Rénovations écoénergétiques: quand revoit-on la couleur de son argent?
Karl Rettino-Parazelli|Édition de la mi‑septembre 2024Jean-Philippe Hardy, leader technique en énergie et décarbonation à Ambioner, une firme d’ingénierie qui accompagne des clients commerciaux, industriels et institutionnels dans leurs projets de décarbonation et d’efficacité énergétique (Photo: courtoisie)
FINANCEMENT. Lorsque vient le temps de lancer un projet de rénovations écoénergétiques, l’enjeu du retour sur investissement est crucial. Certains investissements peuvent être rentabilisés grâce aux économies d’énergie en l’espace de seulement quelques années, alors que d’autres exigent plus de patience. Voici comment s’y retrouver.
Selon Jean-Philippe Hardy, leader technique en énergie et décarbonation à Ambioner, une firme d’ingénierie qui accompagne des clients commerciaux, industriels et institutionnels dans leurs projets de décarbonation et d’efficacité énergétique, il est difficile faire des généralisations : le retour sur investissement peut grandement varier d’un projet à un autre. Selon ses estimations, on peut malgré tout classer les projets dans deux grandes catégories : celles qui se rentabilisent à court terme et les autres qui permettent de récupérer l’investissement initial à moyen-long terme.
Court terme
Les projets qui se rentabilisent le plus rapidement sont ceux liés à l’éclairage (ex : lumières DEL) et aux systèmes de contrôles automatisés (pour la ventilation, le chauffage, etc.), affirme Jean-Philippe Hardy. Celui-ci évalue que l’investissement dans un système d’éclairage peut généralement être rentable en l’espace de quatre à sept ans, comparativement à deux à cinq ans pour les contrôles (en incluant les subventions).
Kristopher Chapman, responsable technique en matière de décarbonation à Dunsky, cible quant à lui l’éclairage et l’étanchéisation du bâtiment, deux types de projets qui peuvent dans certains cas se rentabiliser en aussi peu que deux ans, juge-t-il.
Les entrepreneurs sondés par la BDC au sujet de leurs rénovations énergétiques ont fait un constat similaire : l’installation de lumières DEL (2,9 ans), de détecteurs de présence pour que les lumières s’allument au besoin (2,8 ans), de thermostats programmables (2,8 ans) et l’amélioration de l’isolation du bâtiment (3,3 ans) font partie de celles qui leur ont permis de revoir le plus rapidement la couleur de leur argent.
Moyen-long terme
« Quand qu’on renouvelle les systèmes énergétiques, les coûts sont souvent plus élevés et la rentabilité s’étend un peu, explique Kristopher Chapman, mais ce sont généralement des mesures qui ont plus de répercussions positives à terme », sur la consommation d’énergie et donc sur la facture payée par le propriétaire d’année en année.
Il estime par exemple que le fait d’installer une thermopompe commerciale peut se rentabiliser en six à huit ans, tandis que Jean-Philippe Hardy parle d’une fourchette plus large pour améliorer un système électrique existant (cinq à dix ans) et d’une période possiblement plus longue s’il s’agit du remplacement d’un système au gaz naturel (7 à 12 ans).
L’expert d’Ambioner évoque aussi les projets de récupération de chaleur, qui consistent à utiliser la chaleur de l’air qui a été évacué d’un immeuble (à partir des toilettes, par exemple) pour réchauffer l’air « neuf » qui y entre. « En hiver, ça peut représenter de belles économies », dit-il. Là encore, il rappelle que chaque projet est différent, mais estime qu’on peut s’attendre à un retour sur investissement en 6 à 12 ans.
Combiner les projets ?
Si le budget le permet, il peut être avantageux de regrouper plusieurs rénovations écoénergétiques afin de raccourcir la période de retour sur investissement totale, explique Kristopher Chapman. « Si j’ai plusieurs petits projets en tête qui se rentabilisent en peu de temps et un projet de thermopompe à remplacer, la rentabilité sera sans doute accélérée si je les combine », explique-t-il.
Par exemple, si un propriétaire compte investir 100 000 $ pour de l’éclairage, des contrôles et de l’étanchéisation (rentables après deux ans) et 1 million de dollars (M$) pour des systèmes de chauffage (retour sur huit ans), il se pourrait que les économies combinées de ces différents projets permettent de rentabiliser l’investissement total de 1,1 M$ en l’espace d’environ cinq ans, illustre-t-il.
Le fait de combiner les mesures comporte aussi d’autres avantages, note Jean-Philippe Hardy. Il est d’abord possible de réaliser des « économies d’échelle », explique-t-il : les services de consultation et les travaux devraient coûter moins cher pour cinq projets lancés d’un seul coup que pour ces mêmes projets initiés un à la fois. On peut également aller chercher plus de subventions pour un gros projet que pour plusieurs petits projets individuels, ajoute-t-il.
« Les mesures sont souvent interreliées. En faisant tout d’un seul coup, on peut s’assurer de ne pas être obligé de défaire ce qu’on a fait auparavant. Par exemple, d’enlever un bout de tuyau qu’on avait mis l’année passée quand on a fait d’autres mesures », illustre-t-il.
« Finalement, à cause des économies d’échelle et des subventions potentiellement plus intéressantes, on peut améliorer la rentabilité du projet », conclut Jean-Philippe Hardy.