Tarifs de 25%: comment les importations de bois d’oeuvre aux États-Unis seront-elles touchées?
François Normand|Publié à 14h03 | Mis à jour il y a 27 minutesDepuis la mi-août, Washington impose déjà des droits (compensateurs et antidumping) de 14,5% sur les importations de bois d’œuvre canadien aux États-Unis – ils s’élevaient auparavant à 8,05%. (Photo: 123RF)
L’industrie forestière tempère le risque que la prochaine administration Trump impose des tarifs douaniers de 25% à long terme sur les importations de bois d’œuvre et de produits forestiers aux États-Unis. Selon le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), le marché américain ne peut pas se priver de nos importations, sans parler de la poussée inflationniste que cela provoquerait dans la construction résidentielle qui y est déjà déficitaire.
En entrevue à Les Affaires, son PDG Jean-François Samray souligne que l’imposition de tarifs représente des «appels» de la future présidence Trump — qui sera au pouvoir à compter du 20 janvier — à trouver rapidement des solutions à des problèmes américains.
«Tarifer des produits dans un marché qui n’est pas autosuffisant aura un effet boomerang en augmentant le coût de la vie des Américains. Dans une économie nord-américaine intégrée, les solutions passent par la négociation», affirme-t-il.
La question de ces tarifs de 25% est cruciale pour l’industrie forestière qui emploie et supporte 128 439 emplois au Québec, contribuant pour près de 18 milliards de dollars au produit intérieur brut, selon le CIFQ.
Depuis la mi-août, Washington impose déjà des droits (compensateurs et antidumping) de 14,5% sur les importations de bois d’œuvre canadien aux États-Unis — ils s’élevaient auparavant à 8,05%.
Ces tarifs s’inscrivent dans le cinquième conflit du bois d’œuvre avec le Canada depuis 1982, lancé le 25 novembre 2016 par l’administration démocrate sortante de Barack Obama.
Les quatre précédents conflits ont été initiés par des administrations républicaines, soient celles de Ronald Reagan (1981-1989), de George Bush père (1989-1993) et de George W. Bush (2001-2009).
L’industrie risque d’avoir une taxe de 40%
Si Donald Trump met sa menace à exécution, les producteurs québécois de bois d’œuvre qui exportent aux États-Unis seraient donc soumis à une taxe cumulative de 39,5% (14,5% + 25%).
C’est un niveau considérable.
Par exemple, depuis le début des années 1980, les droits cumulatifs les plus élevés (compensateurs et antidumping) sur le bois d’œuvre ont atteint un niveau de 27% en 1986, à l’époque où il n’avait pas encore de libre-échange canado-américain.
En revanche, sur une base individuelle, l’entreprise Produits forestiers Résolu a déjà été soumise à des droits supérieurs à 30%, selon le CIFQ.
Sans minimiser le risque que l’industrie forestière du Québec soit doublement affectée, Jean-François Samray fait remarquer que plusieurs facteurs devraient inciter l’administration Trump à mettre de l’eau dans son vin à propos d’éventuels tarifs de 25%.
1.Le marché américain manque de bois d’œuvre
Les États-Unis ne sont pas autosuffisants en bois d’œuvre. Le pays doit donc importer environ 35% de ses approvisionnements pour construire des maisons et des logements, selon les estimations du CIFQ.
Dans ce contexte, la proximité du Canada et le taux de change favorable aux importateurs américains rend le bois canadien attrayant.
2. Les États-Unis pâtissent d’une pénurie de logements
Comme au Canada, il y a une pénurie de logements et de maisons aux États-Unis. Bref, la demande augmente plus vite que l’offre. «On a creusé le déficit de logements qui est encore plus abyssal», insiste Jean-François Samray.
En mars 2023, une analyse de la firme Realtor.com soulignait que l’écart entre les constructions de maisons individuelles et la formation de ménages s’était creusé à 6,5 millions de logements entre 2012 et 2022.
Selon une analyse publiée en octobre par l’Institut Brookings, le coût des maisons aux États-Unis a fortement augmenté au cours des quatre dernières années, tant pour les loyers que pour le prix d’achat d’un logement.
3.Les tarifs sont inflationnistes et frapperont tous les Américains
Les tarifs douaniers sont par nature inflationnistes, car les importateurs – ceux qui paient cette taxe à l’importation – refilent la plupart du temps la facture à ceux qui achètent leurs produits, c’est-à-dire les particuliers et les entreprises.
Par conséquent, si Washington impose un tarif de 25% les importations canadiennes de bois d’œuvre et de produits forestiers (par exemple, du carton), le prix des logements et des maisons augmenteront, sans parler d’une foule d’autres produits.
«Le prix des repas chez McDonald’s augmentera puisque l’entreprise devrait payer plus cher le carton pour les emballer», fait remarquer Jean-François Samray.
La situation délicate de l’industrie québécoise
Malgré tout, la situation demeure délicate, voire précaire dans certains cas, pour les producteurs de bois d’œuvre du Québec qui exportent aux États-Unis.
À la mi-août, quand l’administration Biden a fait passer de 8,05 à 14,5% les droits cumulatifs (compensateurs et antidumping), la situation de l’industrie était très précaire, car les producteurs ne couvraient pas alors leurs coûts de production, rapportait Les Affaires.
La situation est depuis améliorée, assure Jean-François Samray.
Les prix du bois ont augmenté sur les marchés, de sorte que les producteurs sont revenus en territoire positif. «Mais les marges de crédit sont pleines», précise toutefois Jean-François Samray.
Ce mardi midi, l’indice PRIBEC pour le prix d’un panier de produits s’élevait à 712$ (avec une tendance à la hausse), ce qui est un niveau confortable, selon Jean-François Samray.
Au-dessus de 700$, les producteurs de bois peuvent couvrir leurs coûts de production et engranger des marges.
Entre 600 et 700$, des entreprises peuvent être rentables ou déficitaires, et ce, en fonction de leur santé financière.
En deçà de 600$, l’ensemble des entreprises perdent de l’argent.