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Prix de l’électricité: la santé des régions est menacée, selon le Québec inc.

François Normand|Mis à jour le 05 novembre 2024

Prix de l’électricité: la santé des régions est menacée, selon le Québec inc.

D’ici 2035, Hydro-Québec investira de 155 à 185 milliards de dollars (G$) pour accroître sa capacité, ce qui exercera inévitablement une pression à la hausse sur les tarifs. (Photo: Adobe Stock)

Six regroupements d’entreprises forment l’Alliance pour la compétitivité énergétique du Québec (ACÉQ) afin de lancer un cri d’alarme: d’ici 2035, les tarifs d’électricité de leurs membres pourraient augmenter d’au moins 50%, ce qui fera perdre la compétitivité énergétique du Québec, en plus de plomber l’économie des régions.

Dans le cas du tarif L grande puissance des industriels, les hausses pourraient atteindre 60%, selon les estimations de l’ACÉQ, effectuées à partir des données d’Hydro-Québec. D’ici 2035, la société d’État investira de 155 à 185 milliards de dollars (G$) pour accroître sa capacité, ce qui exercera inévitablement une pression à la hausse sur les tarifs d’électricité.

L’ACÉQ est formée du Conseil du patronat du Québec, de Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIÉ), de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) et de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie (ACIC).

Ensemble, ces six regroupements d’entreprises disent représenter 28% des emplois du secteur privé au Québec et 45% du PIB du secteur privé.

Dans un communiqué de presse, l’ACÉQ affirme que les entreprises du Québec sont appelées à connaître une «hausse importante des tarifs d’électricité» si le projet de loi 69 sur la réforme de l’énergie est adopté «dans sa forme actuelle» par le gouvernement de François Legault.

Pour en savoir plus sur le projet de loi 69

La compétitivité des entreprises menacée

«Les changements proposés dans le projet de loi quant à l’établissement des tarifs d’électricité risquent de priver le Québec de son avantage comparatif en matière de coût de l’énergie, menaçant la compétitivité de ses entreprises et son pouvoir d’attraction sur les investissements, notamment dans les régions du Québec», écrivent les dirigeants des six regroupements d’entreprises.

En entrevue à Les Affaires, Jocelyn B. Allard, président de l’AQCIÉ (l’un des six regroupements de la nouvelle alliance), affirme que le Québec navigue à contre-courant en ce qui concerne l’évolution des prix de l’électricité en Amérique du Nord.

«Alors que les prix ont tendance à augmenter au Québec, ils ont tendance à baisser dans certaines régions des États-Unis», déplore-t-il, en précisant que les tarifs de ses membres ont déjà augmenté de plus de 10% depuis deux ans

Au sud de la frontière, les prix de l’électricité sont notamment tirés par le bas en raison des faibles prix du gaz naturel très abondant aux États-Unis.

Selon Jocelyn Allard, il y a une grande part de mythe dans la croyance selon laquelle le Québec offrirait les plus bas tarifs d’électricité aux entreprises en Amérique du Nord.

L’alliance des six regroupements d’entreprises a d’ailleurs publié une carte montrant qu’il y a deux provinces et 10 États américains qui offrent «des prix de l’électricité compétitifs» avec ceux en vigueur pour les industriels du Québec – c’est-à-dire qu’ils sont un peu plus bas, équivalents ou un peu plus élevés.

Source : Alliance pour la compétitivité énergétique du Québec (ACÉQ)

Ainsi, au Canada, il s’agit de la Colombie-Britannique et le Manitoba.

Dans le cas des États-Unis, on parle du Michigan, de l’État de New York, de l’Illinois, l’Indiana, de l’Ohio, du Kentucky, du Tennessee, du Mississippi, de l’Alabama et de la Géorgie.

Jocelyn Allard donne l’exemple des tarifs payés par un industriel (en cent américain le kilowattheure) qui opère huit usines en Amérique du Nord, mais qui ne veut pas être identifié.

Son usine au Québec arrive au troisième rang en termes de tarifs (4,1¢US/KWh). Ce qui signifie que cinq usines paient leur électricité moins cher qu’au Québec. Et si la tendance se maintient, l’usine québécoise pourrait grimper dans ce classement.

Jocelyn Allard rappelle que l’énergie peut représenter de 20 à 60% des coûts d’une entreprise au Québec.

Par conséquent, si l’ensemble des entreprises québécoises voit leurs tarifs d’électricité augmenter d’au moins 50% d’ici 2035, elles perdront un avantage compétitif important alors que leurs autres coûts sont élevés.

Il fait allusion aux coûts de construction et aux coûts de la main-d’œuvre, sans parler des coûts de transport.

Comme plusieurs entreprises exportent aux États-Unis où sont situés les principaux marchés, elles doivent donc transporter leurs marchandises sur de plus grande distance que leurs concurrents basés aux États-Unis.

Les demandes de la nouvelle alliance

L’ACÉQ est consciente que les prix de l’électricité sont appelés à augmenter en raison des investissements colossaux de 155 à 185 G$ d’Hydro-Québec d’ici 2035; elle ne demande donc pas de faveur, insiste Jocelyn Allard.

En revanche, les entreprises veulent simplement payer leur juste part, et ce, en fonction du «coût réel» pour livrer l’électricité en fonction du type clientèle.

«En 2025, par exemple, la clientèle commerciale paie 130% de ce coût, tandis que les grands industriels déboursent 114%», explique-t-il, en se basant sur les données d’HQ.

Quant à la clientèle résidentielle, elle paie 81% du coût réel.

C’est la raison pour laquelle l’ACÉQ propose quatre choses:

  • De préserver le statu quo quant à l’indexation de l’électricité patrimoniale, jusqu’à ce que le gouvernement mandate la Régie de l’énergie d’établir son coût réel;
  • De centrer la mission de la Régie de l’énergie sur l’établissement de tarifs basés sur les coûts réels, incluant un profit raisonnable pour Hydro-Québec;
  • De s’assurer qu’Hydro-Québec justifie ses demandes tarifaires en se basant uniquement sur ses coûts réels, incluant un profit raisonnable pour cette dernière;
  • De préserver une transparence et une surveillance adéquates dans l’octroi de nouveaux contrats d’approvisionnement par Hydro-Québec afin d’assurer des coûts compétitifs.

Selon la nouvelle alliance, le Québec doit donc retrouver un nouvel équilibre: assurer un «rendement raisonnable» pour financer les activités d’Hydro-Québec, tout en maintenant les retombées économiques «d’industries essentielles» au Québec avec des tarifs d’électricité compétitifs.