire, a suivi une trajectoire exceptionnelle depuis sa fondation il y a sept ans. Alors connue sous le nom de GradeSlam, elle proposait du tutorat en ligne sous la forme de vidéos éducatifs destinés aux élèves du primaire jusqu’au cégep.
Aujourd’hui, Paper met en relation des élèves et des tuteurs partout en Amérique du Nord – et bientôt dans le monde – grâce à une plateforme virtuelle offerte à un prix modique aux institutions d’enseignement. L’entreprise de 700 employés vient ainsi en aide à plus d’un million d’enfants, étant entre autres accessible dans près de 200 districts scolaires étasuniens.
Paper figure par ailleurs parmi les sociétés qui ont connu la croissance la plus forte dans les trois dernières années au Québec — 2443 % — selon un récent palmarès du magazine L’actualité.
Apport crucial des anges
La pandémie a alimenté le succès de Paper, car de nombreux élèves confinés ont trouvé sur l’application des réponses à leurs questions dans la matière de leur choix, et ce, peu importe l’heure ou le jour de la semaine. Bien malin toutefois celui qui aurait pu prédire dès 2016 une crise sanitaire de cette ampleur, et ses conséquences sur le milieu de l’éducation. C’est l’aplomb et la vision du PDG Philip Cutler — qui a lui-même fait du tutorat durant son baccalauréat en éducation à l’Université McGill — qui ont incité une poignée d’anges à embarquer dans l’aventure.
« Dès la première rencontre avec Philip, nous avons vu beaucoup de signaux très positifs. L’entreprise proposait une bonne technologie qui répond à de véritables besoins et ses dirigeants avaient une excellente vision stratégique ainsi que de solides ambitions commerciales », affirme Emmanuel Guyot, un des membres d’Anges Québec investisseurs de la première heure. L’algorithme de Paper a effectivement comme particularité d’apparier les élèves avec les « bons » tuteurs, c’est-à-dire ceux qui seront en mesure de les aider efficacement.
En 2018, Paper a procédé à une seconde ronde de financement, au terme de laquelle se sont joints une dizaine de nouveaux anges investisseurs. Michel Lozeau manœuvrait alors en coulisse, ouvrant notamment à l’état-major de Paper les portes de son propre réseau à l’extérieur du Québec. L’arrivée dans le décor de Framework Venture Partners n’est pas inconnue à ce coup de pouce – le fonds en capital de risque de Toronto fait d’ailleurs toujours partie des investisseurs impliqués.
« Mon but, avec Paper, n’a jamais été de construire une gigantesque entreprise technologique. Depuis les débuts, mon objectif est de changer le monde de l’éducation en rendant le tutorat plus équitable et accessible au plus grand nombre », a confié Philip Cutler au magazine économique Forbes en juillet dernier.
Pour l’instant, Paper n’est pas utilisé au Québec. Pourtant, ce n’est pas faute de ne pouvoir offrir le service de tutorat en ligne en français. « Cela m’attriste, avoue Michel Lozeau. Comme quoi nul n’est prophète en son pays. »