Foresterie et MCS: menacé par le protectionnisme américain, le Québec lorgne l’Europe
La Presse Canadienne|Publié il y a 36 minutesLa ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, mai 2024 (Photo: Jacques Boissinot / La Presse Canadienne)
Avec le «vent très protectionniste aux États-Unis», comme l’a dit cette semaine le premier ministre François Legault, le Québec cherche encore à diversifier ses marchés: le gouvernement caquiste lorgne l’Europe pour vendre des produits forestiers et des minéraux critiques.
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, est de retour depuis peu d’une mission à Bruxelles, en Belgique, siège de la Commission européenne, et à La Haye, aux Pays-Bas.
Malgré les efforts des dernières décennies, les États-Unis absorbent encore la grande majorité des exportations de bois du Québec: pas moins de 87% en 2023 selon Statistique Canada, avec l’Inde qui suit loin derrière à 3%.
Or un projet de réglementation de l’Union européenne avec des mesures de traçabilité pourrait menacer l’ouverture de ce marché aux produits québécois et la ministre Maïté Blanchette Vézina est donc allée défendre les pratiques forestières du Québec. La traçabilité pourrait notamment représenter un problème pour l’industrie des pâtes et papiers.
«Je vois un intérêt très certain à augmenter notre part de marché» en Europe, «pour réduire notre dépendance envers les États-Unis, avec le contexte des élections américaines et le protectionnisme grimpant», a-t-elle affirmé dans une entrevue avec La Presse Canadienne diffusée samedi.
Actuellement, le Québec exporte pour 360 millions de dollars (M$) en produits du bois en Europe .
Elle a confié que les responsables européens ont notamment eu vent de la menace que fait poser l’industrie sur le caribou forestier et le litige Québec-Ottawa qui s’en est suivi.
«Le Québec est considéré comme un partenaire moins risqué, donc [exposé à] de moins grandes restrictions» que pour d’autres pays qui ont des pratiques de déforestation, a-t-elle expliqué.
«On leur a démontré ce qu’on fait actuellement, comment on souhaite travailler», notamment avec la protection de 30 % du territoire québécois, les aménagements forestiers durables, etc.
Comme l’Ontario
L’entrée en vigueur de la réglementation européenne a par ailleurs été repoussée de 12 mois et la ministre voit dans l’Europe un débouché, comme l’a fait l’Ontario qui exporte ses produits forestiers sur le Vieux-Continent.
«Il y a là un intérêt à améliorer nos relations avec l’Europe et augmenter nos exportations», a-t-elle constaté, tout en évitant d’évoquer une cible d’augmentation.
«C’est certain que ça reste un défi» par rapport aux États-Unis, admet Mme Blanchette Vézina, puisque les économies canadiennes et américaines sont déjà très intégrées.
«Je suis convaincue qu’on peut trouver une façon pour que ces marchés s’accroissent», ajoute celle qui est aussi députée de Rimouski.
Le potentiel en Europe résiderait notamment dans «les granules de bois, pas nécessairement le bois d’œuvre», a précisé Mme Blanchette Vézina. Le prix du bois québécois qui doit traverser l’océan par bateau reste un enjeu, a-t-elle évoqué.
«Mais on est plus près que jamais d’améliorer nos échanges économiques» avec l’Europe, a assuré la ministre.
Minéraux critiques
En témoigne aussi le démarchage qu’elle a fait aux Pays-Bas, cette fois concernant les minéraux critiques et stratégiques, essentiels dans l’industrie de la batterie.
Le Québec est bien positionné, avec 80% des réserves de minéraux critiques au Canada, a plaidé Mme Blanchette Vézina, alors que l’Europe cherche à s’affranchir de sa dépendance envers la Chine.
«Ça devient un levier intéressant, on a cette monnaie d’échange, ça nous rapproche des pays européens, on est très bien positionnés», a-t-elle témoigné.
L’arrivée d’un «passeport batterie», soit une sorte de certification qui assure du respect de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), pourrait ainsi favoriser le Québec.
«Le Québec est très bien vu en Europe pour ses façons de faire», a-t-elle conclu.
La province a exporté 11,3 milliards de dollars (G$) de produits forestiers dans le monde en 2023, dont notamment 5,7G$ de papiers et cartons, 1,4G$ de bois d’œuvre résineux, 1,2G$ de pâtes de bois, 1,1G$ de panneaux et contreplaqués, 903M$ d’ouvrages de menuiserie et de pièces de charpente pour construction, 220M$ de bois de sciage feuillus et 143M$ de granules de bois.
Les produits du bois représentaient 11,9% des exportations totales du Québec en 2022, selon Statistique Canada. Plus de 74 000 personnes travaillaient dans cette industrie au Québec en 2023.
Plus tôt cette semaine, le premier ministre François Legault a exprimé ses craintes à propos du résultat de l’élection présidentielle américaine de mardi prochain.
Selon lui, les deux candidats, le républicain Donald Trump et la démocrate Kamala Harris, ont exprimé des positions protectionnistes qui pourraient nuire aux intérêts du Québec.
Il a notamment évoqué les secteurs manufacturier, de l’aluminium, de la forêt, ainsi que la filière batterie.
Les États-Unis sont le principal partenaire économique du Québec, qui y achemine 70% de ses exportations.